«C’est un moment que je n’ai jamais oublié» — Luguentz Dort


Wilson Salaun
MONTRÉAL | Nous sommes le 2 septembre 2020. Les séries de la NBA battent leur plein dans la bulle établie par la ligue au complexe sportif de Walt Disney World, en Floride, dans un contexte de pandémie.
Cette année-là, le Québécois Luguentz Dort en est à sa première saison dans le circuit Silver. Son équipe du Thunder d'Oklahoma City affronte au premier tour éliminatoire les Rockets de Houston, et les deux équipes se rendent jusqu’au match numéro sept.
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Avec environ cinq secondes à faire au quatrième et ultime quart de la rencontre et au moment où son club est mené 104 à 102, Dort reçoit une passe de son coéquipier Shai Gilgeous-Alexander. Il faut dire que le Montréalais avait les mains chaudes, lui qui jouait le meilleur match de sa jeune carrière avec une récolte de 30 points. Lui donner le ballon dans ce contexte semblait donc logique.
Or, son tir de trois points est bloqué par la vedette James Harden. Dort récupère immédiatement le ballon et décide de le jeter sur son adversaire, qui décide de sauter pour ne pas y toucher. Le précieux objet sort des limites du terrain et le Thunder perd le match, étant subséquemment éliminé des séries.
«Ça m’a aidé à grandir, ça m’en a fait apprendre plus à propos de la game, a-t-il confié en entrevue. Là, maintenant, avec l’expérience que j’ai eue durant les séries, c’est une erreur que je n’aurais pas refaite. Des expériences comme ça qui arrivent jeune, c’est bon pour un athlète.»
«C’était une année difficile. Dans la bulle, il y avait beaucoup de hauts et de bas. C’est un moment que je n’ai jamais oublié», a poursuivi le joueur de 26 ans.
Un peu moins de cinq ans plus tard, Dort fait partie intégrante du sacre du Thunder en finale de la NBA contre les Pacers de l’Indiana, et il ne boudera certainement pas son plaisir.
«Je me sens vraiment bien, c’est irréel quand j’y pense. Je suis vraiment content, ça prend beaucoup pour arriver à ce point-là et de gagner un championnat.»
«[Après avoir gagné le championnat], j’ai pensé à tout. J’ai pensé à tout le travail fait quand j’étais jeune jusqu’à ce que j’arrive dans la NBA.»
Sacrifices
Des épreuves, Dort en a affronté plusieurs depuis sa jeunesse. Il a quitté le cocon familial à l’adolescence pour partir aux États-Unis, afin de se rapprocher de son rêve.
«Dans mon temps, tu avais toujours une meilleure chance de percer au basketball en jouant aux États-Unis, a-t-il expliqué. C’est ce qui a fait en sorte que j’ai quitté quand même tôt, puisque j'avais le soutien de ma famille.»
C’est donc seul que l’arrière du Thunder a entrepris cette aventure. Néanmoins, il a pu compter sur sa famille, à distance, afin de passer à travers plusieurs moments de solitude.
«La culture américaine est différente de ce que je connaissais, a déclaré Dort. J’ai beaucoup de frères et sœurs, j’ai grandi dans une maison où il y avait beaucoup de personnes.»

«Quand je suis allé [aux États-Unis], j’étais un petit peu seul. J’avais des coéquipiers qui venaient d’un petit peu partout, mais c’était seulement des coéquipiers. J’essayais de m’adapter. Je suis vraiment proche avec ma famille et quand j’étais là-bas, je les appelais chaque soir. Ça m’aidait à rester motivé.»
Et même si les 30 formations de la NBA ont décidé de lever le nez sur Dort à son année de repêchage, celui-ci n'a pas abandonné et a finalement reçu un appel du Thunder. Le reste appartient au passé.
«C’est juste un obstacle, a-t-il dit. Il y a des hauts et des bas dans une carrière. Je pensais que j’allais être repêché, mais ça ne s'est pas passé. J’étais vraiment content que le Thunder m'ait donné une opportunité et de pouvoir démontrer que j’avais ma place dans la NBA.»
Soutien
Ayant grandi à Montréal-Nord avec des parents originaires d’Haïti, Dort a été très heureux de voir sa communauté se rassembler autour de lui à mesure que les séries éliminatoires avançaient.
«Ce qui m’a vraiment impressionné, c’est l'appui de notre communauté, a-t-il clamé. Ils avaient [des soirées de visionnage, les jours de match], ils étaient contents que j’aie gagné. On est vraiment fier de l’impact qu’on a eu dans notre communauté et d’avoir représenté Montréal-Nord et tous les Haïtiens qui nous supportaient.»
Comme le hasard fait parfois bien les choses, Dort a affronté un autre joueur de Montréal-Nord en finale: l’arrière des Pacers Bennedict Mathurin. Si les deux étaient rivaux sur le parquet, ça n’a en aucun cas entaché l’amitié qu’ils ont formée au fil du temps.
«Moi et Ben [Mathurin], on se parle souvent, a affirmé Dort. Je suis un de ses fans et lui aussi, c’est l’un de mes fans. Durant la saison, on communique beaucoup.»
«On a eu une bonne conversation avant que la finale commence, mais pas trop pendant. Cela étant, on s’est parlé un petit peu, et il est vraiment content pour moi. Je suis content pour la saison qu’il a eue aussi.»
En parlant d’impact, celui qui a représenté le Canada aux plus récents Jeux olympiques espère que son histoire pourra inspirer plusieurs jeunes d’ici, mais il rappelle toutefois qu’il est important d’avoir un bon cercle autour de soi.
«Ce n’est jamais facile d’arriver dans la NBA. Mais ça ouvre les yeux, d’être capable de devenir professionnel. Le fait de voir ce que je fais, c’est sûr, ça donne de la motivation aux jeunes.»