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L'article provient de Le Journal de Montréal
Éducation

«C’est un saccage sans précédent»: des services aux élèves amputés dans plusieurs écoles à la rentrée

Photo d’archives, Jean-François Desgagnés
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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2025-06-20T04:00:00Z
2025-06-20T14:48:20Z
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Moins d’éducatrices spécialisées, d’enseignants ressources, de tutorat, d’aide alimentaire et même des classes fermées: des services directs aux élèves sont amputés pour la rentrée en raison des restrictions budgétaires imposées par Québec, a constaté Le Journal. 

«Ça me met à terre, c’est un saccage sans précédent, ça n’a aucun sens», lance Chantal Poulin, qui enseigne au primaire dans une école défavorisée et multiethnique du centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, à Montréal.

Elle sortait d’une réunion d’équipe avec sa direction au sujet des compressions pour l’an prochain lorsque Le Journal lui a parlé, en après-midi jeudi. «La moitié du monde pleurait» en sortant de la rencontre, laisse-t-elle tomber avec émotion.

Chantal Poulin est enseignante dans une école primaire de Montréal.
Chantal Poulin est enseignante dans une école primaire de Montréal. Photo fournie par Chantal Poulin

Services aux élèves amputés

Un plan de compression a été présenté à l’équipe-école, mais ces coupes ne sont même pas suffisantes pour combler le manque à gagner de 240 000 $ dans cet établissement, même si la liste est très longue.

Voici ce qui est sur la table, énumère Mme Poulin en relisant ses notes.

Abolition complète du tutorat pour les élèves et de l’aide alimentaire.

Au moins un poste d’éducatrice spécialisée sera aboli, peut-être plus.

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Environ 75% des services de soutien linguistique passent à la trappe, ce qui comprend la francisation et les services de traduction. 

Toutes les sorties culturelles sont annulées de même que des budgets pour favoriser les activités sportives.

L’aide aux parents, une mesure présente dans des écoles défavorisées pour aider les parents immigrants à se familiariser avec le système d’éducation, sera aussi coupée.

Le budget des enseignants spécialistes pour l'achat de matériel, les sommes pour l’organisation de fêtes de Noël ou d’Halloween et le budget pour la formation du personnel passe aussi à la trappe. 

Une période d'anglais enrichi pourrait disparaître de la grille-matière des élèves à la fin du primaire.

Ce scénario qui n'est pas encore définitif «risque de se produire à 99,9%», affirme Mme Poulin, puisqu'il faudra y ajouter d'autres coupes pour arriver aux «cibles budgétaires» fixées par Québec. 

En vertu des nouvelles règles fixées par le ministère de l'Éducation, les écoles et les centres de services scolaires ne peuvent plus piger dans leurs surplus accumulés pour éponger le manque à gagner. 

«On a coupé tout ce qui est possible de couper et on n’y arrive même pas», lance Mme Poulin, qui préfère ne pas identifier son école par crainte de représailles.

L’enseignante tient toutefois à souligner que cette fois-ci, les profs, les directions et les centres de services scolaires «sont du même bord», unis contre «l'effort budgétaire» annoncé par le gouvernement Legault, qui refuse de parler de compressions dans le réseau scolaire.

Cette prof aimerait que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, «réalise que ce sont des vies humaines à qui on enlève des chances pour privilégier des dépenses qui ne font aucun sens, comme le troisième lien» ou les investissement dans le projet Northvolt.

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Loin d’être un cas isolé

Les coupes qui se profilent pour la rentrée dans l'école primaire de Chantal Poulin sont loin d'être un cas isolé.

Aux quatre coins du Québec, les impacts concrets des restrictions budgétaires exigées par Québec commencent à se faire sentir dans plusieurs écoles, selon de nombreux témoignages recueillis jeudi auprès de membres du personnel scolaire et de sources syndicales.

L’abolition de postes d’éducatrices spécialisées est d'ailleurs très répandue, selon nos informations. 

Leur nombre passera par exemple de trois à un dans une école primaire de la Mauricie, selon une enseignante qui rapporte que deux classes seront aussi fermées, même si le nombre d’élèves est stable dans son école.

Au centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke, le nombre de postes d’éducatrices spécialisées prévu pour l’année 2025-2026 est de 26, comparé à 30 présentement.

Ce chiffre pourrait encore être revu à la baisse au cours des prochains jours, puisque les directions d’école doivent trouver d’autres mesures d’économie pour atteindre les cibles gouvernementales, prévient son secrétaire général, Donald Landry.

Or les éducatrices spécialisées sont essentielles au bon fonctionnement d’une école, souligne Chantal Poulin. «Tu coupes une TES, tu ajoutes une prof en burn-out», illustre-t-elle.

Au centre de services de la Pointe-de-l’Île, on s’est contenté d’indiquer jeudi que «les décisions seront prises dans l’optique de minimiser les impacts sur les services directs aux élèves». 

«Il est cependant impossible d’envisager que l’ampleur de nos efforts n’aura pas de répercussions dans nos milieux», peut-on lire dans une réponse écrite.

Au Syndicat de l'enseignement de la Pointe-de-l'Île, on rapporte aussi la fermeture de deux classes au préscolaire et une diminution des tâches des enseignants ressources. À l'école secondaire Henri-Bourassa notamment, leur nombre passera de 6 à 3 l’an prochain, indique sa présidente, Sylvie Zielonka.

«La situation évolue d’heure en heure et l’horizon nous apparaît comme très sombre autant pour le personnel que pour les élèves», affirme-t-elle.

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