«C’est vraiment pas bon. Vraiment pas»: ils s’alarment que des leaders de gangs violents soient incarcérés ensemble à Donnacona
Ces détenus auraient un vaste réseau de contacts dans le milieu criminel à Montréal


Laurent Lavoie
Des intervenants du système judiciaire s’alarment que des têtes dirigeantes de gangs de rue soient incarcérées ensemble au pénitencier, ce qui leur laisserait le champ libre pour poursuivre leurs activités criminelles.
«Ils vont continuer de faire la pluie et le beau temps. Il faut que ça arrête», déplore une procureure d’expérience qui n’est pas autorisée à commenter ce dossier.
Selon nos sources, quatre influents criminels étaient jusqu’à récemment emprisonnés dans le même secteur à l’établissement de Donnacona, dans la région de la Capitale-Nationale.

Il s’agit de Sylvain Kabbouchi et Youness Aithaqi, considérés comme les deux têtes dirigeantes d’Arab Power, ainsi que leur proche collaborateur Tarek Youssef Baydoun. Ils côtoieraient Faouzi Harmali, qui est présumément derrière le groupe Arabs with attitude.
Ces gangs sont liés à de multiples tentatives d’extorsion survenues au cours de la dernière année dans le grand Montréal.

«C’est vraiment pas bon. Vraiment pas, laisse tomber une source policière. À quatre, ils couvrent presque la totalité du crime organisé montréalais avec leurs contacts.»
Proximité constante
Ces détenus, qui utilisent des cellulaires, jouiraient d’une proximité constante. Non seulement leurs cellules sont proches, mais ils auraient aussi l’occasion de s’entraîner et de manger ensemble.
Selon nos informations, cela contribue au partage de «soldats» et leur permet de passer des commandes pour commettre toutes sortes de crimes. Des criminels endurcis ont déjà ordonné des attaques et des assassinats dans le confort de leur cellule.
Des délinquants comme Kabbouchi, Baydoun et Aithaqi ont déjà écopé de peines de prison à perpétuité sans possibilité de libération avant 25 ans pour meurtre. Ainsi, «ils n’ont plus rien à perdre», fait valoir un intervenant qui a requis l’anonymat.

Pour se donner «une chance» de freiner ces organisations criminelles, il faut au moins «séparer des gens qui sont dans les mêmes gangs et qui gèrent encore des choses de l’intérieur», insiste une source.
Question de sécurité
Service correctionnel Canada (SCC) répartit les détenus en fonction de leur profil et de leurs allégeances afin de limiter les risques d’affrontements, souligne André Gélinas, ex-enquêteur à la police de Montréal.
«C’est très paradoxal, parce que ces gens-là continuent à se faire des contacts, convient-il. C’est un compromis. C’est de trouver la situation la moins pire possible.»

De l’avis d’un informateur du milieu correctionnel, Youness Aithaqi et Sylvain Kabbouchi constituent l’«exemple parfait» de ce compromis.
Ils sont si respectés en prison que les codétenus se tiendraient plus tranquilles en leur présence. En revanche, plusieurs «veulent travailler pour eux».
Que d’aussi grosses pointures soient dans le même établissement, «ça ne fonctionne pas», estime Mike Bolduc, président québécois du Syndicat des agents correctionnels du Canada.

Il avance que le SCC cherche simplement à éviter des plaintes et des poursuites si les criminels se retrouvent éloignés de leurs proches, dans d’autres pénitenciers.
«On les met toute la gang ensemble, alors ils causent quatre fois plus de troubles, peste Mike Bolduc. C’est un danger.»
D’après les intervenants consultés, des solutions aussi simples que d’envoyer des détenus vers une autre province sont ignorées.
Appelé à réagir, le Service correctionnel Canada a indiqué qu’un seul des quatre individus identifiés par Le Journal n’était pas sous leur responsabilité actuellement, sans toutefois préciser lequel.
«Les allégations selon lesquelles un délinquant actuellement sous notre garde poursuit ses activités criminelles sont prises très au sérieux», ajoute l’organisme fédéral.
Il reconnait que les membres de certains groupes représentent des «risques potentiels» pour la société et les opérations carcérales.
De grosses pointures réunies
- Sylvain Kabbouchi
– Considéré comme une des têtes dirigeantes du gang Arab Power
– Condamné plus tôt cette année pour meurtre prémédité, aux côtés de Tarek Youssef Baydoun
- Youness Aithaqi, alias «Frérot»
– Considéré comme une des têtes dirigeantes du gang Arab Power
– Condamné pour meurtre prémédité
- Tarek Youssef Baydoun
– Considéré comme proche collaborateur de Kabbouchi et Aithaqi
– Condamné plus tôt cette année pour meurtre prémédité, aux côtés de Sylvain Kabbouchi
- Faouzi Harmali, alias «Fouz»
– Contrôlerait le gang Arabs with attitude
– Fait face à des accusations en lien avec des armes à feu
– Des infractions en la matière lui avaient valu six ans de pénitencier en 2021
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