«C’est une triste histoire»: une complotiste de 80 ans à deux doigts de la rue
Anastasia Moschopoulos prétend que la banque lui doit 300 millions $


Francis Pilon
Une complotiste âgée de 80 ans pourrait perdre sa maison de Montréal et se retrouver à la rue d’ici la fin de l’été puisqu’elle refuse obstinément de payer ses lourdes dettes à la banque.
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«L’[institution financière] a triché et a pris tout mon argent. C’est fou, fou, fou!» martèle en anglais Anastasia Moschopoulos, tout en jetant un regard méfiant derrière sa porte entrouverte.

Le Journal a rencontré vendredi dernier l’octogénaire, qui est cœur d’un récent jugement de la Cour supérieure, dans son duplex du quartier Parc-Extension. On apprend dans ce document juridique que Mme Moschopoulos dédaigne de rembourser ses versements hypothécaires depuis janvier 2023 à la Banque Toronto Dominion (TD). Cette dernière s’est donc tournée vers les tribunaux pour saisir son immeuble évalué à 724 000$.
«C’est une triste histoire que celle relatée [...]. Les théories complotistes et autres pseudo-justifications irrationnelles et montées de toutes pièces ne peuvent être mises à l’avant-scène d’une procédure judiciaire sans qu’il n’y ait de conséquence pour son auteur», déplore le juge Luc Morin, qui s’est penché sur cet «étrange épisode».
Des millions de $ imaginaires
La Cour supérieure a finalement autorisé la vente sous contrôle du duplex de l’octogénaire. Anastasia Moschopoulos pourrait toutefois conserver sa maison, mais seulement si elle rembourse ses dettes de 265 000$ à la Banque TD d’ici le 11 août prochain.
«[Il s’agit] d’une ultime chance de rembourser le solde du prêt hypothécaire sans devoir passer par les affres d’une vente sous contrôle de justice», met en garde le juge.
Dans une envolée d’arguments vides de sens, la Montréalaise s’est défendue en affirmant à la Cour que la banque lui aurait promis un mystérieux dépôt allant jusqu’à 300 millions de dollars et en accusant TD de transferts frauduleux. Elle a même soutenu avoir déjà remboursé son prêt hypothécaire.
«Il n’y a pas un iota de preuve au dossier pouvant soutenir les prétentions de la défenderesse», tranche le juge Morin.

Une «freeman of the land»
Notons qu’il s’agit de la deuxième fois que Anastasia Moschopoulos se retrouve en défaut de paiement hypothécaire pour la même maison. Le premier épisode est survenu en janvier 2013, mais la femme avait finalement remédié à la situation en payant la banque.
À l’époque, la complotiste avait évoqué une prétendue charte créée par un mouvement de citoyens souverains nommé The One People’s Public Trust (OPPT).
«Le mouvement prétend notamment que le système bancaire a été annihilé le 25 décembre 2012 en raison des actes de trahisons commis par les diverses instances gouvernementales et institutions financières», relate la Cour du Québec.
En entrevue avec Le Journal la semaine dernière, Mme Moschopoulos a refusé de s’expliquer sur ces théories.
«Je compte poursuivre mon avocat, qui a fait un très mauvais travail pour me défendre. [...] Je n’ai pas d’argent pour rembourser la banque. Je ne sais pas où je vais habiter ensuite», a confié la Montréalaise, du haut de son balcon.
Phénomène en augmentation
Christine Sarteschi, professeure agrégée en travail social et de criminologie à l’Université Chatham de Pittsburgh, suit de très près le mouvement des citoyens souverains.
«On estime généralement qu’il y a eu une augmentation des cas [comme celui-ci] ces dernières années, mais les chiffres exacts sont difficiles à évaluer. Nous avons vu davantage de cas de saisies liés à des théoriciens de la conspiration comme Romana Didulo et ses décrets qui ordonnent aux gens de cesser de payer leurs hypothèques et leurs services publics», constate Mme Sarteschi.
L’experte affirme qu’elle «applaudit» le jugement rendu contre Anastasia Moschopoulos.
«Comme le juge l’a souligné dans son avis écrit, si les gens réussissent à faire valoir leurs arguments fallacieux de citoyens souverains, le système bancaire canadien serait détruit», conclut-elle.
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