Chronique | On n’a jamais vu un talent comme celui de Victoria Mboko

Jessica Lapinski
Victoria Mboko s’est toujours démarquée par sa puissance, sa frappe de balle. «Ç’a toujours été là, même à un jeune âge», reconnaissait dimanche Guillaume Marx, vice-président de la haute performance chez Tennis Canada.
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Il y a plusieurs années que les hautes sphères du tennis au pays suivent de près le développement et la progression de la nouvelle coqueluche des Québécois, qui dispute lundi soir les quarts de finale de l’Omnium Banque Nationale de Montréal.
«Elle a développé un contrôle en revers exceptionnel, puis sa puissance s’est décuplée», l’a aussi louangée M. Marx, au lendemain de cette victoire contre la favorite du tournoi, l’Américaine Coco Gauff, deuxième raquette mondiale.
Ce quart de finale représente un immense exploit déjà. À 18 ans – elle en aura 19 le 26 août –, Mboko est la plus jeune joueuse au pays à atteindre ce stade du tournoi depuis Helen Kelesi en 1987. L’histoire récente l’a peut-être plongée dans l’oubli, mais cette dernière a éventuellement été classée 13e sur la WTA.

Si «Vicky» atteignait la demi-finale, elle serait la première Canadienne dans le carré d’as à l’Omnium depuis Bianca Andreescu il y a six ans. L’Ontarienne allait ensuite remporter le titre à Toronto.
Gagner ou perdre contre l’Espagnole Jessica Bouzas Maneiro, 51e mondiale, Mboko ne définira pas sa carrière par ce résultat, assurait M. Marx dimanche.
Bien sûr, peu importe la suite de ce tournoi, de sa saison, c’est à l’avenir que l’on pense quand il est question de Mboko. Si le corps tient, évidemment. C’est ce qui fut jusqu’à présent le plus grand défi de sa toute jeune carrière.
Chez les juniors, les blessures, dont une sérieuse à un genou en 2022, lui ont fait perdre deux ans de son développement.
Comme les joueuses d’élite
C’est à l’avenir que l’on pense parce que dans l’histoire récente, on n’a jamais vu une joueuse canadienne dotée d’un tennis qui se compare autant à celui des raquettes de l’élite. Les meilleures parmi les meilleures.
Pourtant, certaines ont atteint des sommets impressionnants. Andreescu a remporté un titre du Grand Chelem et deux trophées WTA 1000 et elle a été quatrième au monde.
Eugenie Bouchard a disputé la finale à Wimbledon. Elle s’est rendue dans le carré d’as à Paris et à Melbourne, a été cinquième mondiale et a un titre inscrit aux côtés de son nom.
Et Leylah Fernandez, bien sûr, compte cinq titres sur la WTA et une finale au US Open. Elle a été 13e mondiale et comme pour Andreescu, sa carrière n’est pas terminée. Elles peuvent encore garnir leurs palmarès.
Mais... ce qui démarque Andreescu, c’est son jeu hyper varié. Bouchard frappait la balle tôt, ce qui déstabilisait ses adversaires jusqu’à ce qu’elles s’adaptent. Fernandez est une grinder. Une peste intelligente qui s’accroche, qui s’ouvre le jeu, qui pousse sa rivale à la faute.
Aucune n’est dotée d’une arme de destruction massive. Ça ne vous empêche pas de faire une solide carrière: toutes les athlètes ne sont pas Serena Williams ou Aryna Sabalenka.
Ça ne prend pas qu’un seul coup redoutable pour arriver au sommet et surtout pas pour s’y maintenir. Il faut tout un emballage.

Il faut aussi garder le plaisir de jouer, relevait Guillaume Marx. Dans ce circuit fou qui peut vous gruger peu à peu. «Ce n’est pas une vie normale», rappelait Eugenie il y a quelques jours.
Tout près d’un plateau mythique
Mais... Mboko a servi à 190km/h à Roland-Garros cette année. Sur le dur de Montréal, elle flirte souvent avec cette même vitesse en première balle. Tout près des 200km/h, un plateau mythique chez les femmes.
Cette puissance, M. Marx le disait d’emblée, elle est en elle depuis longtemps. En plus qu’elle peinture les lignes sans gêne avec son revers. Imaginez quand son coup droit en fera de même aussi souvent, lui qui a encore parfois cette tendance à s’écarter au-delà des limites.

Certaines de ses failles les plus importantes se sont peu à peu dissipées depuis qu’elle joue de façon régulière sur la WTA. À ses premiers tournois, «Vicky» peinait à garder son avance dans une manche. Le stress? L’inexpérience? Sans doute un peu de tout ça.
Ça lui arrivera encore. Ce qu’on constate, toutefois, c’est qu’à ses capacités athlétiques s’ajoute une capacité d’apprentissage impressionnante. Et elle n’a que 18 ans, presque 19 ans.
Bien sûr, Mboko n’a encore rien gagné d’immense. Elle ne fait encore que rêver du palmarès de ses compatriotes.
Le tennis a vu des talents monstres s’écraser. Il a vu des talents moindres s’élever très haut.
Sauf que cette jeune fille que l’on voit sur le court cette semaine, c’est le «total package», comme on aime dire dans le jargon. Ça ne lui garantit rien. Mais maudit que ça fait rêver.