Charlie Chaplin et le dictateur

Richard Martineau
Quand je vois ce qui se passe en Ukraine, Poutine qui se moque de l’Occident, qui se fout des droits de la personne les plus élémentaires et qui fait danser le monde entier sur la funeste mélodie qui joue en boucle dans son cerveau malade, j’ai toujours les mêmes images en tête.
Charlie Chaplin dans Le Dictateur.
Jouant avec un ballon représentant le globe terrestre.
JONGLER AVEC LE MONDE
Vous vous souvenez de cette scène, l’une des plus belles de l’histoire du cinéma ?
Chaplin interprète un dictateur sanguinaire qui rêve de dominer le monde.
« Le monde est décadent, épuisé, lui dit l’un de ses généraux. Aucune nation ne vous résistera. Après l’invasion de l’Osterlich, nous n’aurons même plus à combattre. Les nations capituleront ! Dans deux ans, l’univers vous obéira ! Vous serez dictateur du monde entier ! »
Ému par cette vision, le tyran s’approche d’un gros globe terrestre qui traîne dans un coin de son bureau, l’arrache de son socle et le lance en l’air.
Gonflé à l’hélium (comme l’ego du dictateur), le globe flotte lentement dans les airs.
Le dictateur danse avec, joue avec, le faisant gracieusement rebondir sur sa tête, sur ses pieds, même sur ses fesses.
Jusqu’à ce que le globe lui pète en pleine face.
Dans Les Temps modernes (1936), Chaplin critiquait le capitalisme effréné qui transforme les hommes en machines.
Quatre ans plus tard, alors que plusieurs en Occident croyaient encore qu’on pouvait apaiser Hitler, le même réalisateur mettait le monde en garde contre « le pouvoir absolu qui corrompt absolument ».
Vous voulez savoir c’est quoi, un génie ? Regardez ces deux films.
On dirait qu’ils ont été réalisés hier.
Et qu’ils parlent d’Amazon et de Poutine.
- Écoutez l'éditorial de Richard Martineau, tous les jours 8 h 30, en direct sur QUB radio :
UN APPEL À LA DÉSERTION
À la fin du film, Charlie Chaplin (qui interprète un barbier juif se faisant passer pour le dictateur) regarde les spectateurs dans les yeux et se lance dans un long discours humaniste.
« Soldats, ne vous donnez pas à ces brutes, ceux qui vous méprisent et font de vous des esclaves, enrégimentent votre vie et vous disent ce qu’il faut faire, penser et ressentir, qui vous dirigent, vous manipulent, se servent de vous comme chairs à canon et vous traitent comme du bétail.
« Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes-machines avec des cerveaux-machines et des cœurs-machines. Vous n’êtes pas des machines ! Soldats ! ne vous battez pas pour l’esclavage, mais pour la liberté ! »
On rêve de montrer cet extrait aux soldats russes.
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UN CERCLE VICIEUX
Malheureusement, le peuple ukrainien ne semble pas être au bout de ses souffrances.
Car Poutine a un as dans sa poche : la menace nucléaire. Qu’il brandit dès que les « va-t-en-guerre » occidentaux haussent un peu trop le ton.
C’est un cercle vicieux.
Plus Poutine est violent, plus on est convaincu qu’il est fou et plus on craint d’intervenir, de peur de le pousser à commettre l’irréparable.
Mais plus on se garde d’intervenir, plus Poutine se croit tout permis et plus il se montre intraitable, inhumain et violent.
Comment tout ça va s’arrêter ?
Et comment l’Ukraine nous jugera au lendemain de cette horrible guerre qui se déroule en direct à la télé ?