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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Cinéma: pourquoi je suis nostalgique

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Photo portrait de Joseph Facal

Joseph Facal

2023-01-07T10:00:00Z
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Je remercie Richard Martineau qui m’a fait prendre conscience de ce que je veux maintenant vous dire.

Pendant les Fêtes, je m’étais promis d’aller beaucoup au cinéma, autant pour voir des films très attendus que dans l’espoir de faire de belles découvertes.

Je suis un cinéphile fini, maniaque, hardcore.

Agression

Finalement, je n’y suis allé que trois fois.

J’ai vu Ennio, le fabuleux documentaire sur le musicien Ennio Morricone, The Fabelmans, l’autobiographie romancée de Steven Spielberg, et Babylon, du jeune prodige Damien Chazelle, mal accueilli par la critique, mais que j’ai adoré.

Pourquoi rien d’autre, malgré mes belles intentions ?

Les cinémas de quartier, sauf exception, se meurent. Les nouveaux cinémas, eux, m’« énaaaaaarvent ».

Des autos tamponneuses, des allées de quilles, des machines de pinball, de la bouffe, encore de la bouffe, beaucoup d’écrans, mais moins de choix, essentiellement des films américains, trop de superhéros stupides en collants, des cloisons si minces que vous entendez les explosions dans la salle 16.

Du bruit, des distractions, encore du bruit, encore des distractions.

On se croirait dans une discothèque, dans un centre commercial, dans un casino, à La Ronde, au Centre Bell. Entendez-vous votre compagnon au Centre Bell quand il vous parle ?

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Et quand on est assis dans ces nouveaux cinémas, les gens bavardent comme dans leur salon, mangent bruyamment, consultent leurs messages, se fichent de la luminosité de leur téléphone, se fichent des autres.

La culture de sofa Netflix et l’ultra-individualisme égocentrique s’y sont transportés. 

J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans les cinémas de quartier et les cinémas de répertoire.

On y entrait comme on entre dans une caverne sombre, fraîche, mystérieuse, coupée du monde extérieur.

C’était un lieu de recueillement, un peu comme une église. On reconnectait avec soi-même. On entrait en communion avec le film et plus rien d’autre n’existait.

Aujourd’hui, c’est la société bruyante qui me suit dans le cinéma, qui ne me lâche plus, qui m’agresse avant, pendant et après le film.

Pas entièrement con, je comprends le calcul des propriétaires de salles : il est si facile de rester chez soi qu’il faut transformer la sortie au cinéma en expérience multisensorielle.

  • Écoutez la chronique cinéma de Richard Martineau et Joseph Facal via QUB radio :

Silence

Nostalgique ? Ouais, pis ? 

Vous avez un problème avec ça ? « You’re talking to me ? » dit De Niro dans Taxi Driver.

La nostalgie n’est pas le refus de tout changement, mais la réalisation que certains changements entraînent des pertes irrémédiables.

On trouve d’ailleurs beaucoup de cela dans les trois films évoqués plus haut.

La nostalgie ne mène à rien, me dira-t-on aussi. Mais pourquoi tout devrait nécessairement mener quelque part ? 

Et vers où ? Vers encore plus de cochonneries signées Marvel, dans lesquelles de grands acteurs et d’autres talents authentiques se prostituent pour quelques millions supplémentaires ?

Les abonnements à des chaînes spécialisées de cinéma ont de beaux jours devant eux. 

Nous avons oublié la beauté et l’importance du silence et de la qualité authentique.

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