Les Chiefs, comme les nouveaux Pats


Stéphane Cadorette
GLENDALE | Quand Patrick Mahomes et les Chiefs ont remporté le Super Bowl en février 2020, ils étaient la saveur du moment et étaient adulés de tous. Voilà qu’avec leur deuxième sacre en quatre ans, ils semblent déjà intégrer les rangs des détestables.
C’est toujours pareil. La NFL est une roue qui tourne et à l’image de la lutte WWE, les méchants deviennent vite les gentils et les gentils deviennent vite les méchants. C’est le cycle de la vie.
Quand Tom Brady a gagné son premier Super Bowl en 2001, il était le jeune quart-arrière au destin fabuleux. Choix de sixième ronde, catapulté de manière impossible vers l’apothéose sportive, un véritable conte de Disney.
Puis, Brady et les Patriots en ont gagné un deuxième. Puis un troisième. Et ainsi de suite, jusqu’à six.
« Écoeurite » aiguë
Dès le deuxième championnat en 2003, les grognements s’élevaient tranquillement. Brady n’était pas si bon, il profitait d’une bonne défense, du meilleur entraîneur de la ligue en Bill Belichick et d’un botteur infaillible en Adam Vinatieri.
Puis, l’« écœurite » aiguë a contaminé bon nombre d’amateurs de football au fil des succès répétés.
Il y avait bien sûr ceux qui vénéraient Brady sans relâche, allumant des lampions pour que ses prouesses perdurent dans le temps. Mais il y avait aussi, de plus en plus, ceux qui se levaient la nuit pour lui cracher dessus.
La faute des arbitres
Les Chiefs vivent un peu le même phénomène, lentement mais sûrement. Il est fascinant de constater à quel point cette équipe, perçue comme rafraîchissante en 2019, est soudainement devenue la cible des plus grandes conspirations.
Cette fois, les plus frustrés décrètent que c’est la NFL qui mettrait tout en œuvre pour que les Chiefs remportent le Super Bowl et s’imposent comme la toute-puissance.
Il est frappant de voir la twittosphère s’enflammer et affirmer que la NFL est truquée.
C’est tout à fait normal que la pénalité appelée contre les Eagles en fin de match ait soulevé les passions. Est-ce que le demi de coin James Bradberry a retenu le chandail de JuJu Smith-Schuster ? Oui, sans doute un peu.
En appliquant le livre à la lettre, l’arbitre a pris la décision qui s’imposait. Le problème, c’est que plusieurs infractions du genre ne sont pas appelées avec le même zèle à d’autres moments.
À 35-35, avec quelques minutes à jouer, il aurait été préférable que le mouchoir jaune reste dans les poches du zébré. Or, au sens strict de la loi, il y avait matière à infraction.
C’est donc l’occasion rêvée pour « prouver » que la NFL est arrangée avec le gars des vues.
Un talent unique
Il est temps que les détracteurs se détachent de leurs émotions et voient la réalité en face. Les Chiefs forment une solide organisation, menée de main de maître par Andy Reid et le directeur général Brett Veach.
On abuse souvent du terme « générationnel », mais Patrick Mahomes fait réellement honneur à cette expression. Et pourtant...
En ce moment, les fans des Pats ne veulent pas voir les Chiefs gagner parce qu’ils veulent continuer de vivre sur les vapeurs des derniers brasiers de leur dynastie.
Les fans des Bengals détestent les Chiefs parce qu’eux aussi affirment avoir été volés par les arbitres. Les fans des Bills ont aussi leurs raisons de se boucher le nez au passage des Chiefs. La plaie laissée par les fameuses 13 secondes et la prolongation d’il y a un an demeure béante.
Plusieurs autres, qui ont des allégeances ou pas, vont jusqu’à croire que Patrick Mahomes est un bon comédien qui joue à aggraver les effets de sa blessure à la cheville pour se faire du capital de sympathie.
Il serait fascinant de voir ces gens sur le terrain, aux prises avec une entorse à la cheville et pourchassés par des monstres de 300 livres. Ils n’auront jamais cette chance, donc ils critiquent.
Tout ce beau monde a le droit de haïr, mais il faut au moins reconnaître que les Chiefs ont le don de donner du football spectaculaire et des matchs endiablés. Ça devrait suffire à les respecter.