Construisons-nous une société d’adultes-enfants?

Samuel Roberge
À force de surprotéger les enfants et de cultiver une obsession de la prévention, on freine leur autonomie, leur résilience et leur capacité à affronter le monde, selon le philosophe Réjean Bergeron.
«C’est que plus on veut les surprotéger, plus on les empêche de grandir», déplore M. Bergeron en entrevue, lundi, au micro de Rémi Villemure à QUB radio et télé, diffusée simultanément au 99,5 FM à Montréal.
L’auteur de Je veux être un esclave! (2016) soutient que l’environnement sans risque et sans liberté dans lequel évoluent les enfants – tant à la maison qu’à l’école – les empêche d’acquérir les réflexes nécessaires pour devenir des adultes autonomes. Résultat: on voit émerger des adultes-enfants qui peinent à agir de façon responsable dans la société.
«On a tellement peur, on veut tellement les protéger – je parle de protectionnisme exacerbé, de surprotection de la part des parents –, ça fait en sorte qu'on les empêche de prendre des risques, et donc d'apprendre à se développer autant physiquement que mentalement, psychologiquement et socialement», soutient le philosophe.
Selon lui, il faudrait cesser de constamment encadrer les jeunes à travers des figures d’autorité – qu’il s’agisse de parents, de professeurs ou d’entraîneurs – afin de leur permettre de développer leur propre initiative.
«Les enfants peuvent créer leurs propres jeux, installer leurs propres règles, faire en sorte que ces règles-là soient respectées, donc, relever des défis», résume-t-il.
Et avec le développement technologique, cet environnement aseptisé se prolonge désormais à l’âge adulte. C’est ce que M. Bergeron illustre à travers le concept d’homo confort, emprunté à l’essayiste italien Stefano Boni.
«Nos sociétés, plus on recherche le confort – c’est-à-dire plus on développe des outils, de la technologie –, plus on devient fragile», explique-t-il.
Entourés d’une multitude de «prothèses cognitives», comme le GPS ou l’accès illimité à Internet, les adultes deviennent de moins en moins capables de faire face à l’imprévu ou à l’inconfort.
«Plus on s’entoure justement de ces outils-là, plus on se défait d’un certain nombre de capacités pour remettre ça dans les mains de ces outils-là, explique M. Bergeron. Et donc ça crée, ça fait en sorte que l'humain devient plus fragile, plus peureux, plus craintif, plus angoissé par rapport à un environnement brut dans lequel il est de moins en moins familier.»
Voyez l'entrevue intégrale de Réjean Bergeron dans la vidéo ci-dessus.