Comment savoir si votre voisin fait du bruit excessif (et quoi faire si c’est le cas)?


Sarah-Florence Benjamin
À partir de quand avons-nous le droit de se plaindre du bruit que font nos voisins? Est-ce qu’on doit absolument baisser le ton après une heure? Une avocate nous aide à y voir plus clair.
Commençons par le début : qu’est-ce que dit la loi?
L’article 976 du Code civil du Québec stipule que les voisins doivent tolérer «les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux».
«C’est beaucoup de mots pour dire que c’est du cas par cas», résume Maître Shahad Salman, avocate séniore chez Juripop, qui a l’habitude d’accompagner des locataires dans leurs démarches pour des cas de bruit excessif.
En effet, il n’y a pas une liste de bruits considérés normaux et anormaux. Ça dépend du contexte, de l’heure et la récurrence du bruit, mais aussi de l’attitude du voisin qui est responsable du bruit, etc.
Par exemple, un jugement du tribunal administratif du logement (TAL) peut décréter que des enfants qui courent et qui crient pendant le jour constituent un bruit normal. Si les enfants courent et crient toutes les nuits, le bruit pourrait toutefois être considéré comme anormal.
Est-il interdit de faire du bruit après 22h?
Contrairement à la croyance populaire, il n’y a pas d’heure universelle à partir de laquelle on ne peut plus faire de bruit.
Les règlements municipaux ou d’arrondissement peuvent prévoir une heure à laquelle le bruit ne peut pas dépasser un certain nombre de décibels. À Laval, par exemple, le bruit perçu à l’extérieur d’un logement ne doit pas dépasser 50 dB(A) entre 21h et 7h.
Enfreindre un tel règlement peut mener à une amende.
Ce n’est toutefois pas parce qu’un bruit survient après ces heures qu’il est excessif. Un bruit peut d’ailleurs être jugé comme anormal, même en plein jour.
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Que faire quand on est locataire et qu’un voisin fait trop de bruit?
La première chose à faire, évidemment, c’est de parler au voisin. Documentez toutes les interactions que vous aurez avec lui en lien au bruit.
«On privilégie les échanges par écrit si possible. Si vous voulez enregistrer une conversation de façon cachée, assurez-vous que ce soit une conversation à laquelle vous participez», conseille-t-elle.
Si le voisin refuse de collaborer ou le bruit continue, il faut s’adresser à son propriétaire, qui a l’obligation d’assurer la jouissance paisible des lieux à ses locataires. Encore une fois, c’est une bonne idée de garder des traces de ces échanges.
Si jamais le propriétaire ne fait pas suite à votre demande ou si le bruit revient, la dernière étape «pré-judiciaire» est de faire parvenir une mise en demeure au propriétaire (et au locataire fautif) pour les informer que si le problème ne se règle pas dans un délai prescrit, vous allez entamer des démarches au TAL.
Si jamais la situation se rend jusqu’au TAL, il est important de recueillir toutes les preuves possibles pour votre dossier : les échanges avec le voisin et le propriétaire, des preuves audio et vidéo, des témoignages d’autres locataires.
«Il faut montrer que vous avez communiqué avec le voisin et qu’il y a eu escalade», précise Me Salman.
Si vous faites la preuve que le bruit vous empêche de jouir des lieux paisiblement, vous pouvez avoir droit à une diminution de loyer, à des dommages et intérêts de la part de votre propriétaire, à la résiliation de votre bail ou de celui du voisin fautif.
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Que faire quand on est propriétaire?
Lorsqu’on est propriétaire et que le bruit provient d’un locataire, on peut demander la résiliation de son bail au TAL. Il faut toutefois prouver qu’il y a un préjudice sérieux.
Si le bruit résulte d’une mauvaise isolation du logement, c’est le devoir du locateur de régler la situation.
Si le problème de bruit implique deux propriétaires, on est dans le registre de la «chicane de voisin», le TAL n’a rien à voir là-dedans.
Et si c’est nous, la cible de la plainte?
Si un voisin se plaint à répétition du bruit qui provient de votre logement, il faut se demander si on ne fait effectivement pas du bruit excessif.
Si ce n’est pas le cas, Shahad Salman, encore une fois, il faut commencer par parler au voisin et au propriétaire. N’oubliez pas de documenter toutes vos échanges.
«Si vous avez fait des ajustements et que les plaintes continuent de façon excessive, ça peut être considéré de l’intimidation et du harcèlement», affirme l’avocate.
Il est donc possible, après avoir amassé ses preuves, de déposer une plainte au TAL.