Cartes de crédit: des taux d'intérêt scandaleux


Michel Girard
Alors que la Banque du Canada permet à nos grandes institutions bancaires de se financer au jour le jour à 0,25 %, ces dernières continuent de facturer de 19 % à 22 % d’intérêt à leurs clients détenteurs de cartes de crédit.
On parle ici de taux d’intérêt de 76 à 88 fois plus élevés que le taux directeur de la Banque du Canada. C’est scandaleusement injustifiable de la part de nos géants bancaires.
Depuis le déclenchement de la pandémie, en mars 2020, la Banque du Canada maintient son taux directeur à 0,25 %, lequel a radicalement chuté par rapport à celui de 1,75 % en vigueur juste avant la crise sanitaire. Une baisse de 1,5 point de pourcentage sur un taux de 1,75 %, c’est énorme !
C’est donc dire que ledit taux directeur, à savoir le taux d’intérêt auquel les principales institutions financières se prêtent des fonds pour une durée d’un jour, a été réduit par la Banque du Canada à presque zéro.
Pendant ce temps-là, qu’ont fait les émetteurs de cartes de crédit ?
EXCEPTION
Les grands émetteurs, comme les grandes banques canadiennes et Desjardins, ont notamment permis à leurs clients en difficultés financières à cause de la COVID-19 de reporter le paiement de leurs soldes, tout en réduisant temporairement leur taux d’intérêt.
Bravo au milieu bancaire pour cet empathique geste envers des clients étouffés par les dettes.
MAIS...
Les mesures exceptionnelles ne visaient pas la masse des détenteurs de cartes de crédit. Nos grandes institutions bancaires ont continué de facturer pour la plupart des cartes de crédit autour de 19 % d’intérêt sur le solde lié aux achats et de 22 % sur les avances de fonds.
En maintenant depuis 16 mois son taux directeur au niveau du plancher, la Banque du Canada veut forcer les institutions bancaires à accorder à leurs clients des prêts à des taux d’intérêt raisonnables en période de crise.
Cet assouplissement de la politique monétaire canadienne a essentiellement pour but de permettre au pays de retrouver une solide croissance économique après la catastrophique fermeture de plusieurs secteurs économiques qui a sévi lors des quatre premiers mois de la pandémie, soit de mars à juin 2020.
Ce n’est sûrement pas en continuant de siphonner les détenteurs de cartes de crédit avec des taux d’intérêt de 19 à 22 % que les institutions bancaires vont aider leurs clients aux prises avec des soldes impayés à assainir leurs finances personnelles.
GRASSEMENT PAYANT
Pour tenter de justifier les taux d’intérêt élevés sur les cartes de crédit, les influenceurs du monde bancaire évoquent le fait que 70 % des détenteurs évitent les frais d’intérêt en payant chaque fin de mois la totalité de leurs soldes.
Le milieu bancaire reste toutefois discret sur les frais annuels tirés à même la panoplie de cartes de crédit émises avec frais auprès de ces mêmes 70 % de détenteurs qui esquivent les onéreux frais d’intérêt. Il reste également discret sur les frais encaissés sur les transactions auprès des marchands.
Cela dit, les analystes Doug Young et Rocken Wong, de Desjardins Capital Markets, n’ont pas peur, eux, d’affirmer que les cartes de crédit représentent « une activité lucrative » pour les banques canadiennes.
Selon l’estimation de Young et Wong, les cartes de crédit ont rapporté en 2019 aux six grandes banques canadiennes un revenu global de 15,4 milliards de dollars, dont :
- Banque Nationale : 407 millions $
- Banque de Montréal : 1,32 milliard $
- Banque CIBC : 1,73 milliard $
- Banque Scotia : 2,76 milliards $
- Banque Royale : 3,1 milliards $
- Banque TD : 6,1 milliards $
En plus d’être un marché « très rentable » pour les banques canadiennes, les cartes de crédit offrent d’indéniables atouts.
Au-delà de l’impact financier, affirment les analystes de Desjardins, les cartes de crédit « sont liées à d’importants programmes de fidélité bancaires et fournissent de nombreuses données utiles » aux institutions bancaires.
Raison de plus, selon moi, pour que les banques réduisent substantiellement leurs taux sur les cartes de crédit.