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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

La médecin de famille Isabelle Gaston est «écœurée» d’être perçue comme une paresseuse par le gouvernement et songe à changer de profession

La femme de 52 ans ne peut tout simplement pas travailler plus de 30 h par semaine

La Dre Isabelle Gaston, médecin de famille dans un CLSC de Montréal, ne peut pas travailler plus de 30 h par semaine en raison d’une invalidité partielle. Elle déplore la nouvelle réforme du gouvernement qui veut la pénaliser financièrement.
La Dre Isabelle Gaston, médecin de famille dans un CLSC de Montréal, ne peut pas travailler plus de 30 h par semaine en raison d’une invalidité partielle. Elle déplore la nouvelle réforme du gouvernement qui veut la pénaliser financièrement. Photo Pierre-Paul Poulin
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Photo portrait de Héloïse Archambault

Héloïse Archambault

2025-05-16T16:00:00Z
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La médecin de famille Isabelle Gaston, qui est en invalidité partielle depuis le terrible drame qu’elle a vécu, est «écœurée» de la pression du gouvernement pour travailler plus, au point où elle songe à changer de profession.

«Je vis de la honte et j’ai de la peine, avoue la Dre Isabelle Gaston. Je fais partie des médecins qui ne travaillent pas assez.»

«Je regarde où je pourrais fiter quelque part avec mes connaissances», confie la femme de 52 ans, tout en énumérant les pays où son diplôme de médecin serait reconnu facilement: Nouvelle-Zélande, Australie, Royaume-Uni.

La semaine dernière, le gouvernement a déposé le projet de loi 106 pour modifier la rémunération des médecins, en y ajoutant des indicateurs de performance collective. Selon le ministre de la Santé, Christian Dubé, environ le tiers des omnipraticiens (2700 médecins) ne travaillent pas assez. Avec la réforme, ces médecins seraient moins rémunérés et feraient perdre de l'argent à leurs collègues. Tous les détails ne sont pas encore connus. 

Une vie chamboulée

En début de carrière, la Dre Gaston était une urgentologue hyperperformante. Durant 13 ans, elle a travaillé sans compter ses heures dans les Laurentides. 

«Je faisais deux fins de semaine sur cinq. Je n’ai jamais fêté Noël avec mes enfants», précise-t-elle.

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Or, sa vie a complètement basculé en 2009, après que son ex-conjoint Guy Turcotte a tué ses deux jeunes enfants. Aujourd’hui, la femme vit encore des symptômes de choc post-traumatique et elle est en invalidité partielle. Elle devrait normalement travailler 25 h par semaine. Elle fait souvent 30 ou 35 h.

Photo Pierre-Paul Poulin
Photo Pierre-Paul Poulin

Médecin de famille dans un CLSC de Montréal, elle suit près de 400 patients, dont plusieurs sont vulnérables. Elle travaille quatre jours par semaine. La cinquième journée, elle prend du temps pour se soigner.

«Je ne peux juste pas en faire plus, avoue-t-elle humblement. Je choisis délibérément de voir moins de patients, mais je suis disponible pour les urgences.»

Lors de ses vacances en mars dernier, elle a travaillé tous les jours pour lire les résultats de laboratoire de ses patients. Elle cite plusieurs exemples de patients orphelins qu’elle a soignés au «sans rendez-vous» et qui avaient plusieurs maladies non diagnostiquées (cancer, diabète, etc.).

«Des médecins paresseux, il n’y en a pas. [...] Les gens pensent que je suis riche... mais pas du tout! Je perds déjà un bonus parce que j’ai moins de 500 patients», dit celle qui gagne moins de 150 000$ par an.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Elle ne pourra pas suivre

L’omnipraticienne est aussi frustrée par le fait que le gouvernement veuille lier le revenu à la performance collective. Des femmes qui n’ont pas encore d’enfants (et donc pas pris de congé de maternité) craignent d’être discriminées. 

«Je suis tellement écœurée de la dichotomie entre la qualité des soins que j’aimerais donner à mes patients et qu’on me dise que je ne suis pas un bon docteur parce que je ne vois pas assez de patients. Je ne fiterai pas dans le système du débit plus élevé», conclut-elle. 

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