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L'article provient de Le Journal de Québec
Opinions

Cité-Limoilou, dépassements de la norme de nickel : ne laissons pas aller les choses

Photo courtoisie, Chantal Pouliot
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Isabelle Arseneau, Candidate au doctorat en didactique des sciences

2023-09-26T17:02:13Z
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L’Étude des concentrations en particules et métaux mesurées à l’automne 2022 dans l’air ambiant de l’arrondissement de la Cité-Limoilou de la Ville de Québec a été rendue publique le 29 août dernier. Pour en présenter les principales conclusions, une conférence de presse a été organisée, lors de laquelle le maire de la ville, M. Bruno Marchand, siégeait aux côtés du PDG du Port de Québec, M. Mario Girard, et du ministre de l’Environnement et de la lutte aux changements climatiques, M. Benoît Charrette. On y a affirmé « qu’aucun dépassement de la norme quotidienne pour le nickel n’avait été relevé durant la période d’analyse », soit du 14 octobre au 15 décembre 2022.  

Or, Olivier Lemieux (Radio-Canada), nous apprenait le 18 septembre que trois dépassements significatifs à la norme ont eu lieu, quelques jours à peine après la fin de la campagne d’échantillonnage.  

Pire encore, il apparaît que le Port et le MELCC étaient au courant des dépassements lors de cette conférence de presse. En outre, aucun avis de non-conformité n’aurait été envoyé au Port de Québec pour ces dépassements, contrairement à ce que le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, M. André Lamontagne, a affirmé le 19 septembre au Salon bleu. 

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Toute la semaine, des réactions des autorités municipales, du gouvernement, des partis de l'opposition, des médias et du Port de Québec se sont succédées.  

La fabrique politique de l’impuissance 

Ce segment de la controverse amorcée depuis 2012 sur les impacts des activités portuaires sur la qualité de l’air à Québec peut être interprété au regard de ce que Jarrige et Le Roux nomment la fabrique politique de l'impuissance (La contamination du monde, Éditions du Seuil, 2017). «[L]a fabrique de l'impuissance face aux pollutions constitue un phénomène majeur des politiques publiques contemporaines. Elle s'explique [...] par le lobbying industriel, le chantage à l'emploi [...] ainsi que par une série de biais structurels dans le processus réglementaire.» (p. 355)  

Premièrement, les récents événements fabriquent l’impuissance parce que la CAQ maintient le doute quant à l’origine des contaminants. La formation politique se défend de ne pas avoir émis d’avis de non-conformité, car la source des émissions de particules fines de nickel ne serait pas connue. Or, la minière Glencore, qui manutentionne le nickel au Port de Québec, a reconnu qu’un bris technique expliquerait les dépassements mesurés.  

Deuxièmement, la pollution est naturalisée par le ministre de l'Environnement. Ce dernier affirme ne pas être inquiet que des dépassements à la norme de nickel aient encore lieu, et ce, malgré son rehaussement. Rien n’indique qu’il entend sévir à court terme.  

Troisièmement, même si les opérateurs au Port de Québec affirment travailler à améliorer leurs opérations, ils se sont inscrits au registre des lobbyistes il y a 10 ans et ont exercé avec succès des représentations auprès du gouvernement pour obtenir un assouplissement de la norme de nickel dans l’air ambiant.  

Revenir à l’ancienne norme 

Enfin, le travail de vigile des journalistes et des citoyens est ardu en raison de l’opacité des informations. En effet, Radio-Canada a souligné que le site de Données Québec « réuni l’ensemble des données de la province et que sa navigation peut s’avérer complexe. » Radio-Canada a même dû contacter le MELCC « pour s’assurer d’obtenir les informations pertinentes au Vieux-Limoilou. » C’est sans compter que les dernières données rendues publiques datent du 28 avril 2023. 

Divers mécanismes semblent participer à la fabrication de l'impuissance citoyenne face aux enjeux de qualité de l'air à Québec. En maintenant l'inaction et le statu quo, les problèmes de contamination environnementale ne s'améliorent pas dans le temps, malgré la progression des instruments de mesure et des connaissances scientifiques.  

À la lumière de ce qui précède, il apparaît que le MELCC n’a d’autre choix que de revenir à l'ancienne norme par principe de précaution, de sanctionner tous les dépassements de la norme et de rendre accessibles toutes les données pertinentes à une meilleure analyse de la qualité de l’air à Québec. 

Isabelle Arseneau, Candidate au doctorat en didactique des sciences

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