Confédération de 1867 : la solidarité canadienne pour se protéger de nos voisins du sud
Entre 1864 et 1866, les discussions pour former un bloc économique et politique entre les colonies britanniques d’Amérique du Nord pour se protéger des États-Unis n’ont pas été de tout repos sur le plan politique.
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Contestation dans les journaux, renversement de gouvernement, perspectives politiques et économiques divergentes, insultes, bref, tous ne sont pas sur la même longueur d’onde sur ce projet de Confédération. Malgré tout, le temps presse et c’est l’heure des ententes. John A. Macdonald qui proposait un système politique des plus centralisé pour souder cette nouvelle nation en devenir va devoir faire des compromis et accepter un modèle fédératif proposé en 1864 lors de la Conférence de Québec dans lequel le gouvernement central partage le pouvoir avec des provinces.

QUE SE PASSE-T-IL CHEZ NOUS AU QUÉBEC ?
Pour certains, comme le chef des Rouges Antoine-Aimé Dorion, le projet de Confédération est mauvais parce qu’il donne beaucoup trop de pouvoir au gouvernement central et marginalise encore plus les francophones. En fait, Dorion a l’impression que le projet servira surtout à enrichir les compagnies de chemin de fer aux frais des citoyens. Il ira même jusqu’à proposer un référendum populaire pour demander l’avis du peuple. Évidemment, il est perçu par les Pères de la Confédération comme un empêcheur de tourner en rond.
«Le sentiment général est connu et le recours au peuple est inutile» en d’autres termes, «pas de référendum».
George-Étienne Cartier
Finalement, après 39 jours d’intenses débats, le 10 mars 1865, on invite les députés du Canada-Uni à voter pour ou contre le projet de Confédération. Les députés se prononcent à 91 voix en faveur du projet contre 33. Ce qui est intéressant, c’est de faire ressortir de ce chiffre le vote des députés francophones qui, eux, souhaitent cette union, avec un résultat beaucoup plus serré de 26 votes pour et 22 votes contre la fédération.
À la fin de l’automne 1866, 16 délégués du Canada-Uni, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick se retrouvent à Londres pour discuter et jeter les bases du texte constitutionnel qui fera naître le pays. Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard se sont retirées du projet.
Chaque colonie a des demandes bien spécifiques. Ces délégués sont accompagnés d’hommes d’affaires de l’Amérique du Nord britannique qui souhaitent avoir leur mot à dire sur les textes qui vont dessiner la Confédération. Ça joue ferme en coulisse et l’atmosphère est tendue. Par exemple, dans les Maritimes, des évêques catholiques veulent des garanties pour protéger constitutionnellement les écoles séparées de confession catholique romaine. D’autres, comme Alexander Galt, veulent des garanties pour protéger la minorité anglophone au Québec.

CONFÉRENCE DE LONDRES
La conférence se déroule au Westminster Palace Hotel de Londres sous la présidence de John A. Macdonald. Il maîtrise si bien les discussions qu’il réussit facilement à convaincre les délégués d’accepter ses idées plutôt centralisatrices et même à imposer la confidentialité sur la nature des discussions. Une stratégie pour laisser les détracteurs du projet dans l’ignorance et faire taire les critiques à l’extérieur du Westminster Palace Hotel. Le ministre britannique des Colonies, Frederic Rogers, dira de Macdonald qu’il est «le génie dominant» du processus.
Malgré tout, certains, comme le Néo-Écossais Joseph Howe, vont essayer de discréditer le processus en faisant passer Macdonald pour un ivrogne. Ce qui n’est pas totalement faux. Malgré son vice pour la bouteille, celui qui deviendra le premier premier ministre de notre histoire reste solide et tisse de forts liens avec les politiciens les plus influents du Parlement britannique.

NAISSANCE DE LA CONFÉDÉRATION CANADIENNE
Un détail reste à régler. Quel nom portera ce nouveau pays? Après quelques suggestions originales comme Boréalia, Hochelaga, Laurentides ou Efisga (acronyme des peuples fondateurs: England, France, Irlande, Scotland, Germany et Aborigènes), on retient finalement le nom de Dominion of Canada. Macdonald, lui, proposait Royaume du Canada, mais les Britanniques craignaient que le mot «royaume» soit agressant pour les États-Unis. C’est dans ce contexte que le terme «dominion», inspiré par un verset de la Bible sur l’empire de Dieu (dominion en anglais), est choisi. La devise adoptée ne laisse aucun doute sur les intentions d’expansion territoriales de ces hommes: «D’un océan à l’autre» (A mari usque ad mare). De plus, parce qu’on maintient des liens constitutionnels avec la monarchie britannique, on ne sent pas l’urgence de se créer un hymne national spécifique. Le God Save the Queen fait l’affaire.

Une version définitive du British North America Act est finalement proposée à la reine Victoria le 11 février 1867. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) est adopté sans véritable débat, on pourrait même dire, dans une certaine indifférence par la Chambre des communes et la Chambre des lords au Parlement de Londres. Le projet constitutionnel canadien est approuvé facilement, les deux tiers des députés britanniques l’ayant approuvé, probablement en le lisant en diagonale. Il reçoit finalement la sanction royale de la reine Victoria le 29 mars 1867. Puis, le 1er juillet, le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse deviennent le Dominion du Canada par proclamation, mais sans célébrations ni feux d’artifice ou fanfares pour souligner l’événement. Ottawa est désignée comme capitale.
Notons qu’Ottawa était déjà la capitale de la province du Canada-Uni depuis le 31 décembre 1857. On avait choisi cet emplacement rural et reculé pour résoudre le conflit entre les notables de Montréal, Toronto, Québec et Kingston, qui souhaitaient tous que leur ville devienne le centre du pouvoir politique. Au-delà de ces chicanes de clochers, Ottawa était stratégiquement bien placée sur le plan géographique, sur la frontière entre le Haut et le Bas-Canada, mais aussi elle était plus facile à défendre en cas de guerre contre les États-Unis.
