Cinq questions pour mieux comprendre cette guerre commerciale historique
Calcul des tarifs réciproques, produits hors libre-échange, secteur automobile: nous vous donnons quelques réponses
Mathieu Boulay, Martin Jolicoeur et Sylvain Larocque
Le président américain, Donald Trump, a lancé hier la plus importante guerre commerciale depuis les années 1930. Voici cinq questions pour mieux la comprendre.
• À lire aussi: «Jour de la libération»: le Canada évite le pire
• À lire aussi: Voici pourquoi Donald Trump met des taxes douanières sur des manchots
Comment les «tarifs réciproques» ont-ils été calculés?
Sur quoi au juste s’appuie le calcul des nouveaux tarifs réciproques qu’imposeront les États-Unis, dont le taux varie de 10% à 50% selon les territoires? La méthodologie est finalement apparue tard mercredi soir. Il suffit de diviser le déficit commercial des États-Unis avec un pays donné par la valeur totale des importations américaines en provenance de ce pays. Le pourcentage obtenu est ensuite divisé par deux pour en arriver au «droit de douane réciproque» qu’impose dorénavant Washington aux produits du pays en question. «En substance, analysent les économistes de la Banque Nationale, cette formule considère tout déficit commercial comme une preuve de traitement inéquitable ou de protectionnisme de la part du pays partenaire, sans tenir compte des réalités économiques légitimes telles que l’avantage comparatif, l’intégration des chaînes d’approvisionnement ou les déséquilibres structurels du commerce.»
Qu’est-ce qu’un produit conforme à l’ACEUM?
Le Canada et le Mexique échappent aux droits de douane «réciproques» que l’administration Trump imposera aux autres pays, mais ils sont toujours touchés par les tarifs de 25% imposés le mois dernier par Washington aux produits canadiens et mexicains non conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Jusqu’à tout récemment, à peine 40% des exportations canadiennes étaient conformes à l’ACEUM, mais ce chiffre pourrait rapidement doubler, selon la Banque Nationale. Pour qu’un produit soit conforme, son fabricant doit fournir à l’importateur un certificat d’origine prouvant qu’il a été fait principalement à partir de matières provenant de l’Amérique du Nord ou qu’il est le fruit de matières issues d’autres pays, mais ayant subi une «transformation substantielle» en Amérique du Nord.
Avec les tarifs et les contre-tarifs de 25% qui sont appliqués aux automobiles des deux côtés de la frontière, est-ce que les prix augmenteront chez les concessionnaires?
Au Québec, plusieurs concessionnaires ont des stocks pour les deux ou trois prochains mois. Les véhicules sont vendus selon leur coût d’acquisition. La situation pourrait cependant changer lors des prochaines livraisons, puisque des tarifs pourraient s’appliquer aux véhicules arrivant des États-Unis. Si c’est le cas, on pourrait assister à des hausses salées sur plusieurs modèles de véhicule. Cependant, pour éviter des chutes soudaines de leurs ventes, il n’est pas exclu que des constructeurs offrent des promotions pour atténuer ces augmentations. Il faut rappeler que 10% des véhicules vendus au Canada sont produits aux États-Unis.
Quelles conditions les véhicules américains importés doivent-ils respecter pour éviter les contre-tarifs du Canada?
Le premier ministre Mark Carney a annoncé jeudi des contre-tarifs de 25% sur les véhicules importés des États-Unis qui ne sont pas conformes à l’ACEUM. Pour respecter cette entente, les véhicules doivent être faits de plus de 75% de composants d’origine nord-américaine. L’an dernier, environ 67 000 véhicules vendus au Canada en provenance du sud de la frontière ne respectaient pas ce critère. C’est bien peu sur les quelque 1,9 million de véhicules écoulés au Canada en 2024. Cette mesure n’affectera pas les pièces ni les véhicules en provenance du Mexique. Carney estime que ces contre-tarifs pourraient rapporter 8 milliards $ au Canada.
Les usines canadiennes produisent sept modèles de véhicule. Quelles seront les conséquences lorsque ceux-ci traverseront la frontière?
Les véhicules seront soumis à des droits de 25% sur la valeur des composants non produits aux États-Unis. Les pièces sont exclues pour l’instant. Les constructeurs n’ont pas encore dévoilé le montant des tarifs qui s’appliqueront aux modèles assemblés à l’extérieur des États-Unis. C’est un casse-tête qu’ils sont en train de démêler. Selon plusieurs experts, la facture pourrait se chiffrer en milliers de dollars pour chaque véhicule.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.