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L'article provient de Le Journal de Québec
Justice et faits divers

Plaidant le «blackout» total, l'accusé se dit «désolé» de ne pas pouvoir expliquer le meurtre

Martin Lévesque s'est dit désolé de ne pas pouvoir offrir plus de réponses à la famille de la victime Patricia Sirois

Photo fournie par le tribunal
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Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2023-05-23T18:08:03Z
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Évoquant des regrets pour la première fois depuis l’ouverture de son procès pour meurtre, Martin Lévesque a affirmé mardi se demander «chaque jour qui passe» ce qui est arrivé le soir de la mort de Patricia Sirois. «Je suis tellement désolé», a-t-il lancé à la famille de la victime, insistant ne se souvenir d’absolument rien.

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«J’essaie de m’en souvenir tous les jours.[...] De pouvoir parler à la famille et leur expliquer ce qui est arrivé. Je ne le sais pas, je ne sais pas quoi leur dire. Je suis tellement désolé», a témoigné Martin Lévesque mardi.

Capture d'écran fournie par le tribunal
Capture d'écran fournie par le tribunal

À ce moment précis, envahie par l’émotion, la mère de Patricia Sirois a rapidement quitté la salle, retenant ses larmes.

«Je ne te pardonnerai jamais», a-t-elle envoyé à Lévesque, les dents serrées.

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Questionné par son avocat sur les heures précédant le drame, Martin Lévesque a répété systématiquement qu’il n’avait aucun souvenir de ce qui s’était passé. Entre le moment où il a bu un verre de vin «en avant-midi» le 10 septembre et son souvenir suivant qui vient durant son interrogatoire de police, c’est le noir total plaide-t-il.

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«J’ai beau faire des efforts pour m’en souvenir, je ne me souviens pas des événements. J’aimerais ça pouvoir l’expliquer à la famille, mais je ne suis pas capable», a-t-il réitéré en fin d’interrogatoire.

«Pas logique»

Mais Martin Lévesque se souvient des mois précédents la mort tragique de Patricia Sirois.

Inquiet par des tentatives d’introduction par effraction et un incendie inexpliqué sur son terrain, Martin Lévesque s’est plongé dans une spirale d’hypervigilance dans l’année qui a mené au meurtre de sa voisine.

«Ce n’est pas logique ce que je faisais», a reconnu avec le recul l’ancien militaire qui est accusé de meurtre au deuxième degré. 

Lévesque a été jusqu’à se confectionner une «position défensive» dans sa propre maison. Habitué de se couvrir des tirs ennemis en Afghanistan, le voilà qui était prêt à se barricader derrière des sacs de sable et de litière dans sa chambre à coucher. 

Fournie par le tribunal
Fournie par le tribunal

«Avec du recul, il n’y a rien qui marche. Ce n’est pas logique pantoute», a reconnu l’accusé, disant ne pas comprendre pourquoi il a aussi disséminé son arsenal d’armes à feu chargées à la grandeur de la maison, notamment deux fusils d’assaut et deux armes de poing dans sa chambre.

Mine antipersonnelle maison

Pourquoi autant d’armes lui a demandé son avocat Me Pierre Gagnon.

Photo fournie par le tribunal
Photo fournie par le tribunal

«Au cas où la menace serait plus grande que je le pensais, mais c’est complètement illogique. Il n’y a rien qui marche.»

Photo fournie par le tribunal
Photo fournie par le tribunal

Cette peur était telle selon Martin Lévesque qu’il a même commencé à confectionner des «pièges maisons» qu’il envisageait de disperser sur son terrain. Les policiers ont notamment saisi chez lui un dispositif à relâchement qui permettait de tirer une balle de calibre .12 lorsque quelqu’un accrochait le fil qui y était relié.

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Photo fournie par le tribunal
Photo fournie par le tribunal

Les enquêteurs ont également retrouvé ce que l’accusé a décrit comme une «mine antipersonnelle de fabrication artisanale». Il s’agit d’une planche de bois sur laquelle sont collées des cartouches de calibre .12. Des vis sur l’opposé du panneau agissent comme percuteur pour déclencher l’explosion des cartouches lorsqu’on y met le pied.

«Ça peut faire des blessures au pied. Ça peut arracher», a dit Martin Lévesque, qui essayait d’ailleurs de dormir le jour pour faire des patrouilles de sécurité la nuit. 

Il avait également installé «4 ou 5 spots de 300 watts» pour éclairer son terrain et avait grillagé des fenêtres de son sous-sol.

Fournie par le tribunal
Fournie par le tribunal

«Je pense que j’étais trop malade pour m’en rendre compte. Je ne me rends pas compte que ça ne va pas», a-t-il admis au jury.

Tassé par l’armée

Avant d’en arriver là, Martin Lévesque a témoigné de sa difficile mission après le tremblement de terre en Haïti en 2010 et de sa sortie amère des Forces armées canadiennes en 2017. Ingénieur de combat déployé en théâtre d’opérations à plusieurs reprises dans sa carrière, le militaire s’est fait «caser» dans un poste de surveillance d’entrepôt en fin de carrière en raison de ses suivis thérapeutiques en santé mentale a-t-il expliqué.

« L’explication, c’est que je n’étais pas ‘’fit’’, je ne répondais plus aux normes physiques et mentales de l’armée», a indiqué l’accusé.

Photo fournie par le tribunal
Photo fournie par le tribunal

Après sa libération, il s’adonne à l’apiculture, rencontre d’autres vétérans dans des ateliers de confection de mouches pour la pêche au saumon et continue ses suivis psychologiques. Des activités de bénévolat lui permettent aussi de rencontrer des gens, ce qui lui fait du bien dira-t-il.

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Or, quand la pandémie frappe à l’hiver 2020, tout s’arrête, à l’exception de ses suivis avec son psychiatre et sa psychologue qui se poursuivent, mais de façon plus espacée.

«Je trouvais ça difficile d’arrêter, de trouver autre chose à faire. J’étais souvent à la maison, je ne sortais pas beaucoup. [...] Je commençais à aller mieux, je rencontrais des gens et là, je m’isolais», a expliqué Martin Lévesque, qui s’est retrouvé la plupart du temps enfermé à la maison avec sa conjointe, Guylaine Laflamme.

Cette dernière avait d’ailleurs un problème d’alcool a reconnu Martin Lévesque.

«Sur le coup je ne le voyais pas, mais je constate que oui, elle aurait eu besoin d’aide à ce moment-là.»

Contre-interrogatoire jeudi

L’interrogatoire de Martin Lévesque s’est terminé en fin d’après-midi mardi. 

Son contre-interrogatoire par le procureur de la couronne Me Matthieu Rochette aura lieu jeudi, après quoi il restera deux derniers témoins à la défense, dont le psychiatre expert Gilles Chamberland. Suivra ensuite le témoignage du Dr Sylvain Faucher, psychiatre expert en poursuite.

L’homme a reconnu avoir tiré sur Patricia Sirois, mais il plaide la non-responsabilité criminelle en raison des impacts sur son état mental de son trouble de stress post-traumatique, liés à ses déploiments en théâtre de guerre.

 

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