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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Comment les démagogues réussissent à manipuler autant de monde

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Photo portrait de Dr François Richer

Dr François Richer

2024-11-10T17:00:00Z
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Malgré leur assurance, les démagogues nous manipulent par la mauvaise foi et les bilans simplistes, en profitant du stress ambiant pour attiser la méfiance et l’indignation. Au lieu de solutions réfléchies, ils nous offrent le mirage de la simplicité et le défoulement du poing sur la table. Le problème c’est qu’ils ne sont pas là pour nous, mais pour nous utiliser à leurs propres fins.

« Les catholiques veulent pourrir notre belle Amérique ! » (Levin, Philadelphie, vers 1844). « Les libéraux, les capitalistes et les juifs ont détruit notre société ! » (Lueger, maire de Vienne, vers 1900).

Les démagogues

Plusieurs activistes veulent nous éveiller sur des enjeux sociaux importants. Ils sont passionnés et parfois ils exagèrent pour mieux nous influencer.

Cependant, certains activistes deviennent démagogues quand leur soif d’influence les mène à tenter de nous manipuler par des mensonges et des demi-vérités.

Souvent, les démagogues séduisent par leur assurance ou leur franc-parler. Ils donnent l’impression d’avoir la vision et le courage nécessaire pour améliorer les choses. Pour attirer des adhérents, les démagogues doivent en plus attiser le sentiment de victime, la peur ou l’indignation (ex. : « On se fait avoir et il faut se défendre. »).

Juger, se plaindre et haïr

Les périodes difficiles sont fréquentes et les changements sont souvent inquiétants. Se sentir floué par le système et se sentir impuissant est stressant.

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Quand ils se sentent dépassés ou qu’ils désapprouvent des changements qui dérangent (des gouvernants, des élites déconnectées, des immigrants), certains ont plus envie de juger et de se plaindre que de comprendre.

Les raisons de se plaindre ou de juger ne manquent pas. En plus, la plainte et les jugements sont des passe-temps accessibles qui n’exigent aucune compétence.

Quand le sentiment d’impuissance grandit, le besoin de juger est tel que certains cherchent des boucs émissaires. Haïr devient une façon de délimiter et interpréter notre stress.

Plus nous sommes stressés, plus nous sommes ouverts aux solutions rapides et simplistes.

Les messages des démagogues attirent par leur simplicité. Ils ont l’air de voir plus clair que les autres et leurs bilans sont sans équivoque (ex. : le gouvernement est inutile et fait partie du problème).

Pourquoi se compliquer la vie quand on peut résumer la réalité en noir ou blanc ? Pour les démagogues, le bon sens est plus valable que les explications compliquées. S’informer, réfléchir et sous-peser différents points de vue est fatigant et peu satisfaisant comparativement à un coup de poing sur la table accompagné d’une phrase choc.

Le but de la logique noir ou blanc est de simplifier, mais aussi d’amplifier le contraste entre nous (les bons) et eux (les causes des problèmes). Diviser garde les gens motivés par la haine et empêche de relativiser.

La mauvaise foi

En plus de simplifier excessivement, les démagogues doivent souvent déformer les faits ou la logique pour vendre leurs arguments. « Je ne suis pas raciste puisque j’ai des amis noirs. » « Les autres mentent aussi ».

L’indignation est parfois utile, mais à la longue, la frustration réduit l’intelligence, car notre cerveau perd un peu de sa flexibilité.

Les démagogues tentent de kidnapper notre attention et faire taire les petites voix qui nous font imaginer d’autres explications possibles. La lentille de notre cerveau devient moins ouverte aux idées alternatives et elle se laisse influencer par des conclusions rapides (« Ces changements sont mauvais pour nous ») et des explications complotistes (« Ils » veulent profiter de nous).

Retrouver l’ouverture

Les démagogues deviennent moins populaires quand nous réduisons notre indignation.

Celle-ci peut diminuer en réduisant les jugements, en retrouvant un certain pouvoir et un certain sentiment d’appartenance à un projet collectif. Sortir de sa zone de confort (voyager, essayer de nouvelles choses, écouter des points de vue différents) et s’allier pour changer les choses a souvent des effets positifs. Nous ressentons moins de contraintes, moins d’impuissance et moins d’indignation.

En plus, nous retrouvons le sentiment de voir plus de possibilités et l’envie d’améliorer les choses.

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