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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Comment se fabriquent les conneries à l’université

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Photo portrait de Joseph Facal

Joseph Facal

2025-05-15T04:00:00Z
2025-05-15T04:15:00Z
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Prenons quelques bêtises couramment entendues. 

En Occident, la décision de porter le voile islamique serait une affirmation de liberté individuelle de la femme, prise sans contrainte extérieure.

Dans nos sociétés, seul le racisme des Blancs est condamnable.

Il suffit de se dire homme ou femme pour le devenir et obtenir les droits qui viennent avec.

Sécurité 

Toutes ces conneries sont nées dans le milieu universitaire avant de se répandre dans le reste de la société.

Elles jettent un discrédit considérable sur cette majorité de professeurs qui font du travail honnête et rigoureux.

Ceux qui se contentent d’en rire oublient que ce sont aussi des intellectuels qui ont construit les justifications des pires massacres de l’histoire.

Jean-Paul Sartre a déjà écrit:

«Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent, et je ne vois pas d’autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d’une prison.»

On me demande souvent: comment un milieu qui abrite des gens supposément très intelligents et très instruits peut-il servir d’incubateur à de telles inepties?

Chacun à sa manière, plusieurs auteurs – Raymond Boudon, mon directeur de thèse, Thomas Sowell, Samuel Fitoussi, Steven Pinker – ont traité la question.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

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Bien sûr, l’intelligence et l’instruction sont une chose et le jugement en est une autre.

Mais l’affaire est plus complexe. Fondamentalement, deux caractéristiques du milieu universitaire expliquent sa propension à fabriquer de la connerie.

Imaginons que vous êtes un homme d’affaires.

Si vous commettez une erreur monumentale, vous risquez de perdre des clients et des parts de marché.

Vous pouvez faire faillite, les actionnaires peuvent vous congédier, etc.

Prenez un artiste connu.

Une gaffe majeure pourra lui coûter des contrats, affectera la vente de ses billets de spectacle, pourra alimenter une campagne de boycottage, etc.

À l’université, si vous êtes un professeur bénéficiant de la sécurité d’emploi, et celle-ci existe pour d’excellentes raisons, ni votre job ni votre salaire, fixé par une échelle, ne seront affectés par vos bêtises.

Au pire, et ce pire est rare, vous recevrez moins de bourses de recherche et moins d’invitations à des colloques.

La seconde explication est que l’universitaire, comme bien des humains dans d’autres domaines, rêve de reconnaissance, de notoriété, de prestige, d’être une vedette.

De ce point de vue, il n’est pas différent d’un artiste, d’un sportif, etc.

Comment sortir du lot? Comment se faire remarquer?

On peut y parvenir en produisant des travaux d’une qualité et d’une quantité exceptionnelles. C’est rarissime.

De plus, comme la recherche universitaire est devenue ultraspécialisée, la notoriété ainsi obtenue restera à l’intérieur du périmètre très restreint des spécialistes.

Qui connaît les noms des grands mathématiciens ou astrophysiciens du moment?

Loin

Pour se faire remarquer, le moyen le plus simple sera donc de tenir des propos surprenants et provocateurs.

Et le meilleur moyen de provoquer, c’est de critiquer votre propre société.

Mais comme il y a une forte concurrence, il faut toujours aller plus loin.

Et c’est ainsi qu’on s’enfonce dans le délire.

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