Plaintes record à l’OQLF: un commerçant attend toujours son inspecteur fantôme


Julien McEvoy
Plus de 10 000 Québécois ont sonné l’alerte pour de possibles manquements à la Charte de la langue française en 2024-2025, un sommet pour une quatrième année consécutive.
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Le nombre de plaintes logées auprès de l’Office québécois de la langue française a atteint 10 371 au cours des 12 derniers mois, selon leur rapport annuel publié la semaine dernière.
Ça représente une hausse de 13,7% en une seule année et un bond stratosphérique de près de 140% en cinq ans.
«[Cela] témoigne de la préoccupation grandissante de la population quant à la protection de la langue française», indique l’OQLF.
L’Office a refusé mardi de répondre aux questions du Journal sur son rapport, invoquant une surcharge de travail.
L’inspecteur qui ne vient jamais

Pendant que l’OQLF croule sous les plaintes, des commerçants comme Hussain Ali se demandent ce qu’on leur reproche. Ce propriétaire d’une boutique de réparations électroniques sur l’avenue Monkland, à Notre-Dame-de-Grâce, a reçu une lettre de l’Office cet été.
La lettre était adressée à son nom, et non à celui de son entreprise.
«J’ai trouvé ça un peu bizarre», confie l’homme de 28 ans, originaire du Caire, en Égypte. Le message l’informait qu’il allait recevoir la visite d’un inspecteur.
Plusieurs mois plus tard, personne n’est venu. «Je ne vois pas le problème. Tout est en français, sauf une petite phrase sur mon enseigne à l’extérieur. Le nom de l’entreprise est en français», explique celui qui tient une PME d’un seul homme.

Hussain répare des appareils électroniques depuis qu’il est petit. Il parle un français suffisant pour servir ses clients, mais préfère l’anglais pour les conversations plus longues. Son quartier est reconnu pour être plutôt anglophone.
Une machine qui roule
Les nouvelles obligations sur la prédominance du français dans l’affichage commercial, entrées en vigueur le 1er juin 2025, ont bouleversé le travail de l’OQLF. Le personnel de l’organisme roule sur les chapeaux de roues pour mettre en place la réforme linguistique du gouvernement.
Au cours de la dernière année, l’Office a mené 9813 inspections sur le terrain, une augmentation de 47% par rapport à l’an dernier. Il a aussi délivré 1904 certificats de francisation, soit plus du double en un an.
Malgré la charge de travail record, l’OQLF se félicite d’avoir corrigé 94% des manquements à l’amiable, sans recours aux tribunaux. Plus de 4269 entreprises employant de 25 à 49 personnes se sont inscrites depuis les nouvelles règles.
Pour Hussain Ali, l’attente se poursuit. Entre deux réparations de téléphones dans son quartier de l’ouest de la ville, il continue de se demander quand l’inspecteur viendra enfin évaluer sa fameuse «petite phrase».
– Avec Francis Halin
L’OQLF en 2025
14 366 entreprises inscrites à l’OQLF (+24,8% en un an, plus forte hausse jamais observée)
9813 inspections menées sur le terrain (+47,1%)
93,8% des manquements corrigés à l’amiable, sans tribunal
1904 certificats de francisation délivrés (le double de l’an dernier)
Les trois champions des plaintes
1. Langue de service: 40 % des plaintes (25% il y a cinq ans)
2. Sites web
3. Affichage
Nouvelles règles depuis le 1er juin 2025
Affichage commercial: nette prédominance du français obligatoire (deux fois plus gros que l’anglais)
Marques de commerce sur produits: français requis sur les emballages
Entreprises de 25-49 employés: inscription obligatoire à l’OQLF pour démarche de francisation
Résultat: 4269 entreprises de cette taille déjà inscrites (plus du tiers des PME visées)
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