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L'article provient de Bureau d'enquête

Campagne de Pablo Rodriguez: des enveloppes de 500$ comptant pour rembourser une vingtaine de donateurs

Le chef libéral affirme ne pas être au courant de ces 10 000$ en contributions potentiellement illégales

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Jean-Louis Fortin, Annabelle Blais, Félix Séguin et Dominique Cambron-Goulet

2025-12-16T09:00:00Z
2025-12-16T11:27:52Z
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Une vingtaine de donateurs à la campagne de Pablo Rodriguez pour la chefferie du Parti libéral du Québec ont reçu des enveloppes de 500$ comptant pour rembourser leur contribution, lors d’une soirée de financement tenue en avril dernier.

• À lire aussi: Crise au PLQ: des militants cherchent déjà un sauveur pour remplacer Pablo Rodriguez

Notre Bureau d’enquête a mis au jour des événements troublants qui se sont déroulés lors d’un événement partisan dans une résidence privée de Montréal, auquel assistait M. Rodriguez.

L’organisateur de l’événement est un homme d’affaires fortuné à qui nous avons promis l’anonymat et qui a accepté de revenir sur le déroulement de la soirée.

Certains des invités, explique-t-il, n’avaient pas les moyens de faire un don de 500$ (le maximum permis par la loi) pour la campagne de M. Rodriguez. L’homme d’affaires a donc décidé qu’ils recevraient une enveloppe bourrée de billets en échange de leur contribution.

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Notre démarche journalistique, qui a débuté il y a plus d’une semaine, s’appuie notamment sur les témoignages de personnes qui ont orchestré et exécuté le stratagème, sur les confidences de témoins dont nous avons vérifié l’identité ainsi que sur l’analyse de documents.

Lorsque nous lui avons demandé combien de personnes avaient touché 500$ comptant, l'organisateur nous a répondu: «Peut-être deux ou trois. Peut-être quatre au maximum, c’est tout».

«Une vingtaine» d’enveloppes

Une autre personne, qui était très bien au courant des détails de la remise de l’argent comptant, assure plutôt qu’«une vingtaine» d’enveloppes ont été distribuées lors de cet événement de financement. D'autres sources corroborent cette version.

Le déroulement de cette soirée remet donc en question la légalité de près de 10 000$ amassés par l’équipe de celui qui est devenu chef du Parti libéral du Québec (PLQ).

Les personnes devaient prouver qu'elles avaient déjà donné à la campagne de M. Rodriguez, ou faire un don sur place, précise cette source. Ensuite, elles recevaient leur enveloppe.

Cette personne a vu que les enveloppes contenaient toutes la somme de 500$. Elle a elle-même reçu ce remboursement, ainsi que la personne qui l'accompagnait.

«Je pensais que tout était fait dans les normes, mais avec le recul je me rends compte que non», soupire celle à qui nous avons également promis l’anonymat.

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Évidemment, la Loi électorale québécoise interdit de servir de prête-nom pour donner à un candidat, et cela comprend les courses à la chefferie. «Toute contribution doit être versée par l’électeur lui-même et à même ses propres biens. Une contribution doit être faite volontairement, sans compensation ni contrepartie, et elle ne peut faire l’objet d’un quelconque remboursement», précise la loi.

Seul un couple à qui on a proposé des enveloppes les a refusées, selon un témoin.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Alexandre Dubé, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

L’UPAC enquête

Selon nos informations, cette soirée de financement intéresse l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dans le cadre de l’enquête criminelle qu’elle a ouverte récemment en lien avec la course à la chefferie de M. Rodriguez.

L’organisateur de la soirée est catégorique: même si Pablo Rodriguez assistait à la soirée en compagnie de sa femme, l’initiative des enveloppes ne vient pas du chef libéral.

«Ce n’est pas Pablo qui m’a demandé ça. Ce n’est pas lui. Lui, il ne m’a jamais rien demandé. C’est moi qui a voulu faire ça, personnellement. Je suis chez nous, j’ai le droit de faire ce que je veux», a-t-il déclaré.

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D’ailleurs, alors que les révélations embarrassantes s’accumulent depuis un mois en lien avec sa campagne à la chefferie (voir ci-contre), Pablo Rodriguez a toujours nié avoir eu connaissance de quelque malversation que ce soit.

Pablo pas au courant

Estomaqué par nos découvertes, le responsable des communications de Pablo Rodriguez lors de sa campagne à la chefferie, Jacques Martineau, assure que le chef libéral n’a pas été témoin d’échanges d’enveloppes.

«On n’a jamais eu de système ou de façon de faire qui est croche, qui n’est pas légitime», souligne-t-il.

Pablo Rodriguez est le candidat qui a récolté le plus de dons lors de la dernière course à la chefferie du PLQ, soit 322 000$ auprès de 835 donateurs.

Nouvelle version de l’organisateur en soirée

En début de soirée lundi, l’avocat de l’organisateur de la soirée de financement nous a écrit pour déclarer ceci:

«Le fait d’avancer des sommes à une personne qui vous rembourse ultérieurement n’est pas illégal».

«[Mon client] l’a fait et il assume pleinement sa décision de l’avoir fait. Il n’a pas eu besoin d’en parler à qui que ce soit, y compris M. Rodriguez et son entourage.»

L’avocat laisse ainsi entendre que son client aurait été remboursé pour l’argent versé aux participants de la soirée. Lors de notre entrevue initiale avec l’homme d’affaires, celui-ci n’avait jamais évoqué avoir reçu des remboursements.

Bien que l’avocat identifie son client dans sa déclaration, nous maintenons notre engagement auprès de ce dernier à conserver son anonymat.

Il doit se dénoncer sans délai
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Plus tard en soirée, le porte-parole de la campagne de M. Rodriguez, Jacques Martineau, nous a aussi contacté pour faire une précision. Il affirme que le clan Rodriguez a demandé à l’organisateur de se dénoncer à Élections Québec sans délai.

Sinon, dit-il, c’est le clan Rodriguez lui-même qui appellera les autorités.

«Si on a connaissance de quelqu’un d’autre qui aurait fait quelque chose de non-conforme, on va le dénoncer aux autorités», a déclaré M. Martineau.


Vous avez des informations en lien avec la campagne à la chefferie de Pablo Rodriguez? Écrivez-moi en toute confidentialité au jean-louis.fortin@quebecormedia.com

Une série de révélations troublantes

19 novembre

Notre Bureau d’enquête révèle qu’Élections Québec s’intéresse à des textos échangés au printemps dernier entre deux personnes qui travaillaient activement à l’élection de Pablo Rodriguez. Ces textos laissent entendre que des sympathisants ont été payés en échange de leur vote. «They get a browni for voting», lit-on dans un extrait qui laisse entendre que des billets de 100$ auraient été distribués. «Il faut encore payer pour que le monde vote Pablo», écrit aussi une des personnes qui participe à l’échange.

26 novembre

Le quotidien La Presse révèle qu’une discussion entre la députée de l’Assemblée nationale Marwah Rizqy et le député libéral fédéral Fayçal El-Khoury intéresse Élections Québec «en raison d’un lien possible avec la campagne à la direction de Pablo Rodriguez». On apprend aussi que M. El-Khoury avait un certificat de solliciteur du PLQ. Depuis, Marwah Rizqy a fait des dénonciations à l’UPAC, dont on ignore la teneur pour l’instant. Elle a été expulsée du caucus libéral le 2 décembre.

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2 décembre

Notre Bureau d’enquête révèle qu’un entrepreneur a donné 500$ à la campagne de Pablo Rodriguez, en juin, à la demande d’un homme d’affaires et ami qui lui avait fait miroiter des faveurs en retour. «Espérons qu’il entre [au gouvernement]. Si ça se produit, on va faire entrer ta compagnie au gouvernement aussi», promettait cet homme d’affaires dans un texto.

8 décembre

Notre Bureau d’enquête révèle qu’Élections Québec cherche à comprendre pourquoi presque tous les employés liés au Parti libéral du Canada qui ont aidé Pablo Rodriguez dans sa campagne à la chefferie du PLQ ont reçu 1000$. L’équipe de campagne explique le lendemain avoir fait les paiements aux bénévoles les plus impliqués, car elle avait amassé trop d’argent.

11 décembre

Le Devoir et Radio-Canada révèlent que le local de campagne de Pablo Rodriguez se trouvait dans un bureau appartenant à son épouse. La location a coûté près de 20 000$. Même si la pratique n’est pas illégale, M. Rodriguez a reconnu le lendemain que la situation paraissait mal. «Est-ce que c’était une erreur? Absolument, et je l’assume», a-t-il affirmé.

Les quatre enquêtes en cours

PLQ

Le juge à la retraite Jacques R. Fournier mène actuellement une enquête commandée par le Parti libéral du Québec sur les allégations de paiements en échange de votes. Il doit remettre son rapport à la fin janvier.

Élections Québec

L’organisme chargé de surveiller le bon déroulement des scrutins au Québec enquête sur une série d’allégations en lien avec la campagne de M. Rodriguez.

Commissaire à l’éthique

Début décembre, la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, cherche à savoir si la députée de Chomedey, Sona Lakhoyan Olivier, a utilisé les ressources de l’État à des fins partisanes. L’élue a été exclue du Parti libéral le temps de l’enquête.

UPAC

La semaine dernière, l’Unité permanente anticorruption a confirmé avoir ouvert une enquête criminelle sur le PLQ. La députée Marwah Rizqy a notamment été rencontrée. Sa directrice de bureau de circonscription, Isabelle Lord, l’a aussi été, a rapporté La Presse samedi.

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