«La vie peut être sûre ici»: ce travailleur mexicain veut rester au Québec
Il craint de devoir laisser son emploi payant ici à cause des nouvelles règles fédérales


Francis Halin
Un aide-manutentionnaire mexicain qui gagne 70 000$ à coups d’heures supplémentaires chez Transport Bourassa se croise les doigts et espère pouvoir rester ici.
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«La vie peut être sûre ici. Au Mexique, il y a des coins plus durs», souffle Leonardo Flores Espinosa, de l’entrepôt de Transport Bourassa, à Saint-Jean-sur-Richelieu.
«Ici, tous les gens que je croise me saluent. Ils sont très aimables», ajoute l'homme amoureux du Québec.
Dans ses mains, il tient la photo de sa maison et de sa voiture au Mexique. Depuis deux ans, il envoie une partie de l’argent à sa femme et ses enfants toujours là-bas.
Mais son rêve québécois s’ennuage.
Le mois passé, son employeur a dû renvoyer deux travailleurs étrangers temporaires (TET), comme lui, faute de pouvoir renouveler leur permis de travail.
Au total, une quarantaine à la manutention et à la mécanique risquent de devoir sauter dans l’avion.
Pas des voleurs de jobs
Pourquoi? Transport Bourassa n’a plus le droit de renouveler leur permis de travail.
Depuis septembre dernier, Ottawa a gelé les demandes là où il y a un taux de chômage de plus de 6%.
En théorie, Transport Bourassa est épargnée parce que le taux de chômage dans son coin est de 5%.
Le problème, c’est que le fédéral la considère dans la région de Montréal, même si elle est à 40 km de la métropole.
Résultat, elle n’a plus le droit d’avoir de travailleurs étrangers.
«Aucun de mes travailleurs mexicains ne vole des jobs aux Québécois», dénonce Julie Brault, vice-présidente entreposage de l’entreprise familiale de 584 employés.

«Ces 43 travailleurs-là sont allés 11 fois à une consultation médicale. Ils ont rapporté plus de 500 000$ en impôts», soupire-t-elle.
«Va falloir faire des mises à pied et refuser des contrats», craint celle qui a lancé avec d’autres l’Alliance pour la main-d’œuvre étrangère.
«C’est injuste pour Saint-Jean-sur-Richelieu. On se ramasse avec Montréal. Ça fait mal, cette mesure-là», se désole Mathieu Jeanneau, président du conseil d’administration de NexDev Développement économique Haut-Richelieu.
«Une mesure extraordinaire»
Au cabinet du ministre québécois de l’Immigration, Jean-François Roberge, on rappelle que c’est le fédéral qui a mis en place les règles sur le chômage.
«Le gouvernement du Québec demande au gouvernement fédéral d’appliquer une réduction du nombre de résidents non permanents dans les programmes sous sa responsabilité, en priorité à Montréal et à Laval», indique Émilie Vézina au ministère.
De son côté, Emploi et Développement social Canada (EDSC) martèle que le programme est «une mesure extraordinaire».
«Les employeurs au Canada ont la responsabilité d’investir dans l’ensemble des travailleurs disponibles au pays, comme les jeunes, les nouveaux arrivants et les personnes en situation de handicap», souligne la porte-parole d’EDSC, Liana Brault.
Elle n’exclut cependant pas qu'Ottawa puisse «apporter d’autres ajustements au programme, au besoin».
La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) exigera d'urgence mardi un moratoire sur les restrictions imposées.
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