Charest, homme d’hier ou de demain?


Emmanuelle Latraverse
Dans tout le débat politique entourant la guerre en Ukraine, une voix s’est élevée pour articuler une vision précise des conséquences de ce conflit sur le Canada. Énoncer, surtout, les choix réels qui s’offrent à Ottawa.
« Il ne suffit pas pour un politicien de se présenter devant le microphone pour déclarer que notre force réside dans notre diversité. Cela doit aussi se traduire en action. Cela doit nous permettre d’exercer une influence plus importante que celle dont on nous estime capables. »
Alternative
La critique envers l’indignation théâtrale de Justin Trudeau au cours des derniers jours était évidente. Le rôle secondaire auquel il a condamné le Canada l’était tout autant.
« Nos politiques étrangères et en matière de défense se sont trop longtemps rangées derrière celles de nos voisins américains, alors que nous devons d’abord défendre les intérêts du Canada. » Ces propos, ce sont ceux de Jean Charest dans une lettre ouverte publiée par les Coops de l’information. Une étape de plus dans la minutieuse offensive vers son éventuelle entrée dans la course à la direction du Parti conservateur du Canada.
En prenant position sur l’Ukraine, Jean Charest articule une vision plus large pour le mouvement conservateur au pays. Une politique étrangère cohérente. Une réflexion sur le potentiel géostratégique qu’offrent nos ressources naturelles, pour « nourrir la planète et aussi fournir de l’énergie à nos alliés européens ».
L’objectif, faire la preuve qu’il est possible d’être conservateur sans tomber dans l’hystérie anti-Poutine ou le populisme colérique du moment.
Le vrai schisme
L’idée que l’âme du Parti conservateur est en jeu dans le cadre de cette course à la direction est souvent galvaudée. Encore faut-il cadrer le débat selon les bons axes.
L’enjeu n’est plus celui du pouvoir consenti à la droite sociale au sein du parti. Ce débat a été classé par des années de déchirements internes. Après avoir été traités de parias, ces membres et députés réclament, avant toute chose, le respect et le droit de soulever des débats légitimes.
En 2022, la ligne de faille est ailleurs.
Le PCC doit-il céder au populisme trumpien qui galvanise tant sa base militante ?
Ce choix définira non seulement ses chances électorales, mais surtout l’ensemble du paysage politique au Canada.
Le PCC peut-il gagner sans courtiser un électorat plus modéré ? Le populisme qu’incarne le candidat Pierre Poilièvre ne risque-t-il pas de radicaliser davantage la gauche progressiste canadienne qui, à l’image de Justin Trudeau, carbure déjà à la démonisation de ses adversaires ?
Les conservateurs ont peur d’un chef plus « centriste », car ils craignent de voir leurs valeurs et idéaux dilués, comme l’a si malhabilement fait Erin O’Toole durant son court règne.
En articulant une critique si fine de l’approche du gouvernement Trudeau face à l’Ukraine, Jean Charest aura voulu commencer à démontrer qu’il est possible de porter les valeurs conservatrices sans tomber dans les excès populistes et polarisants.