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L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

Comment le «facteur russe» est devenu le joker des Canadiens au repêchage

Photo BEN PELOSSE
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Photo portrait de Nicolas Cloutier

Nicolas Cloutier

2025-07-05T04:00:00Z
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Voilà deux années consécutives que les Canadiens de Montréal investissent leur premier choix de repêchage sur un attaquant russe, à une époque où il est jugé particulièrement risqué de le faire.

Si le facteur russe est une épine dans le pied de bien des équipes de la Ligue nationale de hockey (LNH), il est devenu en quelque sorte une arme secrète pour le Tricolore. C’est ce qui a permis à l’organisation de réclamer au début du deuxième tour un potentiel attaquant de calibre top 6, Alexander Zharovsky, alors que la profondeur du repêchage de 2025 était pourtant fortement contestée par les recruteurs.

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Dans les instants qui ont suivi la conclusion du repêchage, le codirecteur de recrutement amateur des Canadiens Martin Lapointe a déclaré que Zharovsky était l’une des cibles aux 16e et 17e rangs avant que l’organisation n’échange ses deux choix de premier tour aux Islanders de New York. Il a aussi mystérieusement fait allusion à des «raisons» qui l’ont fait glisser.

Lors d’une entrevue avec TVA Sports à Brossard au terme du camp de perfectionnement, Lapointe nous a aidés à cerner quelles étaient ces raisons et comment un attaquant avec ce talent est tombé entre les mains de l’équipe.

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«On va se le dire là, les équipes qui ont un peu plus de Russes, elles ne veulent pas en prendre un autre, a d’abord avoué l’imposant recruteur en chef. Il y a des équipes qui sont moins friandes des Russes. C’est sûr que le facteur russe inquiète beaucoup de monde.»

Il ne préoccupe pas autant les Canadiens. Parce que l’information, c’est le nerf de la guerre. Quand on la détient, on est en confiance; on se sent capables de prendre des décisions éclairées.

Et l’information en Russie chez les Canadiens, elle est glanée par l’acolyte de Lapointe, l’autre codirecteur du recrutement, Nick Bobrov. Déjà, son père, Sergei Bobrov, a travaillé pour le SKA de Saint-Pétersbourg. Il est un informateur essentiel consulté par l’organisation.

«Moi, quand je travaille avec Nick, j’ai la chance d’avoir de l’information que lui peut aller chercher, a confié Lapointe. Son père est souvent en Russie, et Nick, c’est lui-même un Russe qui est capable d’aller là-bas.

«Pis Nick, c’est un travaillant. Il va aller chercher les informations vraiment profond.»

Sans nommer personne, on se contentera de préciser que cet arsenal de renseignements privilégiés que Bobrov offre au Tricolore peut tant convaincre que dissuader l’équipe de faire certains choix.

«Des fois, il y a des raisons pour lesquelles on prend un Russe... et pourquoi on n’en prend pas», a lancé Lapointe avec le sourire. Il n’a rien eu besoin d’ajouter.

Photo BEN PELOSSE
Photo BEN PELOSSE
Détour floridien

Est-ce que le CH profite d’un avantage compétitif sur les autres équipes au repêchage grâce aux antennes et au passeport russe de Bobrov?

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«C’est sûr, a lancé Lapointe sans une once d’hésitation. Je suis content qu’il soit de mon bord et qu’il travaille avec les Canadiens. C’est dur de drafter un gars avec du vidéo...»

Si Bobrov a pu voir Zharovsky en Russie en chair et en os au cours de la saison, un luxe qui n’est pas donné aux 32 équipes, les Canadiens ont aussi pu confirmer leur évaluation en le rencontrant au camp organisé par l’influent agent Dan Milstein en Floride.

«J’ai un condo là-bas, c’était à cinq minutes de chez nous», a lancé Lapointe.

L’entraîneur-chef de Zharovsky dans la KHL, Viktor Kozlov, était également sur place; il a été sollicité dans la collecte d’informations.

«Quand on a repêché Demidov, son caractère ressortait, a mentionné Lapointe. Même constat avec Zharovsky. Son caractère ne me fait pas peur. Quand je l’ai vu jouer... tu pouvais voir ses habiletés et ce qu’il pense sur la glace.»

Photo tirée de INSTAGRAM, ALEXANDER ZHAROVSKY
Photo tirée de INSTAGRAM, ALEXANDER ZHAROVSKY
L’angle mort de Lapointe

La sélection de Zharovsky par le CH a ceci d’ironique que Lapointe n’a pas la réputation dans le milieu d’être particulièrement indulgent envers les joueurs à qui le coup de patin fait défaut. C’est pourtant la principale faiblesse du jeune homme. On décrit Zharovsky comme un véritable magicien qui, en revanche, ne se déplace pas avec la plus grande aisance. À 6 pi 1 po et 163 lb, cette «échalote», en bon québécois, manque d’explosion dans ses enjambées.

«Moi, je suis dur avec le patin, a concédé Lapointe, qui s’efforce de considérer ce biais personnel quand il évalue les espoirs. Des fois, on est trop dur. Il y a des joueurs qui n’étaient pas de bons patineurs au niveau junior, et ils jouent dans la Ligue nationale. Ils ne sont pas si mauvais que ça.»

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La progression de Jake Evans lui a notamment ouvert les yeux. Lapointe était un sceptique.

«Quand je faisais du développement, j’allais à Notre Dame et je me disais: “Pas sûr qu’il va faire la LNH avec son patin.” Regarde aujourd’hui.»

Au final, ça n’a pas fait reculer le Tricolore, qui s’est au contraire avancé en deuxième ronde pour réclamer Zharovsky. Son coup de patin n’empêche pas notre interlocuteur de faire des nuits de sommeil complètes.

«Zharovsky? Pfff... si son patin est pas élite en ce moment, il faut qu’il ait une dimension ailleurs pour qu’il soit top 6, a-t-il expliqué, avant d’identifier ces dimensions, apparemment multiples dans le cas de l’ailier russe. Sa tête, ses habiletés... Puis il va gagner en force physique, il ne restera pas à 170 lb.»

Les Canadiens auraient levé le nez sur tout ça si Bobrov n’avait pas été en mesure de le voir en personne. Lapointe ne se fait pas prier pour le rappeler.

«On a parlé à beaucoup de monde, mais on s’est basés sur les informations que Nick avait. Je donne à Nick ce que Nick apporte à l’équipe. Je suis un team guy.»

Nos sources en Russie au sujet de Zharovsky

«Il est bon. Il a fait très bonne impression lors des séries de la KHL. Il a fait son entrée en demi-finale, et j’étais impressionné par sa compétitivité et sa créativité. Pour un joueur de 18 ans avec aucune expérience, il est vraiment sorti du lot.»

«[Un choix] fantastique. Un gars vraiment talentueux. Je ne peux élaborer davantage, mais je peux vous dire que je suis encore frustré qu’on n’ait pas obtenu ses droits quand on en a eu l’occasion.»

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