Ce dépanneur montréalais où vous pouvez acheter du lait, des bonbons ou même... pousser la note au karaoké
Le karaoké est gratuit et aucun achat n’est obligatoire au dépanneur AJ+ sur le Plateau


Louis-Philippe Messier
À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Un populaire dépanneur de la rue Saint-Laurent ne ressemble pas à un Couche-Tard et ne se contente pas de vendre du lait, de la bière et des cigarettes. Son secret pour attirer les gens? Offrir un espace pour... du karaoké.
Sur le trottoir devant le dépanneur AJ+ du boulevard Saint-Laurent, entre l’avenue des Pins et la rue Roy, une affiche l’annonce fièrement: «Dépanneur-épicerie-vin-bière-karaoké».
Quand j’entre, je trouve Jimmy Louis en train de pousser la chansonnette avec deux clientes, tandis que son petit frère John, à la caisse, fait payer des gens venus faire leurs commissions.

Le dépanneur des frères Louis a un an et assume sa vocation supplémentaire de karaoké depuis six mois.
«Je ne voulais pas que les gens se sentent dans un commerce impersonnel, je voulais qu’ils soient comme des invités et qu’ils n’aient pas peur de me demander de faire jouer leur musique», m’explique l’aîné, qui a 35 ans.
«Le karaoké s’est imposé parce que ça met de l’ambiance et que ça attire beaucoup de gens qui nous entendent en passant sur le trottoir», ajoute M. Louis.

Le karaoké est gratuit. On se présente aux proprios et on programme sa chanson, ce n’est pas plus compliqué que ça. Pas besoin d’acheter.
«On fait ça parce que c’est agréable pour les clients comme pour nous, et parce que ça met tout le monde de bonne humeur», confie John Louis, 28 ans.

Il y a jusqu’à quatre micros disponibles.
«Depuis qu’on a découvert ce dépanneur, mes amies et moi, on se tient ici avant et après nos sorties sur la rue Saint-Laurent», m’explique Kelly-Jo Charland, 20 ans, de Saint-Jean-sur-Richelieu.
«Quand ma fille me disait qu’elle se tenait dans un dépanneur à Montréal, je trouvais ça bizarre... mais maintenant, je comprends!», avoue sa mère, Julie Castonguay, 56 ans, qui visite l’endroit pour la première fois.
«Je suis adepte du karaoké et j’en ai visité des dizaines, mais là, dans un dépanneur, c’est la première fois!», s’exclame Mme Castonguay qui, en duo avec sa fille Kelly-Jo, a chanté Gangsta Paradise, de Coolio.

«Je suis l’hôtesse en chef du club d’à côté et je viens ici pour décompresser avant et après mes quarts de travail», me raconte Matisse Therrien, 23 ans, une habituée que je trouve en train de chanter TV, de Billie Eillish.
«Beaucoup de clients à la sortie des bars viennent relaxer avant de rentrer chez eux», ajoute Mme Therrien.

«Si tu viens ici à 3 h dans la nuit de samedi à dimanche, c’est paqueté de monde», se réjouit Jimmy Louis.
À la fin de mon reportage, j’invite l’actrice Inès Talbi, aperçue par hasard sur le trottoir, à découvrir cette adresse dont elle est la voisine:
«Je ne savais pas que ça existait, mais c’est une idée géniale: l’endroit est noté dans mon existence!», s’enthousiasme l’artiste qui a chanté Voyage, voyage... chanson de Desireless qui n’a pas voulu me sortir de la tête pendant les 72 h suivantes.