«Cet album est le fruit de 60 ans de métier», confie la rebelle Louise Forestier qui, à 82 ans, lance un oratorio électro baptisé «Vieille corneille»

«Artiste, ce n’est pas quelque chose que tu arrêtes de faire, c’est une nature, tu es pogné avec jusqu’à la fin de tes jours», affirme Louise Forestier qui, à 82 ans, arrive encore à nous surprendre, cette fois en lançant un oratorio électro baptisé Vieille corneille.

Louise Forestier décrit son 24^e opus comme un legs, un testament. «C’est le fruit de 60 ans de métier. Je me suis dit: j’ai quelque chose à donner de toute cette expérience. J’ai encore quelque chose à dire, surtout avec ce qui se passe en ce moment et ça a sorti», a-t-elle confié lors d’un long entretien avec Le Journal.

C’est une rencontre avec une corneille au cœur du silence de la pandémie qui est venue chambouler ses plans d’un retrait de la musique à la suite d’une dernière tournée qui l’avait bien fatiguée il y a dix ans.

«Tout était silencieux et j’ai remarqué une vieille corneille qui était sur le toit du triplex. Elle a commencé à me croisser ça, je lui répondais et le lendemain, j’ai écrit Moi, vieille corneille. C’est devenu une image. La corneille voit tout, a de la distance, va où elle veut. Je l’ai fait voyager à différents endroits où elle pouvait constater la solitude, les vieux abandonnés, les traumatismes qu’on peut subir, les mots qu’on ne peut plus dire, le climat, l’écologie, la Terre qui souffre», raconte l’artiste multidisciplinaire qui écrit, joue, chante et peint.

Dans un monde où «tous les silences sont remplis», c’est ce silence inhabituel qui a déclenché en Louise Forestier ce besoin d’écrire. Ce qu’elle a fait librement, sans avoir de mélodie en tête et sans pression de devoir en faire quoi que ce soit ensuite.

«J’ai essayé de mettre des mots qui n’étaient provoqués que par des ressentis. J’ai juste laissé aller», souffle-t-elle.

Sa poésie chantée a finalement trouvé sa musique. Et pas celle qu’on aurait imaginée au premier abord. Plutôt celle, électronique, du compositeur Louis Dufort, reconnu pour avoir travaillé avec la danseuse et chorégraphe contemporaine Marie Chouinard.

«C’est ça, le miracle! Le naturel de mon écriture va bien avec le sophistiqué de la musique électronique qui est presque scientifique», explique la mélomane qui a toujours été reconnue pour son côté rebelle et avant-gardiste.

Son oratorio électro comprend donc 9 pièces formant un crescendo unique commençant par la pièce-titre Vieille corneille à laquelle a collaboré son ami, Michel Rivard.

«C’est un bon début à l’album qui commence avec ce que les gens connaissent de moi pour, subtilement, se transformer», prévient-elle.

Le résultat est à son image: résolument actuel et surprenant.

Vieillir à notre époque

Si Louise Forestier est toujours aussi active à 82 ans, c’est parce qu’elle y travaille. Elle s’entraîne deux fois par semaine (cardio, étirements et musculation) et marche le dimanche pour aller s'adonner à son loisir préféré: bouquiner.

Ce bel électron libre passe beaucoup de temps à faire des lectures qui la font réfléchir, écouter de la musique, écrire en silence et entretenir la ruelle verte qu’elle peut admirer de sa grande fenêtre.

La chanteuse, autrice, poète et comédienne (Starmania, Nelligan, Demain matin, Montréal m’attend) qui a fait ses débuts aux côtés de Robert Charlebois (avec qui elle a participé au légendaire Osstidcho en 1968 en compagnie de Mouffe et d'Yvon Deschamps) affirme être «beaucoup dans le moment présent».

«Je n’ai jamais perdu la mort de vue. Vieillir, c’est faire des deuils: ne plus pouvoir travailler 8 heures par jour, la jeunesse qui s’en va, la gravité (physique et morale), des relations qu’on veut et qu’on ne veut plus. Mais vieillir peut aussi nous donner la permission de ralentir et de réfléchir et ça, c’est too much», lance-t-elle dans un éclat de rire.

-L’album Vieille corneille de Louise Forestier se trouve sur les plateformes et dans les magasins de musique en format CD.