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L'article provient de Le Journal de Québec
Opinions

Crise de l'itinérance: la CAQ se réveille bien tard...

L’ampleur du gâchis est telle que les gouvernements Legault et Trudeau ont aujourd’hui le réveil brutal.

Photo d’archives, Chantal Poirier
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2023-09-15T04:00:00Z
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Devant la montée fulgurante de l’itinérance au Québec, le réveil du gouvernement caquiste est terriblement tardif. Idem pour une crise du logement qui, pourtant, s’aggrave à vue d’œil depuis plusieurs années. 

Selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec, plus de 10 000 personnes seraient en situation d’itinérance. Un bond scandaleux de 44 % en cinq ans.

Les milieux communautaires savent que ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg. Pis encore, que le pire est à venir. Le lien entre les deux crises est pourtant réel.

Selon ce rapport, le fait d’être « expulsé de son logement, que ce soit pour non-paiement de loyer, reprise du logement ou tout autre motif » contribue à jeter à la rue de plus en plus de personnes.

Les expulsions de locataires – surtout pour des rénovictions permettant aux proprios de relouer beaucoup plus cher – sont même la première cause de la perte d’un logement. C’est très grave.

Or, les rénovictions sont un fléau social aussi connu depuis plus de dix ans. Pendant tout ce temps, les gouvernements et les villes n’ont rien fait.

Jeudi, émergeant lentement de sa propre torpeur, la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau parlait d’une « tempête parfaite ». Très vrai. Elle oublie toutefois un détail crucial : cette tempête parfaite était parfaitement prévisible.

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C’est la chronique d’une tempête parfaite annoncée. L’inévitable résultat d’années d’inaction et de déni aux trois paliers de gouvernement.

Crise permanente

Dès juillet 2019, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques prévoyait que si rien n’était fait, la crise du logement deviendrait permanente.

Au même moment, la mairesse de Montréal Valérie Plante et Andrée Laforest, alors ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, niaient l’existence même d’une crise du logement. Cherchez l’erreur.

Depuis, la pandémie a nourri de multiples crises : logement, itinérance, santé mentale, surdoses, etc. C’est sûr. Elles existaient toutefois déjà bien avant.

Et que dire des retards majeurs dans la construction de nouveaux logements ? Résultat : selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), d’ici 2030, il manquera 3,5 millions de logements au pays, dont 860 000 au Québec. Ces chiffres sont effarants.

L’ampleur du gâchis est telle que les gouvernements ont aujourd’hui le réveil brutal. Mais pas autant que les personnes qui, de plus en plus nombreuses, se réveillent incapables de payer leur loyer, évincées pour de faux motifs ou qui, carrément, se retrouvent sans logis.

Un Plan Marshall

Les villes sonnent enfin l’alarme. En réaction, le fédéral et le provincial promettent maintenant des « actions », des « plans », des « projets », de petits budgets additionnels. Mieux vaut tard que jamais, comme dirait l’autre.

Le problème est que les dommages causés par l’inaction des décideurs sont nombreux. Il faudra combien d’années encore avant que la situation ne s’améliore dans la vraie vie du vrai monde concerné ?

En plus de construire, il y a des gestes concrets qui, sur le front du logement, pourraient être posés par Québec. Tout d’abord encadrer ceux qui, dans le marché locatif, s’en mettent plein les poches.

Exemple : Interdiction des rénovictions. Plafonnement des hausses de loyer. Création d’un registre des loyers. Protection du droit aux cessions de bail.

Aussi, offrir des subventions aux proprios prêts à rénover leurs unités. Rénovation des HLM en piteux état. Conversion en unités locatives abordables d’espaces de bureaux vacants depuis la pandémie. Etc.

En fait, en ce pays, dont au Québec, il nous faut un véritable Plan Marshall de l’habitation et de la justice sociale. Parce que les deux sont intimement liés.

Une société riche comme la nôtre n’a pas les moyens de laisser un pan croissant de sa population mal logé, évincé, appauvri par des hausses vertigineuses de loyers ou jeté à la rue comme de vulgaires ordures.

Le Québec et le Canada sont capables de mieux. Leadership politique recherché. Urgemment.

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