C’est parti de Sarajevo... et de Québec


Réjean Tremblay
Maxence Parrot est déjà célèbre dans le lucratif monde des X Games. J’espère juste qu’il a un excellent agent pour négocier avec les grandes compagnies les millions qu’il mérite de toucher.
Si Myriam Bédard et sa carabine valaient 500 000 $ pour Paul Tellier et le Canadien National, alors Parrot qui pratique un sport de jeunes pour les jeunes, mérite 10 fois plus. Minimum, dirait Michel Barrette.
Cancer battu et médaille d’or aux Olympiques, beau bonhomme et bon fils, ouvrez le coffre-fort, c’est le bon moment.
Tous ces sports spectaculaires font grincer les dents aux puristes comme mon ami Éric Hoziel qui ne jurent que par le ski de fond et le patinage longue piste, mais les Jeux olympiques d’hiver sont devenus la scène des sports modernes qui font carburer les réseaux de télévision.
LA PEUR
Je remercie le ciel de ne pas me faire gratter la gorge à Beijing. Mes confrères, par peur des wokes, ne disent pas et n’écrivent pas tout ce qu’ils vivent. Faut avoir l’air cool pour éviter d’enflammer les réseaux sociaux, mais plusieurs de ceux avec qui j’ai jasé, des vétérans des Jeux que j’ai connus à Moscou, à Lillehammer ou à Sotchi, peinent à garder le moral. Au pas camarades et fermez vos gueules ! Après le Q-tip évidemment.
Mais le spectacle à la télé demeure fascinant. Voir la joie de Kim Boutin et de Maxence Parrot, voir l’aplomb de Justine Dufour-Lapointe devant la catastrophe, entendre pleurer Marianne St-Gelais au lieu d’écouter ses analyses, font oublier que tout ça est un décor de carton et de neige artificielle.
Et on oublie surtout que plusieurs de ces sports qui passionnent la planète hiver sont nés à Sarajevo... et à Québec.
LE DOC JEAN GRENIER
Quand Gaétan Boucher a fait capoter le pays avec ses deux médailles d’or à Sarajevo, les Olympiques d’hiver duraient une douzaine de jours. Boucher avait battu le géant soviétique Serguei Khlebnikov en plein air. Sous une neige fine qu’il fallait nettoyer aux 15 minutes.
Mais ça avait été la fin ou presque des médailles pour ces Jeux. Et plusieurs autres. Comme d’autres, j’avais consacré des heures et des heures à Gaétan Boucher et sa gloire. Chez Gaj, la pizzéria à Sarajevo, ou dans les grands hôtels réservés par les dignitaires canadiens.
Mais il s’était passé quelque chose d’important dans un bureau mal meublé de la délégation canadienne.
Le doc Jean Grenier, vice-président de la fédération de patinage de vitesse du Canada, m’avait parlé de son rêve d’établir le patinage courte piste comme sport olympique. Ses enfants pratiquaient ce sport casse-cou à Québec et les télévisions commençaient à en mesurer le potentiel.
L’avenir passait par ce sport rugueux où stratégie, courage et vitesse s’entremêlent. Il avait des plans, des projets.
Et puis, c’était un sport accessible aux athlètes. Des patinoires et des arénas, il y en a partout sur la planète. Alors que des anneaux de glace, c’est une autre histoire.
ET À LAC-BEAUPORT
Le courte piste a été admis en démonstration à Calgary et comme sport officiel aux Jeux d’Albertville. Nathalie Lambert était de l’aventure. Deux ans plus tard à Lillehammer, Isabelle Charest l’accompagnait, la voilà responsable des Sports à Québec.
Et le patinage courte piste est devenu presque un sport national en Corée, en Chine, en Scandinavie, et Kim Boutin a fait pleurer les Québécois avec sa médaille de bronze.
Un autre sport olympique a littéralement été créé à Lac-Beauport, près de Québec. Les frères Laroche, ces casse-gueule de génie ont fini par imposer le ski acrobatique à la planète hiver et aux Jeux olympiques. Juste le ballet à ski qui ne s’est pas imposé. Avec raison. Bien sûr, les puristes ne jurent que par le ski alpin à l’européenne et le ski nordique, mais les jeunes ont vite compris que s’éclater dans les airs ou les bosses était moins compliqué et plus fou que d’emballer des sacs d’épicerie pour se payer une paire de skis à 1000 $. Ça nous a donné Jean-Luc Brassard, Alexandre Bilodeau et Mikaël Kingsbury. Sans parler des sœurs Dufour-Lapointe.
Et aussi de formidables athlètes européens et asiatiques qui ont donné au ski acrobatique ses lettres de noblesse.
LE FUN À REGARDER
Le docteur Jean Grenier et les frères Laroche devraient avoir leurs statues à côté de celle de Régis Labeaume dans la Vieille Capitale. Ce sont eux qui sont à l’origine de la révolution dans les sports d’hiver. Moins purs, moins figés dans les règles que les sports plus traditionnels, mais sacramant plus le fun à regarder !
L’excellence de Gaétan Boucher
Plus que n’importe quels Jeux d’hiver, les Olympiques de Beijing sont un spectacle de télévision.
Même si on doit jongler entre les événements en direct et les rediffusions, même si les grands détenteurs de droits n’ont pas le même accès que d’habitude aux athlètes, le spectacle peut souvent être captivant. Et émouvant.
Le jargon de certains analystes est indigne d’une télévision d’État, mais René Lecavalier et Jean-Maurice Bailly n’ont pas encore été canonisés.
Celui qui m’impressionne le plus, c’est Gaétan Boucher. Puisque j’étais sur place les décennies passées, je n’avais jamais pu apprécier autant le travail d’analyste de Boucher.
Le patinage longue piste peut être fastidieux à suivre. C’est un sport très technique et ça prend un œil très averti pour détecter la moindre erreur dans le mouvement causé par la fatigue ou l’acide lactique envahissant les muscles. Gaétan ne rate jamais rien.
Marianne St-Gelais, elle, c’est différent. Une boule d’émotions. Mais, normal, c’est une fille de Saint-Félicien. Une fille du Lac.