«C’est mort, c’est noir»: elle parcourt l'Abitibi en pick up pour secourir des animaux

Mathieu Carbasse
Depuis quelques jours, un ange gardien sillonne la réserve faunique La Vérendrye à la recherche d'animaux blessés ou à bout de force.
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C’est une histoire qui se passe au Québec, aux portes de l’Abitibi, mais qui pourrait bien inspirer les scénaristes de la Pat’Patrouille.
Depuis lundi matin, Christine Carrière, une Gatinoise de 44 ans, tente de venir en aide aux animaux sauvages touchés de plein fouet par les feux monstres qui embrasent la province.
Responsable du refuge Les Mal-aimés à Gatineau, elle veut porter secours aux oubliés de la catastrophe.
Depuis son arrivée dans la réserve faunique La Vérendrye, elle confirme l’étendue des dévastations et le sentiment de désolation qui règne sur place.
«Je n’ai jamais vu ça, jamais.»

«Les animaux sont partis. Il ne reste rien», confie celle qui a passé les deux derniers jours à rouler dans le bois, notamment dans le coin tristement célèbre de Clova.

«Je n’ai vu aucun lièvre, aucun chevreuil. Pas un seul oiseau, rien. Je pensais qu’ils allaient sortir un peu plus, mais il n’y a plus de vie. C’est mort, c’est noir, mon cœur est brisé. Les seules choses qui restent, c’est des brûlots et des mouches à chevreuil», se désole-t-elle.
«Ils sont où les animaux? Ils ont fui, mais ils sont où? Ça va prendre du temps avant de revoir un écureuil dans le Parc de La Vérendrye.»
Depuis bientôt 20 ans, Christine Carrière a l’habitude d’héberger chez elle, à Gatineau, des lièvres, des ratons laveurs, des moufettes ou encore des écureuils. Elle est leur ange gardien.
L’an dernier, elle a ainsi volé au secours de 107 animaux, en majorité des animaux sauvages, mais aussi des chatons.
«Dès qu’un animal est dans le besoin, j’y vais», s’enthousiasme-t-elle.
Elle est donc venue dans le bois dans son auto personnelle remplie de médicaments et de matériel de premiers soins. Son conjoint l’accompagne avec son pick up.
Des animaux soignés sur place
«On ne transporte pas les animaux, on les soigne directement sur place, pour qu’ils puissent repartir», explique-t-elle.
Selon Christine Carrière, les animaux sont les premières victimes des incendies. Et les pertes pourraient être très importantes pour notre écosystème.
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«Les écureuils, par exemple, sont des animaux très très fragiles. Leurs poumons notamment sont très sensibles.»
«Chez les ratons laveurs, la maman n’abandonne pas ses bébés. Sauf que là, elle ne peut pas fuir avec cinq ou six bébés dans la bouche. Elle doit en abandonner. L’orignal est un animal qui stresse beaucoup. Alors il va se mettre à courir, jusqu’à ce qu’il tombe mort de fatigue...», explique encore Mme Carrière.

Ce ne sont que des exemples qui attendent de nombreux animaux dans les zones touchées par les feux de forêt des derniers jours.
«La plupart des animaux meurent de la fumée ou de leurs blessures, avant de mourir brûlés», résume-t-elle, fataliste face à l’ampleur de la catastrophe.
Seul avec son cuisto
Côté logistique, Christine Carrière a pu compter sur l’aide de Claude Pinard, le propriétaire de l’Auberge Le Pensive située à une heure et demie au nord de Mont-Laurier dans la ZEC Petawaga.
Alors que le premier feu est situé à 22 km de son auberge, l’homme de 44 ans originaire de Saint-Jérôme refuse de quitter les lieux. Il en profite pour donner un coup de main à Christine, en plus de lui offrir l’hébergement.

«Je suis le point central pour tout le monde. J’ai le téléphone et internet. Je n’ai pas le choix de rester, confie-t-il. On reste tant qu’on peut encore respirer.»
Malgré l’avis d’évacuation, il tient à tenir le fort. Seul, avec le cuisinier de l’auberge.
Zéro subvention
Pour financer ses opérations, Christine Carrière mise sur ses économies et sur la solidarité de chacun.
«Je suis en mode bénévole, je ne bénéficie de zéro subvention. Je peux vous dire que ça en fait des nuits blanches!», plaisante l’amoureuse des animaux sauvages.
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«Sauver un raton me coûte environ 500$ pour le lait (la formule), les croquettes, les fruits et légumes.... Mais ma plus belle paye, c’est la journée de la relâche ou lorsque des bébés râtons s’émerveillent devant une mouche», explique-t-elle encore.
«Chaque animal sur Terre a quelque chose à apporter, plus que l’être humain. Quand tu vois ce dont sont capables les humains, tu ne vois pas les animaux faire ça. Je crois que je préfère les animaux aux humains.»
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