Commission Gallant: le dossier SAAQclic géré à coups de «napperons» et de «restrictions mentales»

Yannick Beaudoin
Les récents témoignages des ex-directeurs de cabinet du ministre François Bonnardel à la commission Gallant soulèvent certaines questions sur les pratiques de gestion du gouvernement en lien avec la SAAQ, estime le professeur associé à l’École nationale d’administration publique (ENAP) Jacques Bourgault.
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Pour ce dernier, il y a plusieurs raisons qui expliquent que Sébastien Lépine, qui a été directeur de cabinet de M. Bonnardel de 2021 à 2022, et Véronik Aubry, qui a occupé cette fonction de 2018 à 2021, n’aient pas la même version des faits quant au fiasco SAAQclic.
«Il faut voir s’il s’agit de faits bruts, d’impressions ou d’éléments qu’on dégage [...] d’un napperon qui, volontairement ou pas, est flou et dont les termes ne sont pas toujours définis. Des fois, on parle du projet, des fois, on parle du contrat. Des fois, le projet s’arrête avec le contrat. Des fois, le projet inclut la mise à jour, la livraison de la mise à jour et tout ça», a expliqué M. Bourgault en entrevue sur les ondes de LCN.
Celui-ci estime que le cabinet du ministre et la SAAQ ont «beaucoup joué sur les mots».
«Il y a eu pas mal de restrictions mentales. C’est mieux de ne pas aborder les affaires pour ne pas être embêté avec», résume le spécialiste en administration publique.
Le professeur à l’ENAP avoue ne pas avoir été particulièrement impressionné par le témoignage de Sébastien Lépine.
«J’ai trouvé que [...] M. Lépine n’avait pas une très bonne mémoire», soutient Jacques Bourgault.
Celui-ci se range d’ailleurs derrière l’avis du commissaire Denis Gallant, qui a en quelque sorte reproché aux deux témoins de ne pas être «particulièrement méticuleux», selon les mots employés par M. Bourgault.
«Quand on est conseiller d’un ministre et qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, pour ne pas dire dangereux et coûteux, et qui touche vraiment le service à la clientèle, on doit être beaucoup plus proactif dans les questions qu’on pose et dans l’information qu’on veut avoir. Il ne semble pas que ç’a été le cas», conclut le professeur à l’ENAP.
Gouvernance par «napperons»
Jacques Bourgault s’interroge aussi sur l’utilisation de nombreux «napperons» dans des réunions impliquant des membres du cabinet du ministre des Transports.
«Le napperon, c’est une maladie qui a frappé la haute fonction publique du Québec à la fin des années 90. Quand on faisait une nouvelle chose, mais qu’on voulait présenter ce qu’on appelle “les éléments jugés essentiels” [...] sur quelque chose qui tenait en une page et qui avait une apparence de dynamique de compréhension. Donc tout ça, ça tenait sur le genre de napperon que vous trouvez dans un restaurant type greasy spoon. Et c’est cette grandeur-là, puis il y a beaucoup de choses dans le napperon. Maintenant, forcément, ce n’est pas un document où on fait beaucoup de nuances. C’est à la fois un désavantage pour le lecteur, mais un avantage pour le producteur parce qu’il n’est pas obligé de faire trop de nuances», explique-t-il.
Or, à la lueur des témoignages à la commission Gallant, il s’avère que ces «napperons» étaient souvent présentés aux membres du gouvernement lors de réunions.
«Normalement, dans une bonne gouvernance, tu as les documents au moins une journée d’avance pour pouvoir les lire, les comprendre, y réfléchir, faire des vérifications et arriver à la réunion en position de poser beaucoup de questions. Ça, ça m’a extrêmement frappé dans cette affaire», commente M. Bourgault.
Pour voir l’entrevue complète, visionnez la vidéo ci-haut.