Christian Dubé démissionne de son poste de ministre de la Santé et quitte la CAQ

Patrick Bellerose
Les négos avec les médecins auront coûté cher à la CAQ: après Lionel Carmant, le ministre de la Santé, Christian Dubé, claque la porte et siégera désormais comme député indépendant.
L’ex-ministre de la Santé en a fait l’annonce sur ses réseaux sociaux jeudi, une semaine jour pour jour après la conclusion d’une entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
S’il se dit «satisfait» qu’un accord ait été trouvé, Christian Dubé estime que celui-ci ne va pas assez loin.
Sa réforme du mode de rémunération des médecins, adoptée sous bâillon cet automne, visait à «permettre au gouvernement et à Santé Québec d’exercer pleinement leur rôle de gestionnaires du réseau public», rappelle-t-il.
Mais Québec a finalement reculé et «l’entente conclue maintient sensiblement le statu quo sur les enjeux de gouvernance entre le gouvernement, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec [FMOQ] et les directeurs médicaux dans le réseau de la santé».
«Erreurs»
L’ex-ministre reconnaît sa part d’erreurs. «Le ton adopté au début des discussions n’a pas toujours favorisé un échange constructif avec les médecins», concède-t-il.
Mais Christian Dubé, du même souffle, blâme aussi le corporatisme des fédérations médicales: «Pendant plusieurs mois, les fédérations médicales ont, de leur côté, surtout travaillé à défendre leurs propres intérêts plutôt que d’aborder tous les enjeux touchant les patients et les médecins».
L’ex-ministre n’était pas disponible pour une entrevue, jeudi.
Un désaveu?
Christian Dubé a été graduellement écarté des négociations avec les médecins, cet automne, en raison de la grogne suscitée par sa loi spéciale.
Au plus fort de la crise, une quarantaine de cliniques menaçaient de fermer tandis que des médecins envisageaient d’aller pratiquer en Ontario.
Le premier ministre François Legault a finalement dû s’impliquer personnellement pour faire débloquer l’impasse.
Et Québec a mis beaucoup d’eau dans son vin. Plutôt que d’imposer des pénalités financières, comme prévu à l’origine, le gouvernement accordera finalement des primes pour la prise en charge de 500 000 patients, sur une base volontaire.
En contrepartie, 50% de la rémunération sera désormais liée à la prise en charge des patients, un gain important selon François Legault, même si les omnipraticiens se disaient ouverts à cette approche dès le départ.
Autre départ
Il s’agit de la deuxième démission au Conseil des ministres en lien avec cette crise.
Plus tôt cet automne, le responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, avait quitté ses fonctions pour siéger comme indépendant.
Dans son cas, c’était l’opposition de sa conjointe et de sa fille, toutes deux médecins, qui avait motivé sa décision. Il s’agissait d’un coup particulièrement dur pour François Legault, de la part de cet ami personnel.
Christian Dubé était lui aussi un allié de longue date du chef caquiste. Élu à ses côtés en 2012 et en 2014, avant de s’en aller à la Caisse, il a finalement accédé au Conseil des ministres en 2018.
Après un passage au Conseil du trésor, il s’est vu confier les rênes du ministère de la Santé en pleine pandémie, en juin 2020.
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon, Bureau parlementaire
- Voyez la réaction de Joël Arseneau, porte-parole du PQ en matière de santé:
- Voyez la réaction de Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de QS:
Extrait du message publié par Christian Dubé:
«Je dois être honnête avec vous. [...] L’entente conclue maintient sensiblement le statu quo sur les enjeux de gouvernance. [...] Après mûre réflexion [...], je suis arrivé à la conclusion que je ne suis plus la bonne personne pour poursuivre ces discussions et piloter la réécriture de la loi 2. [...] C’est une décision difficile que je prends pour le bien des patients, des médecins et du réseau de la santé.»
Ce qu’ils ont dit
«Je respecte sa décision et j’ai accepté sa démission. Je le remercie pour ses années de service public dans une des fonctions les plus exigeantes au Québec. Notre gouvernement demeure pleinement engagé à améliorer l’accès aux soins de santé pour la population. C’est toujours ce qui a guidé nos actions et nous continuerons notre travail dans cette direction.»
– François Legault, premier ministre du Québec
«Pour François Legault, cet ultime départ constitue une preuve supplémentaire de l’échec de sa ligne dure, bagarreuse et hargneuse des derniers mois qui n’a pas mis le bien-être des Québécois et Québécoises au cœur de son agenda politique.»
– Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de Québec solidaire en matière de santé
«Pour ceux qui doutaient encore que la CAQ avait capitulé sur toute la ligne face aux médecins, la décision du ministre Christian Dubé offre la confirmation la plus éclatante du désaveu du premier ministre Legault. Ce dernier aura transformé un gâchis gouvernemental en matière de santé en un échec politique monumental.»
– Joël Arseneau, porte-parole du Parti Québécois en matière de santé
«Même le bon M. Dubé s’est cassé les dents comme ministre de la Santé. Le problème, ce n’est pas les qualités de communicateur ou de gestionnaire du ministre [...], c’est le monopole public qui ne fonctionne plus. [...] Les ministres de la Santé vont se planter, les uns après les autres, tant qu’on n’ouvrira pas les portes au privé.»
– Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec
«La démission du ministre soulève de sérieuses inquiétudes pour la suite des choses, alors qu’il reste moins d’un an au mandat de la CAQ avant les prochaines élections. Le réseau de la santé ne peut se permettre une période prolongée d’instabilité.»
– Julie Bouchard, présidente de la FIQ
«Après l’adoption de la mauvaise loi 2 imposée par bâillon, et le recul nécessaire qui s’en est suivi, il était cohérent pour lui de quitter son poste de ministre de la Santé. Il n’a malheureusement pas su écouter le terrain, il n’a pas compris que son approche causerait plus de tort que de bien. Pour les Québécois, il aurait été préférable que la CAQ réalise son erreur avant qu’advienne la crise sociale des derniers mois.»
– Marc Tanguay, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de santé
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