Chèque de 500$: difficile d’être plus cheap!
Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l'ACEF du Nord de Montréal
Face aux nouveaux sommets du prix de l’essence, le premier ministre François Legault évoquait dernièrement la possibilité de remettre un nouveau chèque aux Québécois avant les prochaines élections.
Un chèque, on vient tout juste d’en avoir un. Lors du dernier budget, le gouvernement a remis 500 $ à toutes les personnes de 18 ans et plus ayant un revenu de moins de 100 000 $ net. Toutes ? Pas vraiment... En effet, les personnes qui ont une dette envers l’État québécois n’en ont malheureusement pas vu la couleur.
nous intéresse.
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Je suis choquée ! Ce « détail » m’avait échappé au moment de l’annonce du fameux 500 $. Il faut dire que le ministre Girard ne s’en est pas vanté. On en a également bien peu parlé dans les médias, le débat s’étant surtout concentré sur le revenu maximum admissible. Les personnes auprès de qui je travaille, elles, s’en sont vite rendu compte et elles m’en ont parlé avec indignation.
Je travaille dans un organisme de défense des droits des consommateurs. Chaque jour, mes collègues et moi rencontrons des personnes vulnérables qui en arrachent avec leur budget. Pas parce qu’elles ne savent pas budgéter – oh, non !
Les personnes à faible revenu pourraient donner des cours sur l’art de faire un budget. Si elles en arrachent, c’est parce que leurs revenus ne suffisent pas pour payer le coût des loyers qui explosent, de la facture d’électricité qui augmente sans cesse et du panier d’épicerie qui atteint des sommets records. On va se le dire : quand tu vis sous le seuil de la pauvreté, une fois le loyer et Hydro payés, il ne reste plus grand-chose. Si tu es « chanceux », tu as un téléphone et tu fais un peu d’épicerie.
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La plupart du temps, les dettes de ces personnes sont le résultat d’erreurs de bonne foi (la Loi sur l’aide sociale, notamment, est très compliquée, et beaucoup de prestataires ont des difficultés de lecture et d’écriture) ou d’accidents de vie qui rendent impossible le paiement du prêt étudiant ou des impôts, par exemple. Personne n’est à l’abri, et les différents ministères sont sans pitié. Est-il nécessaire d’en ajouter une couche ?
Certaines personnes ont-elles moins besoin d’air ?
Les personnes à faible revenu sont parmi les plus vulnérables de notre société. Victimes de préjugés, elles sont marginalisées et bien souvent laissées pour compte.
Pourtant, ce sont elles qui sont les plus touchées par le taux d’inflation galopant. Le ministre Girard a répété à maintes reprises que le chèque de 500 $, c’était la meilleure solution pour donner de l’air aux ménages et les aider à composer avec la flambée des prix. Il semblerait que, quand tu dois de l’argent à l’État, tu as moins besoin de respirer que les autres...
Qu’au Québec, on accepte qu’une personne sur dix ne couvre pas ses besoins de base, c’est déjà choquant. Que les différents gouvernements qui se sont succédé dans les dernières années n’aient rien fait pour améliorer la situation, c’est très choquant. Mais qu’on prive d’un montant annoncé comme quasi universel les gens qui en ont le plus besoin, pour qui ça aurait un effet décisif, c’est carrément inacceptable. Et c’est cheap !
Un miracle ?
François Legault a défendu cette mesure en répétant que « que ce soit une infirmière qui gagne 85 000 $, un enseignant ou un député, ces personnes-là ont été affectées par l’inflation ». Si c’est vrai pour une personne qui gagne 85 000 $, c’est encore plus vrai pour une personne qui gagne moins de 20 000 $.
Pense-t-il que, par un quelconque miracle, les personnes qui ont une dette envers l’État ne sont pas affectées par l’inflation, elles ? Le gouvernement doit corriger cette situation. C’est une question de justice sociale.

Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l’ACEF du Nord de Montréal