Charge frontale de la CAQ contre le maire Marchand et le projet de tramway
Éric Caire accuse le maire Marchand de «polluer l'existence des automobilistes», puis s’excuse

Marc-André Gagnon
La lune de miel entre le gouvernement Legault et le maire Marchand est officiellement terminée. «Ce n’est pas le maire de Québec qui va dicter l’agenda du conseil des ministres», a répété le ministre François Bonnardel, en confirmant les conditions à rencontrer avant de donner le feu vert à la réalisation du tramway.
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Lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale, le ministre de Transports ne s’est pas gêné pour reprocher au maire de Québec, Bruno Marchand, d’avoir déclaré récemment que ce n’est pas «pour les gens de Portneuf [...], de Château-Richer [ou de] de Saint-Apollinaire» que la Ville de Québec veut construire un tramway.

«Moi, a répliqué M. Bonnardel, j'ai une vision globale, puis je veux que le maire ait la même vision que moi, O.K.?!»
En chambre, le ministre des Transports en a rajouté une couche en accusant le maire Marchand d’avoir «oublié» le «concept de vision régionale» auquel tient le gouvernement Legault.
- Écoutez La rencontre de l'heure Abdelfadel-Vallières à l'émission de Phillipe-Vincent Foisy , tous les matins 6 h 10, en direct à QUB radio:
Marchand doit «écouter les citoyens» selon Legault
À cette première condition, requise pour que les décrets attendus par la Ville de Québec soient adoptés le 6 avril, M. Bonnardel en a confirmé deux autres: celles de réviser la part des dépassements de coûts assumés par le gouvernement fédéral, et celle de reculer sur le concept de rue partagée sur René-Lévesque.
On parle d'ici d'une zone située entre les avenues De Bourlamaque et De Salaberry, où la vitesse serait abaissée de façon à encourager la circulation automobile locale, en faisant la part belle au tramway, aux piétons et aux cyclistes.
«Écoutez, il y a une condition générale qui est l'acceptabilité des gens de Québec», a commenté pour sa part le premier ministre François Legault, en promettant aussi l’adoption des deux décrets attendus par le maire Marchand le 6 avril, mais sous plusieurs conditions.
«Si les gens de Québec disent: “la voie partagée sur René-Lévesque, ça n'a pas de bon sens les impacts que ça va avoir sur le boulevard Laurier et sur la Grande Allée”, bien je pense qu'il faut [...] écouter les citoyens de Québec», a ajouté M. Legault.
- Écoutez l’entrevue de Bruno Marchand au micro de Mario Dumont sur QUB radio:

Effet Duhaime?
«Pourquoi la CAQ torpille-t-elle le projet de tramway, est-ce qu’elle a peur d’Éric Duhaime?» a lancé en chambre le député de Québec solidaire, Sol Zanetti.
L’opposition libérale et le Parti Québécois ont également accusé le gouvernement caquiste de chercher à saborder le projet de tramway.
«J'ai l'impression que la CAQ ne voudrait pas un projet de tramway qui aboutit pendant que le troisième lien, lui, ne s'en va nulle part», a commenté le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.
«Que le premier ministre du Québec se tasse du chemin, qu’il laisse le maire de Québec faire son travail et qu'il cesse l'ingérence politique dans ce dossier-là», a pesté à son tour l’ex-ministre des Transports libéral, André Fortin.
Caire attaque et s’excuse
«En quoi c’est de l’ingérence», a rétorqué le ministre de la Transformation numérique, Éric Caire, en rappelant qu’à Montréal, le gouvernement et la Caisse de dépôt et placement du Québec ont aussi leur mot à dire dans les projets de transport.
«Le seul projet au Québec où la municipalité veut décider de 100% de ce qui se passe, c’est le tramway de Québec», a déploré le député de La Peltrie.

«Le maire de Québec dit qu’il ne veut pas faire une guerre à l’automobile, a-t-il ajouté en s’emportant. Qu’il le prouve et qu’il arrête de polluer l’existence des conducteurs avec des projets comme ça!»
Puis, sur l’heure du midi, le ministre Caire s’est finalement rétracté. «Ce matin, je suis allé trop loin, a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux. Même si j'ai un désaccord avec le maire Bruno Marchand quant au tramway, il est une personne de bonne foi et son intention n'est pas de polluer l'existence des automobilistes. Les citoyens ont des questions légitimes et la Ville doit y répondre.»
Ce matin, je suis allé trop loin. Même si j'ai un désaccord avec le maire @brunomarchand quant au tramway, il est une personne de bonne foi et son intention n'est pas de polluer l'existence des automobilistes. Les citoyens ont des questions légitimes et la Ville doit y répondre.
— Éric Caire (@ericcaire) March 23, 2022
«On ne peut pas avoir un projet de réseau structurant à Québec en le faisant au détriment des automobilistes et des périphéries de la Ville de Québec», a néanmoins affirmé la ministre responsable de la Capitale-Nationale, Geneviève Guilbault.
La députée de Louis-Hébert a reconnu que le ton a monté, vendredi dernier, lors d’un échange avec le maire Marchand concernant le tramway et le 3e lien, qui font partie de la vision régionale du Réseau express de la Capitale portée par la CAQ.
«Ce n’est pas vrai qu’on veut bloquer le tramway, s’est-elle défendue. Si on voulait le bloquer, on aurait eu toutes les occasions de le faire. On pourrait toute mettre sur le dos du fédéral qui ne veut jamais se commettre formellement.»
Toujours pas de demande à Ottawa
À Ottawa, une source fédérale proche du dossier a indiqué au Journal que le gouvernement joue un jeu politique en «retardant» le projet. « S’il y avait des doutes qui subsistaient quant à la volonté de la CAQ de retarder indûment le projet, ça peut difficilement être plus clair que ce l’est maintenant», a-t-elle glissé.
Au bureau du ministre Jean-Yves Duclos, on s'est contenté de répéter que pour donner les garanties financières pour un projet, le gouvernement fédéral doit d'abord recevoir une demande du gouvernement de la CAQ, demande qui n'a toujours pas été soumise.
– Avec la collaboration de Stéphanie Martin
Québec veut des modifications
Quelques changements au projet liés aux demandes du gouvernement
- Retrait des montées mécaniques
- Retrait de la portion trambus
- Abandon de l’antenne vers ExpoCité et le terminus à cet endroit
- Retrait de deux stations à de l’Église et sur la Colline
- Retrait d’un tunnel dans le secteur Sainte-Foy
- Choix d’un tunnel court sur la colline Parlementaire plutôt qu’un tunnel long
- Tracé modifié pour aller à D’Estimauville au lieu de Charlesbourg
- Retrait des rues partagées demandé par la CAQ, mais refusé par le maire
Suivi budgétaire du tramway
- 701,6 M$ | Enveloppe autorisée par le gouvernement du Québec pour la réalisation des plans et devis et les travaux préparatoires
- 250,3 millions $ | Sommes engagées jusqu’à maintenant par la Ville de Québec pour son projet de tramway
COÛTS PRÉVUS EN 2022
- 21,7 M$ | Horaires professionnels (plans, devis, surveillance)
- 67,8 M$ | Infrastructures municipales (travaux préparatoires)
- 54,5 M$ | Gestion de projet
- 116 M$ | Acquisitions
- 24,1 M$ | Finances, contingences et risques
TOTAL | 284,1 M$
Source : Ville de Québec et Illustration d’archives