Ce marchand montréalais absorbe les hausses de prix de certains aliments pour éviter de refiler la facture aux clients
Marie-Laurence Delainey
Avec la flambée des prix en épicerie, qui risquent de continuer d’augmenter avec les tarifs, un propriétaire de marché d’alimentation montréalais souhaite absorber la hausse de prix de certains produits touchés par l’inflation pour éviter de refiler la facture à ses clients.
«Quand c’est trop cher, on prend moins de profits pour aider la clientèle», résume Tony Loupessis, copropriétaire et fondateur du Marché Royal.
Son frère, qui est copropriétaire, et lui ont pris la décision depuis l’annonce des tarifs de réduire la marge bénéficiaire sur certains aliments afin de permettre aux consommateurs de souffler un peu mieux devant une facture d’épicerie toujours plus élevée.
Au Marché Royal, les fraises du Québec arriveront seulement en milieu de semaine. Les fraises américaines sont par exemple affichées cette semaine à 2,99$. Si les patrons avaient appliqué la marge de profit habituelle sur les fruits et légumes, qui est environ de 40%, elles auraient pu être vendues 5,99$. «On va absorber le coût pour aider ma clientèle, qui est très fidèle», dit-il.

La stratégie est la même pour les bleuets cette semaine. «Si je fais mon 40% de d’habitude, mes bleuets devraient être 7,99$, je trouve ça un peu trop cher pour ma clientèle, alors on va les laisser à 5,99$», explique-t-il.
Ouvert depuis 1987 dans la Petite Italie, le Marché Royal est un exemple de ce qu’on appelle un «commerce de proximité». M. Loupessis appelle plusieurs de ses clients par leur prénom. Une majorité dit évidemment aimer les efforts du marchand dans un contexte où les prix risquent encore plus d’augmenter en raison des tarifs.
«Je viens très souvent, c’est mon marché habituel. C’est super gentil [ce qu’ils décident de faire], c’est pour ça qu’on aime ça nos marchés locaux», explique un client rencontré sur place.
Un représentant de fabricant de grignotines pour différents commerces, dont le Marché Royal, admet que ce type d’initiative est rare. «J’en ai plusieurs clients, et ce n’est pas tout le monde qui ferait ça. C’est généreux de sa part», souligne Guy Desrosiers, qui cumule plus d’une trentaine d’années dans le secteur de l’alimentation.
Moins de latitude chez les grandes bannières
M. Loupessis admet avoir plus de latitude que les grandes bannières comme Loblaw, Sobeys et Metro. «Notre avantage est qu’on est une épicerie indépendante, c’est nous qui décidons, on n’a pas une corporation par-dessus nos têtes qui nous dit quoi faire», dit-il.
Cette semaine, d’autres marchés d’alimentation, comme Maxi et Super C, proposent aussi des rabais sur les fraises des États-Unis, qui se vendent à moins de deux dollars le casseau.
Le spécialiste de l’industrie agroalimentaire à l’Université Dalhousie Sylvain Charlebois précise que les épiceries ont une marge de manœuvre, mais qu’elle est limitée. Chez «un indépendant sous la bannière IGA, par exemple, 8% à 10% des produits que tu vois, c’est le gérant de l’endroit qui a décidé de [les] vendre. C’est juste 8% à 10%. Le reste, c’est vraiment décidé par les bannières. On offre une flexibilité, mais ce n’est pas tant que ça», dit-il.