Publicité
L'article provient de TVA Sports
Sports

«Cela m’a déprimé» –Harald Reinbacher

Partager
Photo portrait de Anthony Martineau

Anthony Martineau

2024-03-29T04:00:00Z
2024-03-29T13:04:01Z
Partager

«Montréal est l’endroit le plus fou au monde en termes de passion pour le hockey. Mais il y a des choses qui se disent et d’autres non. Les gens auraient préféré un attaquant à David? D’accord! C’est leur droit. Ça fait partie du jeu et c’est légal. Mais entendre ou lire des gens associer David ou sa sélection à la Deuxième Guerre mondiale, c’est très difficile. Cela m’a déprimé, pour être honnête.»

Plus de neuf mois se sont écoulés depuis la sélection de David Reinbacher par le Canadien, mais certaines blessures sont toujours vives dans le cœur de son papa, Harald.

Si les récents et prometteurs débuts du jeune défenseur avec le Rocket de Laval ont déclenché une immense vague d’amour à l’endroit du joueur, la famille Reinbacher a aussi connu l’envers de la médaille en juin dernier.

Alors que plusieurs partisans du Canadien auraient souhaité voir le club repêcher un attaquant, certains d’entre eux, en réaction à la sélection de l’arrière droitier, y sont allés de commentaires odieux et complètement déplacés sur les réseaux sociaux. Des commentaires allant bien au-delà du hockey qui ont été publiés à répétition pendant de nombreuses semaines... et qui ont été vus par la famille du patineur autrichien.

Publicité

«Les gens ne connaissaient même pas David, à ce moment, rappelle Harald Reinbacher dans le cadre d’une généreuse entrevue avec le TVASports.ca. Et ils se permettent ce genre de commentaires? C’est un garçon humble, gentil. David n’était même pas né, à ce moment. Son grand-père a pris part à la guerre et n’en a jamais parlé avec lui. Lire ça, c’était terrible. Je ne comprends toujours pas pourquoi ces stupides commentaires ont été publiés. Si tu es assez intelligent, tu ne feras jamais ça.»

«Le pire, dans tout ça, c’est que ces gens-là n’auraient jamais le courage de te dire ça en face, poursuit l’homme de 51 ans. Mais ils peuvent dire ce qu’ils veulent derrière leur clavier, car peu importe les mots qu’ils écrivent, ils n’ont pas la moindre conséquence. Je t’avoue que je me tiens très loin de tout ça, maintenant. C’est difficile.»

Heureusement, Harald Reinbacher sait faire la part des choses. Après cette sortie en règle contre les pirates du web et leurs publications dignes de poubelles industrielles, le paternel prend soin d’ajouter qu’il sait pertinemment que Montréal compte sur des partisans qui sont en très grande majorité bien intentionnés.

«En Suisse, à peu près personne ne nous reconnaît. Au Québec, et je l’ai vécu en septembre, il nous est tout simplement impossible de sortir prendre un café sans qu’on se fasse demander un autographe. Les gens sont majoritairement très gentils. Les gens semblent de plus en plus heureux de la sélection de David. Cela apaise mon cœur.»

Publicité

«J’ai bondi de mon divan!»

Il y a une semaine, David Reinbacher effectuait ses débuts officiels en Amérique du Nord via un premier match dans la Ligue américaine de hockey. Le match, disputé à Belleville, débutait à 19h, heure de l’Est. Il était donc 1h du matin en Suisse, là où habitent toujours les parents de David.

Mais Harald n’allait certainement pas se servir de ce prétexte pour manquer cette partie.

«J’avais fait une bonne sieste avant, alors j’étais frais comme une rose pour la partie [rires]. J’ai regardé ça via le web avec plusieurs collations.»

Laissant paraître une belle transparence, papa Reinbacher avoue avoir eu quelques doutes, avant la partie.

«Honnêtement, je me demandais beaucoup comment il allait gérer le décalage horaire. C’est sûr que j’étais un peu nerveux. Il est arrivé le lundi, mais tout s’est fait tellement rapidement! Ce n’est pas facile pour le corps. Aussi, comment allait-il ajuster son jeu à la réalité nord-américaine? Mais quand j’ai vu ses deux ou trois premières présences, j’ai su qu’il allait être OK. Je voyais dans son non verbal qu’il se sentait très confiant. Après quelques bonnes entrées et sorties de zone de sa part, ma nervosité est partie.»

Et, en milieu de troisième, l’euphorie s’est invitée.

Publicité

Laissant parler son instinct et ses aptitudes, David Reinbacher, via une entrée de zone effectuée avec dextérité et vitesse, a gagné l’enclave adverse, puis a déjoué le gardien des Senators d’un tir vif. Ce but créait alors l’égalité 2-2, ouvrant la porte à une éventuelle victoire du Rocket quelques minutes plus tard.

«J’ai bondi de mon divan! J’étais tellement heureux pour lui. La feinte qu’il a faite en entrée de zone m’a rappelé certaines séquences de son passage chez l’équipe U20 de Kloten [il avait récolté 22 points, dont neuf buts en 23 matchs cette année-là]. Plusieurs ont qualifié David de “strictement défensif”, mais cela vous a démontré ce qu’il pouvait faire s’il avait la confiance de son entraîneur.»

«Si tu as le malheur d’essayer quelque chose d’intuitif, on te coupe ton temps de glace»

À quelques reprises pendant l’entrevue de près d’une heure, Harald Reinbacher ramène sur la glace le concept de «confiance des entraîneurs». Deux fois, il parle de «hockey book [livre de hockey] imposé». Il ne faut pas être devin pour comprendre qu’il souhaite passer un message.

Cette saison, le HC Kloten, où évoluait David Reinbacher, a vu passer pas moins de trois instructeurs: Gerry Fleming, Larry Mitchell et Stefan Mair. Offensivement, le défenseur n’a pas particulièrement brillé, se contentant d’un seul but et de 11 points en 35 matchs.

Lorsqu’on demande à Harald Reinbacher de nous expliquer ce qu’il veut dire par «hockey book imposé», il déballe enfin son sac.

«En Europe, il y a certains entraîneurs qui t’imposent un livre de jeux, qui te dictent des consignes vraiment strictes. Par exemple, un défenseur ne doit pas appuyer l’attaque. Il doit se limiter à son territoire. Ce genre de choses. Et si tu as le malheur d’essayer quelque chose d’instinctif, on te coupe ton temps de glace, surtout si tu es jeune. J’espère vraiment qu’on ne lui imposera pas ce genre de limites à Laval ou à Montréal.»

Publicité
Martin Meienberger
Martin Meienberger

L’occasion est trop belle (et l’évidence un peu trop grande) pour ne pas le relancer en le questionnant sur la cible de ses commentaires. Est-ce Kloten?

«J’ai toujours dit à mon fils que ce qui se passait dans le vestiaire restait dans le vestiaire, alors nous n’avons pas parlé de ça spécifiquement. Kloten a eu ces entraîneurs et c’est la vie. La direction a pris ses décisions. À la fin de la saison, l’équipe doit répondre elle-même de ses actes et expliquer au public pourquoi la saison ne s’est pas bien déroulée. Ultimement, les joueurs ne font que ce que les entraîneurs demandent. C’est vraiment tout ce que je peux me permettre de te dire.»

Lire entre les lignes est une expression très à propos, ici. Les paroles du père n’expliquent peut-être pas tout, mais elles présentent assurément la faible production offensive de Reinbacher sous une nouvelle et intéressante facette. 

Le père de l’espoir du CH a cependant tenu à préciser qu’il avait énormément de respect pour Jeff Tomlinson, qui a occupé les fonctions d’entraîneur à Kloten en 2022-2023.

«Jeff a été un entraîneur incroyable pour David. S’il y avait plus d’entraîneurs comme lui, il y aurait beaucoup plus de patineurs qui perceraient et qui feraient du hockey leur boulot.»

Derrière lépaisse et mystérieuse carapace de David Reinbacher

David Reinbacher est un jeune homme difficile à cerner, de nature réservée. Sa grande humilité (il a cette tendance à refuser de se vendre, à donner tout le crédit de ses succès aux autres) peut au départ être confondue avec un manque de confiance, d’assurance.

Publicité

Mais une discussion avec son père nous permet de vraiment saisir à quel type de personne nous avons droit.

Si l’humilité et la bonté de Reinbacher sont vraiment à un autre niveau, son père assure qu’il a aussi en lui le côté «méchant» pour rivaliser avec les hommes de la LNH, là où presque tous les coups sont permis.

Le jeune espoir, jure son père, ne fait que choisir ses moments.

«Il y a une très grosse rivalité en Suisse entre Kloten et Zurich. Les joueurs veulent vraiment gagner ces duels. L’an passé, en octobre, les deux équipes se retrouvaient pour une première fois en quatre ans, alors que Kloten venait tout juste de revenir en première division. C’était une grosse, grosse affaire au pays. L’aréna était plein à craquer.

«En milieu de deuxième, les choses stagnaient. C’était 0-0. Et David a jugé que le moment était bien choisi pour allumer un feu [rires]. Il a rejeté la rondelle en zone offensive sur le gardien adverse puis est foncé à toute vitesse vers lui. À la dernière seconde, il a légèrement bifurqué vers sa droite, mais il a quand même “pris soin” d’effleurer le gardien. Il savait très bien ce qu’il faisait [rires]! Ça a déclenché une bonne mêlée.

«Il y a eu des combats et tout le monde voulait s’en prendre à David. Mon fils a été puni, mais le vent a complètement tourné après cette séquence. Kloten s’est mis à jouer avec beaucoup d’émotion et a rapidement pris l’ascendant sur Zurich, pour finalement l’emporter 2-1. Tu ne verras pas ça souvent de la part de David, mais quand il sent que son équipe a besoin d’un électro-choc, il sait ce qu’il a à faire et il en est capable. Il fait tout pour son équipe.»

Publicité

«Chez nous, ç’a toujours été la consigne»

«Tout faire pour son équipe». L’idée, insiste Harald, s’applique aussi dans la gestion des risques offensifs de son fils. Il est vrai que David n’est pas un abonné aux faits saillants, mais il faut encore une fois se tourner vers les valeurs et l’éducation du jeune homme pour bien saisir son profil.

«Ce n’est pas parce qu’il n’en est pas capable que David ne tente pas 10 montées à l’emporte-pièce par match. C’est parce qu’il joue avec sa tête et surtout... il joue pour l’équipe en premier, insiste notre interlocuteur. Il évalue le niveau de risque avant chaque décision et refuse de mettre ses coéquipiers dans le trouble. Il sait quand prendre une décision audacieuse.»

Photo Martin Chevalier
Photo Martin Chevalier

«Chez nous, ç’a toujours été la consigne. Depuis que mes enfants sont tous petits, je leur répète que même s’ils n’ont pas de buts ou de points, ils ont eu un rôle majeur sur un match s’ils ont pris chaque décision en fonction de l’équipe. Et honnêtement, je pense vraiment que l’intelligence hockey de David et la façon dont il gère les risques constituent certains des principaux motifs de sa sélection par Montréal.»

Le paternel enchaîne ensuite avec une question qui mérite d’être étudiée.

«Je le répète, mais David fera juste ce qu’il faut pour aider le Canadien à gagner des matchs. À quoi bon marquer 20 buts par année si ton équipe perd tout le temps?»

«Dans quelques années, vous direz que le Canadien a fait le bon choix»

Harald Reinbacher, qui a lui-même évolué comme défenseur en Autriche il y a plusieurs années, tient avant la fin de l’entretien à y aller de deux messages.

D’abord, sur le futur de son fils. Selon lui, David aura besoin d’«une à trois saisons» avant de se sentir à l’aise à 100%.

«J’ai lu qu’il était le prochain Josi, le prochain Dobson, le prochain qui vous voulez. Mais David fera son propre chemin. Dans quelques années, du haut de la galerie de presse, vous pourrez dire: “il est David Reinbacher et le Canadien a fait un bon choix en optant pour lui”.»

Et aux sceptiques qui n’ont toujours pas accepté la sélection de Reinbacher?

«Les gens doivent faire confiance à l’équipe de direction en place. Écoute, il y a une raison pour laquelle ce sont ces gens-là qui ont l’emploi! Ils savent pertinemment ce qu’ils font. Ils ont un plan. C’est la Ligue nationale de hockey!»

Publicité
Publicité