Combien d’argent pour sa retraite: le mythe du million

Emmanuelle Gril
Difficile d’évaluer combien d’argent il nous faudra pour la retraite. Certains suggèrent un million de dollars et d’autres, l’équivalent de 70% du revenu de sa vie active. En fait, aucune de ces réponses n’est correcte!
Selon un récent rapport du géant américain Fidelity, les personnes de 45 ans et plus estiment avoir besoin de 1 020 000$ pour vivre une retraite confortable. C’est plus du double qu’en 2005, alors qu’elles tablaient plutôt sur 447 000$.
Le fameux mythe du million pour la retraite a la vie dure. Or, les experts estiment que cette formule simpliste est dépassée, ainsi que celle du 70% du revenu brut.
«En fait, il y a autant de planifications possibles que d’individus. Chaque situation est unique et nécessite une approche personnalisée», explique Justin Beaudoin, planificateur financier, de l’Équipe Jean-Maurice Vézina, IG Gestion privée de patrimoine.
Il estime qu’il faut plutôt bâtir un plan tenant compte de sa propre réalité. «Plusieurs autres facteurs doivent aussi entrer en ligne de compte, comme l’inflation, l’espérance de vie qui va en augmentant et les besoins particuliers de chaque personne», dit M. Beaudoin.
S’appuyer sur le budget
Le planificateur recommande de s’appuyer sur un budget réaliste et non pas sur un pourcentage universel. «On commence par dresser la liste des dépenses prévues à la retraite, aussi bien courantes qu’occasionnelles comme les loisirs, les cadeaux, etc. Puis, on fait le bilan de ses différentes sources de revenus à la retraite, comme les pensions gouvernementales – RRQ, PSV – fonds de pension d’employeur, placements, etc.», énumère-t-il.
Ensuite, il sera plus facile de déterminer le manque à gagner pour soutenir le budget de retraite souhaité.
Planification fiscale
«La fiscalité joue un rôle clé dans la planification de retraite. Par exemple, un dollar retiré d’un REER n’a pas la même valeur que le même dollar retiré d’un autre régime, comme le CELI», remarque Justin Beaudoin. Alors que le premier est imposable, ce n’est pas le cas du second, et on pourrait donc économiser des milliers de dollars.
L’ordre et le moment du décaissement de ses actifs sont tout aussi cruciaux. On peut aussi penser à adopter des stratégies d’optimisation comme le fractionnement du revenu de retraite et à réduire le revenu imposable afin d’être admissible à certains crédits d’impôt et mesures socio-économiques (de solidarité, de taxes, etc.).
«Le planificateur financier pourra simuler différents scénarios qui permettront de maximiser les revenus de retraite après impôts», assure-t-il. Il souligne qu’un plan financier qui évolue en fonction de sa réalité aidera aussi à faire face aux imprévus.
EXEMPLE DE PLANIFICATION
Veuve vivant seule, 55 ans.
Souhaite prendre sa retraite à 60 ans, avec un budget de 4150$ net par mois (indexé à l’inflation à 2,1%) jusqu’à 80 ans. Ensuite, le montant ne sera plus indexé jusqu’à ses 95 ans (espérance de vie projetée).
Actifs à la retraite:
- Compte de retraite immobilisé (CRI): 405 000$ (transfert du fonds de pension au décès du conjoint)
- REER: 65 000$
- CELI: 140 000$
- Compte non enregistré: 120 000$
Valeur totale des actifs: 730 000$
Revenus de retraite:
- RRQ: 439$ par mois à compter de 60 ans
- Pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV): 877$ par mois à compter de 65 ans
Hypothèses:
- Rendement net projeté: 5,5%
- Indexation des dépenses: 2,1%
- La cliente n’ayant pas de propriété, un loyer est donc à prévoir dans son budget
Pour maintenir l’objectif de retraite visé, il faudrait revoir le budget à la baisse ou retarder le départ à la retraite de deux ans, à 62 ans, afin de bonifier les rentes du RRQ et la PSV. C’est cette dernière option qui a été retenue.
Une stratégie de décaissement mixte permet de niveler le coût de l’impôt dans le temps et de réduire la charge fiscale.