Carapace japonaise, cœur canadien
Bruno Marcotte entraîne notamment le couple formé de Riku Miura et Ryuichi Kihara


François-David Rouleau
PÉKIN | Sous son manteau aux couleurs vives du Japon, Bruno Marcotte porte les vêtements signatures du Canada. À n’en point douter, l’instructeur québécois ne renie pas ses racines, même s’il entraîne les patineurs Riku Miura et Ryuichi Kihara.
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Pour la petite histoire, il gère aussi la paire canadienne formée de Kirsten Moore-Towers et Michael Marinaro dans la même épreuve en couple.
Il ne peut donc pas représenter deux comités olympiques différents. C’est pourquoi sa carapace est peinte aux couleurs distinctives orangées du Japon. Ce n’est pas inhabituel, dit-il, car les entraîneurs indépendants travaillent avec les athlètes, et non les fédérations. C’est surtout la façon de travailler en patinage en couple.
Ce n’est pas la première fois qu’il se présente aux JO avec des athlètes performant sous des couleurs différentes. Aux Jeux de 2018, il s’était surtout fait connaître pour son travail derrière la prestation des patineurs nord-coréens. Dans le contexte, ses protégés avaient attiré l’attention.
D’ailleurs, l’ancien patineur est fier d’être reconnu aux quatre coins du globe, entre autres en Asie.
« Il y a une riche histoire de patinage au Japon, mais pas tout à fait en couple. Le succès de Riku et Ryuichi retient beaucoup d’attention au pays. C’est un grand défi. »
Depuis 10 ans
Marcotte suit de près les prouesses de ses Japonais, un couple prometteur. Tissant des liens avec la fédération japonaise depuis plus d’une décennie, il a fait la connaissance de Riku et Ryuichi en 2011 dans l’un des séminaires annuels qu’il tenait au pays du Soleil levant. Mais les deux ne patinaient pas ensemble à l’époque.
Riku faisait la paire avec un autre garçon.
« Ils n’étaient pas pires », lance l’entraîneur d’un ton farceur.
La jeune fille s’est améliorée, notamment en venant patiner en Ontario quelques fois par année. Pendant ce temps, Ruyichi, lui, s’est installé au Canada.
Mais en 2019, Riku a fait seule le voyage jusqu’en banlieue de Toronto. Avant de partir, elle avait brisé son couple en raison de conflits internes.
Le hasard a bien fait les choses lors de son entraînement avec Marcotte à l’aréna d’Oakville. Ryuichi était là.
Les deux Japonais ont donc commencé à patiner ensemble. Depuis, ils sont inséparables.
Double réussite
« Dès le début, ils ont formé un beau p’tit couple, souffle le mari de Meagan Duhamel, une ex-médaillée olympique. On est parti de la base. Tout ce que nous souhaitions, c’était une qualification à ces Jeux. Ensuite, nous voulions aider le Japon à gagner une médaille dans l’épreuve par équipe. C’étaient nos deux objectifs. »
Eh bien, ils les ont accomplis ! Ils se sont bien qualifiés et ils ont gagné le bronze, pour l’instant, au concours par équipe. On souligne pour l’instant, car le Comité olympique russe pourrait ne jamais recevoir la médaille d’or dans la foulée du scandale de dopage entourant la jeune Kamila Valieva.
Un miracle sur glace ?
Puis, vendredi, au programme court en couple, ils ont pris le huitième rang. À cette épreuve, ils mettent surtout l’emphase sur leurs performances personnelles. Si tout tombe en place, ils pourraient mériter la quatrième, cinquième ou sixième place, samedi matin.
« Un podium serait l’objectif rêvé. Ce serait un miracle sur glace », précise Marcotte, faisant référence à l’improbable victoire des Américains sur les Soviétiques dans le tournoi olympique de hockey masculin de 1980.
En observant leur progression, Riku et Ryuichi seront à surveiller en Italie dans quatre ans.