Charest était pour le «visage à découvert»

Antoine Robitaille | Agence QMI
Pourfendre la laïcité à la québécoise (donc à l’européenne) est un automatisme dans la course conservatrice.
L’attitude de réserve à l’égard de la loi 21, adoptée sous Scheer et O’Toole, a été abandonnée.
Au contraire, il fait bon de se déchaîner contre celle-ci et tout ce qui peut lui ressembler.
Le candidat Patrick Brown dénonce la loi québécoise sans relâche. Il a financé sa contestation à même l’argent public de la ville dont il est le maire, Brampton. (Un geste sans doute illégal au demeurant.)
Brown condamne aussi son propre parti qui, à l’ère Harper, en 2011, avait adopté une directive afin que les cérémonies de citoyenneté se fassent à visage découvert.
Ce faisant, il attaque son adversaire Pierre Poilievre, qui avait soutenu la directive. En 2015, la Cour fédérale avait conclu qu’Ottawa ne pouvait interdire les niqabs lors de l’assermentation des nouveaux citoyens.
Poilievre n’ose plus soutenir publiquement l’ancienne directive. D’autant plus que dans son équipe, deux membres qui avaient travaillé à la concevoir ont offert leurs excuses publiques à ce sujet !
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Charest
Pour les conservateurs aujourd’hui, combattre ce type de mesure semble être une sorte de passage obligé afin de reconquérir les communautés immigrantes.
Jean Charest a choisi de ne pas faire exception. Sur le plateau de Mario Dumont, le 10 mars, il a soutenu avoir refusé, lorsqu’il était premier ministre du Québec, la recommandation de Bouchard et Taylor, en 2008, de proscrire les signes religieux chez les agents de l’État en autorité.
« On avait des avis du ministère de la Justice qui disaient que donner suite, c’était contraire à la charte québécoise et à la charte canadienne. »
Mais il a omis de dire qu’en 2010, son gouvernement a déposé le projet de loi 94 sur le fameux « visage à découvert » qu’il voyait comme une manière de « mettre en œuvre » Bouchard-Taylor.
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Le PL 94 allait beaucoup plus loin que la directive de Harper concernant la citoyenneté : « Son champ d’application embrasse l’ensemble des services publics », insistait Jean Charest, le 24 mars 2010. Il avait tenu à être présent à la présentation de ce projet de loi (la marraine était sa ministre de la Justice, Kathleen Weil). La loi, se félicitait-il, s’appliquerait « tout autant aux usagers des services publics qu’aux employés de l’État ». Elle ne fut jamais adoptée.
Aujourd’hui, concernant l’ancienne directive de l’ère Harper, Jean Charest, selon ce que son équipe nous a transmis, est « convaincu que tant et aussi longtemps que le processus d’identification est rigoureux, les nouveaux Canadiens devraient être en mesure de choisir librement la façon dont ils s’habillent ».
À LCN le 10 mars, M. Charest disait avoir toujours eu les « mêmes positions » au fédéral et au Québec. Sur les armes à feu, c’est évidemment faux. Il fut contre le registre au fédéral et pour le registre au Québec.
Quant à la règle du « visage à découvert », le Charest conservateur fédéral de 2022 est loin du libéral québécois de 2010, qui affirmait : « Ce n’est pas rendre notre maison moins accueillante que d’affirmer les valeurs qui nous rassemblent. Au contraire, le dire clairement est une marque d’affirmation et de respect d’abord envers nous-mêmes et aussi envers ceux à qui nous ouvrons nos bras. »
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