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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Cachez ce criminel que je ne saurais voir!

Photo Agence QMI, GUY MARTEL
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Photo portrait de Maria Mourani

Maria Mourani

2025-05-08T04:00:00Z
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Du plus loin que je me souvienne, les prisons n’ont jamais été la priorité des gouvernements, pour la simple et bonne raison que la population n’en a rien à cirer.

Dans l’échelle des priorités, nous avons l’économie, la santé, l’éducation, la sécurité, la culture et, au bout de la chaîne, les prisons.

Même s’ils relèvent d’un portefeuille majeur comme celui de la Sécurité publique et qu’ils devraient offrir un cadre favorable à la réadaptation, les établissements carcéraux présentent une réalité bien différente: violence persistante, trafics en tous genres, toxicomanie, bâtiments désuets, manque de programmes de réinsertion et de personnel ainsi qu’invisibilisation des femmes détenues.

C’est l’usure prévisible d’un système qu’on laisse se détériorer sans véritable mise à niveau. Une situation qui rappelle celle de certains hôpitaux et écoles du Québec.

Cependant, cette situation existe depuis belle lurette et transcende les gouvernements.

Il est vrai qu’on observe quelques petits changements depuis les 10 dernières années.

Les incarcérés utilisent maintenant des drones plutôt que des mules ou des flèches. Les plus jeunes ne se soumettent plus aux règles informelles de respect établies par les groupes criminels traditionnels.

Un changement de la culture carcérale serait en émergence.

Une goutte d’eau dans un océan de besoins

Il serait inexact de prétendre que le gouvernement actuel reste les bras croisés face au chaos qui règne dans les prisons.

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Il agit, mais comme ses prédécesseurs: en urgence, en réaction, à coups de rustines.

En octobre 2023, Québec a annoncé un investissement de 35,8 M$ sur cinq ans pour renforcer la sécurité de ses 18 établissements carcéraux.

Depuis mars, des saisies d’objets de contrebande d’une valeur institutionnelle estimée à plus de 2,7 M$ ont eu lieu dans différentes prisons.

Le problème avec cette logique de colmatage, c’est qu’elle entretient un état d’urgence permanent, où la réhabilitation est reléguée au second plan.

Or, une sécurité publique durable passe inévitablement par la réinsertion des personnes incarcérées.

La prison, l’université du crime?

On entend souvent que la prison est l’«université du crime», où les incarcérés perfectionnent leurs méthodes et élargissent leur réseau pour en ressortir plus dangereux qu’à leur entrée.

Une litanie ancrée dans la pensée populaire qui bloque le changement.

Il en va de même pour d’autres refrains tout aussi tenaces: qu’il y a toujours eu de la drogue et des armes en prison ou qu’il serait inutile d’offrir des programmes de réinsertion à des détenus purgeant de courtes peines, et j’en passe.

Cette dernière, je l’ai entendue dès ma première journée de bénévolat à l’établissement de détention de Montréal.

Bien que réelles, ces croyances limitantes sont les rouages d’une programmation qui bloque l’innovation, étouffe les initiatives et nourrit une forme d’immobilisme dans le système carcéral québécois. De véritables barrières mentales!

Ajoutez à cela l’indifférence ou la méconnaissance du grand public, et vous obtenez un système qui tourne en rond, incapable de se réinventer.

Transformer les prisons en véritables espaces de changement, c’est faisable – à condition d’en faire une priorité réelle, soutenue par une vision à long terme, sur au moins 30 ans.

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