«Ce n’est pas facile de se trouver un emploi d’été»: l’étau se resserre pour les jeunes
Le taux de chômage des jeunes à la recherche d’un emploi d’été est en hausse depuis deux ans
Francis Halin et Mathieu Boulay
Fini le temps où les employeurs devaient se fendre en quatre pour attirer des travailleurs étudiants qui les laissaient tomber pour aller gagner un dollar de plus l’heure de l’autre côté de la rue.
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«Les parents ne doivent pas penser que leurs enfants sont paresseux. Ce n’est pas facile de se trouver un emploi d’été», souffle Isabelle Morin, directrice adjointe du Carrefour Jeunesse Emploi Rousillon, à Delson, en Montérégie.
Chaque année, son organisme aide les 14 ans à 18 ans à acquérir une première expérience de travail avec un programme de Desjardins, mais cet été, c’est la folie.
«On a 20 postes dans ce programme. On a eu 193 inscriptions. Disons que l’on en a beaucoup de déçus», résume-t-elle.
Pourquoi est-ce difficile de trouver un emploi d’été?
«Les personnes veulent garder leur travail parce qu’ils ont peur de ne plus en avoir s’ils quittent», pense Louis-Jacob Richard, 20 ans, emballeur chez Metro depuis trois ans.

Laurier St-Germain, 16 ans, qui termine sa cinquième secondaire, raconte que l'été dernier, il n'a pas pu trouver d'emploi. Il a toutefois réussi cette année.
«Ça a été vraiment dur. J'ai été dans plusieurs coins, mais j'ai trouvé. Je fais de la tonte de gazon», explique-t-il.

«C’est plus difficile»
À l’Institut du Québec, la directrice générale, Emna Braham, sent le vent virer.
«C’est plus difficile. Le taux de chômage des jeunes qui retournent à l’école l’automne prochain est de 13% au Québec, alors qu’il était de 9% l’an dernier» et encore plus bas en 2023, observe-t-elle.
D’après elle, les entreprises se souviennent d’avoir manqué de bras lors des pénuries de main-d’œuvre. Elles ne veulent pas revivre cette situation, donc elles font tout pour garder leur monde et finissent par moins embaucher qu’avant.
«Il y a eu un ralentissement de la consommation. Ça a touché la restauration et le détail où les jeunes ont des emplois d’été. Il y a aussi une augmentation importante du bassin de travailleurs avec l’immigration temporaire», analyse Mme Braham.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Isabelle Perron, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
«Tout le monde veut des jobs»
À McMasterville, sur le bord de la 116, Dave Pelletier, proprio de la cantine La Fringale, montre au Journal une photo de l’horaire de travail de cette semaine.
Sur ses 25 employés, une dizaine sont des étudiants.
«Chaque année, les jeunes reviennent. J’ai en même temps beaucoup plus de CV qu’avant. Ils repassent en plus, une fois, deux fois, trois fois. Ils refont le tour», dit-il.
«Avant, c’était le contraire. C’était épouvantable. On cherchait. On cherchait. On lançait des lignes à l’eau pour aller recruter ailleurs», lance-t-il.

À côté de lui, son fils qui prend la relève, Shawn, 21 ans, abonde dans le même sens.
«Je n’ai jamais vu ça, des CV qui rentrent comme ça. C’est incroyable. J’en reçois chaque jour. Tout le monde veut travailler», partage-t-il.
«Boum! Ça part. Tout le monde veut des jobs», laisse-t-il tomber.

Sa blonde Selena Prévost, 21 ans, qui travaille à la crèmerie du commerce, hoche de la tête.
«La vie coûte tellement cher. Ça change la donne. Ça stresse les jeunes, donc ils veulent travailler autant qu’ils le peuvent», conclut-elle.
Il cherche un emploi depuis deux ans

Un jeune de 18 ans n’arrive pas à dénicher un boulot étudiant malgré deux années de recherche.
«J’essaye, mais ça ne donne rien», confie Samuel Gosselin, qui reçoit, depuis peu, le soutien du Carrefour Jeunesse Emploi Rousillon.
«J’ai laissé des CV dans la majorité des marchés alimentaires. Est-ce que c’est l’âge? Est-ce que c’est l’expérience de travail?» se demande le jeune homme de Saint-Constant.
Plus de 100 CV reçus

Un centre agro-touristique de Laval a été enseveli de curriculum vitae au printemps. Cependant, beaucoup d’appelés, peu d’élus.
«On a seulement embauché six personnes alors qu’on a reçu une centaine de curriculum vitae, explique la gérante de la boutique de la Ferme Marineau, Audrey Marineau. Si on a peu embauché, c’est que nous avons beaucoup d’anciens qui sont de retour cette année.»
Au total, entre 40 et 60 étudiants travaillent dans les installations de cette famille bien connue dans la région.
«On a une bonne rétention d’employés parce qu’on les paye au-dessus du salaire minimum. Nous faisons également des soirées spéciales pour eux. L’ambiance est bonne.»
Deux retours sur 90 CV envoyés

Un étudiant en sciences s’est tourné vers le tutorat pour gagner des sous après avoir vu à quel point il était dur de décrocher un emploi d’été.
«J'ai dû envoyer facilement 90 CV. Il y en a 10 qui m'ont répondu et huit ne m’ont pas donné de nouvelles», raconte Xavier Vollant, 19 ans, rencontré à la Place Désormeaux, sur le chemin de Chambly, à Longueuil.
«J'ai essayé de postuler dans des restos et ça se voit que ça commence à devenir dur», ajoute celui qui cherche encore.
Heureusement pour lui, il s’en tire mieux que d’autres financièrement dans sa famille. Mais Xavier Vollant voit à quel point cela peut être dur pour ceux qui en arrachent.
Capacité d'embauche limitée

Un centre du jardin de Laval a reçu une cinquantaine de curriculum pour pourvoir une quinzaine de postes saisonniers.
«On ne peut pas tous les embaucher, indique le propriétaire des Jardins Zeillinger, Éric Zeillinger. Je fonctionne parfois par référence avec des clients que je connais bien.
«On a beaucoup de jeunes qui sont de retour de l’an dernier. Ce sont eux qui ont la priorité pour les heures.»
Le début de la saison a commencé en dents de scie en raison de la météo plus froide et plus maussade. L’achalandage a été moins important au mois de mai, mais l'entrepreneur a constaté une remontée dans les dernières semaines.
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