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L'article provient de TVA Sports
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Comment Kent Hughes peut attirer Sam Bennett

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Photo portrait de Nicolas Cloutier

Nicolas Cloutier

2025-05-13T19:07:56Z
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Le problème est vieux comme le monde (ou le plafond salarial) pour quiconque occupe le poste de directeur général des Canadiens : comment convaincre un joueur autonome sans compensation de préférer Montréal à une ville au sud de la frontière, située dans un État ne prélevant aucun impôt sur le revenu?

S’il souhaite être agressif dans le derby pour les services de Sam Bennett des Panthers de la Floride, Kent Hughes devra redoubler de créativité et couvrir tous les angles morts qui pourraient être attaqués par l’Agence du revenu du Canada (ARC), a souligné un expert en fiscalité sportive lors d’un entretien avec le TVASports.ca.

«Tu dois connaître toutes tes options au préalable et utiliser un langage précis dans le contrat, explique au téléphone Kyle Stich, directeur chez AFP Tax Consulting, une firme de conseil en fiscalité sportive établie à Rochester. Tu dois utiliser des comptes à imposition différée pour réduire l’impact financier que représente vivre à Montréal.»

Bennett, par exemple, ne verse aucun impôt à l'État de la Floride en jouant pour les Panthers. Son taux d’imposition est le taux marginal fédéral aux États-Unis, qui s’élève à 37 % pour un athlète professionnel de son acabit. Au Québec, le taux marginal combiné (fédéral et provincial) se chiffrerait à 53 %.

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Il y a des solutions, concède notre expert, mais elles ne sont pas faciles à mettre en œuvre, particulièrement depuis le litige qui oppose John Tavares des Maple Leafs de Toronto à l’ARC.

Aussi, il faut vendre à l’agent du joueur en question les mérites et l’efficacité de la stratégie fiscale préconisée.

«L’enjeu, c’est convaincre l’agent, ajoute Kyle Stich. Il faut lui faire comprendre exactement comment les mécanismes employés réduisent le fardeau fiscal et seront jugés valides.»

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Voici trois solutions pour Hughes.

Bonis à la signature

Avant de se lancer, notre interlocuteur est honnête : «Bien franchement, je n’aime pas traiter les cas au Québec. La province a ses propres règlementations avec lesquelles nous sommes moins familiers. La plupart des autres provinces sont assez simples à suivre et on a une connaissance assez approfondie du système fédéral canadien. Mais Québec fait un peu sa propre affaire.»

Revenons à nos moutons. Les bonis à la signature sont un mécanisme attrayant pour réduire le fardeau fiscal d’un joueur signant un onéreux contrat au Canada.

Un traité canado-américain permet aux athlètes, artistes, acteurs et musiciens d’obtenir un traitement préférentiel, soit un taux d’imposition à la hauteur de 15 % sur les bonis à la signature.

Sauf que, dans la littérature fiscale, l’Agence du revenu du Canada voit le boni à la signature comme un incitatif pour signer un contrat et non comme un paiement pouvant être lié aux performances du joueur. C’est au cœur du litige entre Tavares et l’ARC.

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L’ARC fait valoir que le boni à la signature de Tavares ne peut être purement reconnu comme un incitatif à signer un contrat, puisqu'il est lié partiellement à ses performances; Tavares n'aurait droit qu’à une portion de son boni, ajustée au prorata, s'il manquait à ses obligations contractuelles.

«Les bonis à la signature vont être scrutés à la loupe par l’ARC, donc on est loin d’une victoire garantie, soutient notre expert, Kyle Stich. Le risque de voir le boni imposé au plus haut échelon fédéral existe.

«Il faut utiliser le bon langage [dans la rédaction du contrat]. Je crois qu’il existe un langage que Montréal pourrait utiliser pour jouer sur la fine ligne, mais ce sera vraiment difficile à accomplir, particulièrement avec le cas de Tavares qui a braqué les projecteurs sur cet enjeu.»

Régime de retraite

La création d’un régime de retraite à imposition différée, un «Retirement Compensation Arrangements» (RCA), représente une avenue intéressante pour un joueur établi aux États-Unis qui déciderait de signer un contrat au Canada.

D’après le site web de l’ARC, il est possible de ratifier un accord selon lequel l’équipe verse une partie du salaire du joueur dans un régime de retraite qui permet de reporter l’imposition.

Les fonds placés dans le régime peuvent croître à l’abri des impôts, et l’impôt n’est payé qu’au moment des retraits, qui peuvent être effectués une fois que le joueur est de retour aux États-Unis, dans un contexte fiscal plus avantageux.

«C’est une option intéressante pour quelqu’un comme Jamie Benn, qui est établi au Texas [un autre État qui, comme la Floride, ne prélève aucun impôt sur le revenu]», suggère notre fiscaliste.

Paiements différés

La troisième option a été mentionnée par Hughes lui-même lors d’une conférence de presse au mois de janvier.

«Nous allons étudier toute possible structure dans un contrat qui offrirait un avantage à l’organisation et au joueur. Nous avons regardé les contrats incluant des paiements différés pour essayer de bien comprendre leur attrait auprès d’un joueur et auprès d’une équipe», avait fait savoir Hughes dans la foulée du contrat unique paraphé par Frank Vatrano avec les Ducks d’Anaheim.

Le 5 janvier, Vatrano a signé un contrat de 18 millions $ sur trois ans avec les Ducks dont la moitié était consentie en argent différé. L’attaquant recevra ainsi 900 000 $ annuellement pendant 10 ans à partir de 2035. Vatrano garde ainsi plus d’argent dans ses poches en s’installant dans un État prélevant moins d’impôts que la Californie au terme de sa carrière.

Si Hughes entend utiliser ce mécanisme à son avantage, il a intérêt à faire vite. La convention collective sera bientôt renégociée et on murmure que les paiements différés n’enchantent pas outre mesure la Ligue nationale de hockey.

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