Compressions en santé: des nutritionnistes et physiothérapeutes fournissent des soins à domicile... en autobus et à pied
Il faut parfois prendre deux ou trois transferts et ensuite marcher pour se rendre chez le patient malade


Héloïse Archambault
Des employés du réseau de la santé de l’est de Montréal prennent désormais l’autobus pour se rendre chez leurs patients, depuis qu'ils sont moins dédommagés qu'avant pour prendre leur voiture, une nouvelle coupe budgétaire qui leur fait perdre un temps fou en plus de réduire l’accès aux soins, déplorent-ils.
«C’est étendu, le territoire! dénonce Sylvain Savoie, un diététiste-nutritionniste de 63 ans. C’est deux fois plus long qu’en auto. Et on ne peut pas trimballer le stock dans l’autobus.»
Depuis le 31 mars dernier, «l’utilisation d’un véhicule personnel ne constitue plus une exigence liée à votre poste», a écrit le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’île-de-Montréal (CEMTL) dans une lettre obtenue par Le Journal. La direction estime pouvoir économiser 200 000 $, précise le service des communications.
Au total, 358 employés sont visés (physiothérapeutes, ergothérapeutes, diététistes-nutritionnistes, travailleurs sociaux, etc.).
Jusqu’à trois heures
Résultat: des trajets dans le vaste territoire de l’est de l’île (Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies) prennent deux à trois heures et nécessitent des transferts d’autobus, pour un secteur peu desservi en transports en commun.
«C’est pathétique [...] ça manque de gros bon sens, réagit José Carufel, conseiller syndical du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) pour le CEMTL. Au lieu de voir trois patients par jour, ils vont en voir un.»

Une employée a estimé avoir passé près de 30% de ses heures de travail dans l’autobus (ou à l’attendre) depuis trois semaines. Lorsque du matériel médical est requis (comme une marchette), il faut remplir des formulaires de livraisons qui coûtent 50$, selon le SCFP.
Les employés utilisaient leur voiture depuis longtemps pour les soins à domicile. La fin de l'exigence d'une voiture leur fait perdre des compensations financières, se chiffrant à plusieurs centaines de dollars par an : remboursement de primes d’assurance auto, stationnement payé et montant de kilométrage garanti.
Presque pas de déplacement
Or, le CIUSSS rembourse toujours 63 cents du kilomètre parcouru, pour ceux qui voudraient encore prendre leur véhicule. La direction justifie cette coupe budgétaire en évoquant que plusieurs employés ne faisaient presque pas de déplacements. La moyenne annuelle était de 880 kilomètres par employé.
«On compte sur le fait que les employés vont quand même prendre leur auto parce qu’ils ont à cœur le bien-être de leurs patients, déplore M. Carufel, qui leur déconseille de l’utiliser. S’ils ont un accident, ça pourrait être compliqué. Ils ont le droit, mais c’est à leur risque.»
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
«Ils cherchent tous les moyens possibles de couper de l’argent, mais pourquoi ils le prendraient dans mes poches?» questionne M. Savoie, qui a passé deux fois plus de temps dans le transport, jeudi dernier.
Aucun gestionnaire du CEMTL n'était disponible pour répondre au Journal. Par courriel, on écrit que cette coupe n'a aucun impact sur les soins. «Si des ajustements sont nécessaires ils seront effectués.»
Fin de l’exigence de la voiture au CEMTL
- 358 employés sont touchés (diététistes-nutritionnistes, ergothérapeutes, physiothérapeutes, travailleurs sociaux);
- C’est la fin du stationnement payé au travail et du paiement de primes d’assurance auto pour utilisation professionnelle;
- La voiture n’est plus une exigence pour les soins à domicile, selon le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal;
- Une centaine d’employés ont pourtant parcouru 1000 km et plus l’an dernier;
- Ils peuvent encore prendre leur auto (remboursement de 63 cents du kilomètre), mais sans les autres compensations.
Source: Syndicat SCFP CEMTL et CEMTL