Cerfs de Longueuil et du Japon


Mario Dumont
Deuxième partage de réflexions sur mon passage au Japon. Pendant quelques jours, nous sommes sortis des grandes villes pour séjourner à Hakone, une petite station touristique en montagne, pas très loin du célèbre mont Fuji.
Quelle ne fut pas ma surprise, dans un musée de mise en valeur de la nature, de constater qu’une salle entière était consacrée à la surpopulation de cerfs! Il s’agit, selon les présentations, d’un problème écologique majeur de cette région.
Pas de cachettes, pas de malaise, juste un portrait scientifique, factuel et rationnel sur le problème. Ce qui se passe est clair: l’activité humaine a conduit à la disparition de la plupart des prédateurs du cerf (le cerf de Sika au Japon). La nature faisant son œuvre, les cerfs se sont reproduits allègrement et sont devenus beaucoup trop nombreux.
Cette surpopulation extrême devient une menace pour l’équilibre écologique, pour la végétation, pour la régénération des forêts, pour les activités agricoles et même pour la sécurité sur la route.
Expliquer
La présentation muséale explique comment les autorités locales de cette région du Japon ont pris les mesures pour contrôler la population de cerfs dans une approche écologique responsable. Cela inclut une chasse accrue.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec ce qui se passe chez nous. Plusieurs régions du Québec se retrouvent depuis quelques années maintenant en forte surpopulation de cerfs de Virginie. Nous avons beau vivre à deux bouts de la planète, les raisons ayant conduit à la surpopulation sont exactement les mêmes. Les conséquences aussi sont assez exactement semblables.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
La différence semble plutôt être la réaction, alors qu’au Japon, on semble réagir rationnellement, c’est-à-dire constater scientifiquement le problème, mesurer les dommages pour ensuite prendre les mesures.
Surtout, j’admire la maturité d’étaler dans un musée les tenants et les aboutissants entourant la gestion du cheptel de cerfs. Nous sommes à des années-lumière de ce qui s’est passé à Longueuil.
Le cas Longueuil
Devant un constat en tous points semblable au parc Michel-Chartrand de Longueuil, les biologistes québécois concluent à la nécessité de réduire rapidement la population de chevreuils. L’équilibre écologique était totalement rompu. Au fil du temps, on a dit que ce parc abritait cinq fois, huit fois, dix fois plus de cerfs que sa capacité le permet.
L’impact se fait ressentir sur la végétation, sur le voisinage. S’en suit une discussion hautement émotive. Le conseil municipal est menacé. Des citoyens émus par le sort des cerfs commencent par nier la réalité. Ensuite, on manifeste, on accable le conseil municipal pendant des mois. L’affaire se rend ensuite devant les tribunaux où sont brûlés des milliers de dollars des contribuables. À l’extrême de ce mouvement, la mairesse finit par être menacée. Il faut la placer sous protection policière pour un moment.
Je pose aujourd’hui la question: serions-nous assez matures pour présenter dans un musée de la Rive-Sud une exposition scientifique sur le problème de la surpopulation des chevreuils? Je l’espère sans être certain.