«C’est comme être largué sur une autre planète»: voici comment cette femme a trouvé l’équilibre entre son autisme et son amour des humains
Elle a vécu des périodes sombres avant d’obtenir son diagnostic à 38 ans

Dominique Scali
Plonger les mains dans la terre, manger un sandwich avant d'aller au lit, apprécier la beauté du monde: des Québécois ont trouvé leur bonheur dans une panoplie de petites et grandes choses. Voici une série de témoignages pour vous inspirer.
Faire son lit chaque matin, prendre un bain pour recharger ses batteries d’«extra-terrestre», apprécier la beauté du chiffre 4. Le bonheur est dans les petites choses, explique une femme qui peut enfin être elle-même après avoir passé 38 ans sans savoir qu’elle était autiste.
«L’erreur qu’on fait, c’est de penser que le bonheur est un joueur de cachettes [...] On le cherche, on le cherche. Mais il est dans toutes les petites choses à côté de nous», dit Mélissa Perron, 44 ans.
Elle nous accueille dans sa maison lumineuse de Saint-Bruno-de-Montarville, qu’elle partage avec son conjoint et sa fille autiste de 11 ans, où elle travaille comme dessinatrice et romancière.
À quoi ressemble le bonheur quand on est autiste?
«C’est un spectre», rappelle-t-elle. Il existe donc autant de définitions que de personnes.
Par exemple, elle aime les câlins, alors que sa fille n’aime pas être touchée. Une de ses amies autistes adore voyager, tandis qu’elle tient à sa routine quotidienne.
«Un lit bien fait, ça, c’est un bonheur!», s’exclame-t-elle.

Vive le jeudi
Du plus loin qu’elle se souvienne, elle a eu l’impression d’être une «extra-terrestre», raconte-t-elle dans son roman illustré Femme caméléon.
Pour elle, les chiffres et les jours de la semaine ont des couleurs et des personnalités. Par exemple, le chiffre 4 l’apaise. «C’est comme une bonne amie.»
Elle adore le jeudi, un jour associé au turquoise et qui évoque un «gratte-ciel sans toit». Tout le contraire du mercredi, plutôt mesquin.
Quand elle a appris que les autres ne faisaient pas ce genre de liens, elle s’est dit: «C’est donc bien plate dans [leur] tête!»
Mais derrière cette créativité, elle a longtemps vécu une grande détresse, au point d’être incapable de terminer son secondaire et de dépendre de l’aide sociale.
Dès l’adolescence, on lui a prescrit des antidépresseurs. Elle a enchaîné les faux diagnostics (anxiété, bipolarité).
Paradoxe
À 38 ans, elle a vécu une «deuxième naissance». En s’impliquant dans une campagne de la fondation Véro & Louis, elle est tombée sur les critères que présentent les femmes autistes. Elle s’est reconnue et a enfin été diagnostiquée.
Comprendre sa différence, c’est là que se cachait la clé de son bonheur.
«C’est une question de survie [...] C’est comme être largué sur une autre planète où tu ressembles à tout le monde, mais tu ne te reconnais dans personne. L’humain a tellement besoin d’appartenir...»
«Je vais toujours être fâchée d’avoir perdu toutes ces années-là.»
Comme beaucoup de filles autistes douées, elle était passée sous le radar.
«J’adore les gens. Je vous aime, je vous étudie», lance-t-elle.
Mais pendant les interactions, son cerveau roule à pleine vitesse.
«J’ai comme une machine en moi qui dit : “Fais ça, fais ça.”» Le «mode d’emploi» relationnel qui est instinctif pour la plupart ne lui est jamais naturel.
Elle a donc besoin de s’isoler pour recharger ses batteries. Idéalement, immergée dans l’eau d’un bain.En même temps, elle a souvent besoin de compagnie.
«C’est un grand paradoxe.»