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«Comme une prison»: les méthodes controversées de la Maison Grande Ourse critiquées

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Alexandre Moranville-Ouellet

2025-06-04T04:00:00Z
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Interdiction de sortir sans surveillance, téléphone confisqué, douche obligatoire: plusieurs anciennes intervenantes dénoncent l’approche clinique d’un centre de thérapie pour femmes victimes de violences sexuelles en Montérégie qui traiterait ses pensionnaires comme des détenues plutôt que comme des victimes d’agressions. 

Dès que les femmes font leur entrée à la Maison Grande Ourse Montérégie, elles seraient soumises à une fouille de leurs objets personnels. Le téléphone cellulaire, le portefeuille et les clefs de voiture seraient systématiquement confisqués par l’administration. Puis une douche leur serait imposée, que les nouvelles pensionnaires le veuillent ou non.

Située à Saint-Ours, près de Sorel, cette ressource se présente sur son site comme la «première maison de thérapie pour survivantes d'agressions et de violences à caractère sexuel au Québec». Les femmes ayant été reconnues comme victimes de crimes sexuels par l'IVAC peuvent volontairement et gratuitement s'y inscrire pour une thérapie fermée de 2 semaines, comportant 3 ateliers de 2 heures par jour sur divers thèmes.

«Une femme hébergée m’a déjà dit qu’elle avait l’impression de rentrer en prison», raconte Marie*, une ancienne intervenante de la ressource. « Certaines d'entre elles se font agresser dans la salle de bains, et peuvent avoir un traumatisme lié à ça. De les forcer à prendre une douche dans ces conditions, c’est non seulement anormal, mais préoccupant.»

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• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Ce ne serait que le début pour ces femmes qui choisissent volontairement de s’inscrire à cette thérapie fermée de deux semaines. La direction de l’établissement ne permettrait pas de sorties à l’extérieur sans accompagnement, soit pour aller à l’épicerie située juste à côté, ou encore simplement pour se promener sur le terrain de la Maison.

Par exemple, à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste, la directrice aurait interdit aux femmes hébergées d’aller admirer les feux d’artifice à l’extérieur, ou encore de s’acheter une boisson non alcoolisée pour souligner la fête. Johanne*, qui était intervenante sur place à l’époque, affirme que la ressource «était comme une prison».

Une question de sécurité? 

Lorsque contactée par l’équipe de QUB radio et télé, la directrice générale de La Maison Grande Ourse Montérégie, Suzie Girard, confirme que les pratiques qui ont été dénoncées sont conformes aux règlements de l’établissement.

Mme Girard insiste toutefois sur le fait que de telles façons de faire sont en place pour protéger ses clientes, sans toutefois pouvoir expliquer sur quelle approche théorique en santé sexuelle elles se basent.

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«Ça n’existe pas ailleurs. Nous avons pris un peu de ce qui se passait dans les centres de violence conjugale et un peu de l’approche des centres de prévention du suicide», se justifie Mme Girard.

Suzie Girard affirme aussi que le CAVAS et le CISSS de la région réfèrent des pensionnaires à son organisme, et ce, malgré les directives officielles contraires qui nous ont été confirmées par ces entités.

Un modèle contraire aux normes 

Ce modèle qu’on nous décrit comme coercitif, habituellement utilisé dans le traitement des dépendances sévères ou de risques suicidaires élevés, s’éloignerait complètement de l’approche clinique employée par les autres ressources pour femmes de la province.

«Je ne comprends pas le concept, dit Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des Maisons d’Hébergement pour Femmes. En agression sexuelle, ce n’est absolument pas comme ça que l’on fonctionne. Ça ressemble plutôt à une désintox pour une dépendance, je suis très sceptique.»

Même son de cloche du côté du Centre d’Aide aux Victimes d’Agressions sexuelles de la région, le CAVAS de Saint-Hyacinthe. «De l’hébergement fermé pour traiter les victimes de violences sexuelles, ça n’a aucun rapport», s’insurge leur directrice générale Amélie Blain.

«Le CAVAS a des inquiétudes depuis plus de deux ans par rapport à cette ressource-là, surtout considérant qu’ils ne sont pas capables de nous présenter le cadre théorique sur lequel ils basent leur thérapie», renchérit-elle. Son organisme a comme mot d’ordre de ne jamais recommander aux femmes de se rendre là-bas.

Il n’est pas le seul à douter de la Maison Grande Ourse. Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Centre nous confirme avoir émis une directive officielle avisant ses membres de ne pas y diriger des femmes, puisque leur programme de thérapie fermée ne suivrait absolument pas le plan d’intervention officiel relatif à une situation d'abus sexuels.

Une marraine tenue dans l’ombre 

L’artiste Nathalie Simard est la marraine de la Maison Grande Ourse. Jointe au téléphone par l’équipe de QUB alors qu’elle se trouve à l’étranger, Mme Simard a affirmé qu’elle n’est ni impliquée, ni au courant des décisions administratives de la ressource.

Mme Simard déplore grandement la situation, soulignant son engagement pour la cause des femmes victimes de violences sexuelles.

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