Ça suffit, la tyrannie de Google et Meta


Michel Girard
Depuis l’invasion des géants du web dans les foyers canadiens, l’industrie canadienne de l’information en arrache royalement. Et les médias canadiens en ont plein le casque de voir ces géants des plateformes électroniques s’enrichir sur leur dos en utilisant gratuitement leur contenu.
La situation est grave. À preuve, selon le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez :
- 451 organes de presse ont fermé leurs portes depuis 2008 ;
- Le tiers des emplois en journalisme canadien ont disparu depuis 2010 ;
- Des milliards de dollars publicitaires ont migré des sources d’information traditionnelles vers les plateformes des géants du web.
À titre d’exemple, sur les revenus de la publicité en ligne de 9,7 milliards de dollars en 2020, les plateformes de Google (Alphabet) et de Meta (Facebook, Instagram) ont accaparé à elles seules 80 % des recettes publicitaires.
« C’est une part incroyable de puissance sur le marché », affirme le ministre Rodriguez.
Pour aider nos médias à sauver leur peau, le gouvernement Trudeau a finalement adopté le projet de loi C-18 (la Loi sur les nouvelles en ligne), lequel vise à forcer les géants de la technologie à indemniser les médias canadiens lorsqu’ils réutilisent leur contenu d’information.
« Nous voulons nous assurer, explique Rodriguez, que les médias d’information et les journalistes sont rémunérés équitablement pour leur travail. Aujourd’hui plus que jamais, les Canadiens ont besoin de renseignements fiables et crédibles, surtout en cette période de méfiance et de désinformation accrue. »
La nouvelle loi canadienne établit un processus permettant aux plateformes numériques de négocier en privé des ententes avec des journaux, des magazines et des groupes de nouvelles numériques, ainsi qu’avec des radiodiffuseurs qui publient des nouvelles en ligne.
Voilà pour la théorie.
Pratiquement parlant, encore faudra-t-il que les géants du web acceptent de se plier aux contraintes financières imposées par le cadre de la loi.
Tant qu’à jouer les gros bras
Google et Meta ne veulent rien savoir de la nouvelle loi fédérale sur le partage forcé des recettes tirées des nouvelles provenant des médias canadiens. Et en conséquence, les deux géants du web ont décidé de mettre fin à la diffusion sur leurs plateformes des nouvelles tirées de nos médias.
Meta a mis sa menace à exécution.
Réaction du grand patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau : « Il est déplorable, voire odieux, que Meta utilise sa position dominante pour bloquer l’accès à l’information des médias d’ici. Nous invitons l’ensemble de la population à s’informer directement à la source. »
« Avec l’adoption de #C18, ajoute-t-il, alors qu’un pas dans la bonne direction est franchi concernant les nouvelles en ligne, Meta exécute de nouveau ses menaces et prend en otage les utilisateurs/trices canadiens/nes. »
Dans le même ordre d’idée, Luce Julien, la directrice générale de l’Information de Radio-Canada, invite dès maintenant les gens « à changer leurs habitudes de consultation de nouvelles et à aller directement sur les sites et les applications de leurs médias préférés plutôt que d’utiliser l’intermédiaire des réseaux sociaux », comme les Google et Facebook de ce monde.
« Google et Meta ne créent pas de nouvelles, précise Mme Julien. Ils se nourrissent et s’enrichissent grâce aux contenus produits par d’autres, servis à leurs utilisateurs par leurs puissants et opaques algorithmes. »
Représailles canadiennes
En guise de représailles contre Meta, qui a déjà cessé de diffuser les nouvelles canadiennes, les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault ont donné l’ordre à leurs gouvernements respectifs de ne plus annoncer sur les sites de Meta. Les villes de Montréal, Longueuil, Québec, Laval et la SAQ ont emboîté le pas.
Les grandes entreprises de presse comme Québecor, Cogeco, La Presse+, CBC/Radio-Canada... ont également décidé de suspendre l’achat de publicité sur Facebook et Instagram en guise de riposte au blocage du contenu journalistique canadien.
Lorsque Google mettra à exécution son boycottage des nouvelles canadiennes, ce sera à son tour de passer sous le couperet de la publicité de nos gouvernements d’Ottawa et de Québec, de nos grandes villes et grandes entreprises de presse canadienne.
Dixit Justin Trudeau : « On va tenir tête contre les géants du web, contre leur bullying, parce qu’on sait que la démocratie est en jeu. »
Cela dit, les dizaines de millions de dollars dépensés en publicité par nos gouvernements, villes et entreprises de presse ne représentent que des « miettes » pour les deux géants du web.
Pour avoir davantage d’impact sur les hauts dirigeants de ces deux multinationales américaines, il faut continuer à dénoncer haut et fort leur décision de boycotter les médias canadiens.
J’invite d’ailleurs Justin Trudeau et François Legault à lancer un appel généralisé au boycottage des plateformes de ces deux tyrans du web auprès de leurs homologues provinciaux.
Autres mesures contre eux
Je propose que les grandes caisses de retraite liées à nos divers paliers de gouvernement liquident les blocs d’actions qu’elles détiennent de ces entreprises récalcitrantes.
Je fais référence ici à la Caisse de dépôt et placement du Québec, à l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC), au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO), à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (Investissements PSP), au Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), etc.
De plus, Justin Trudeau devrait dénoncer haut et fort auprès du gouvernement américain de Joe Biden et des autres gouvernements du G20 la mauvaise foi des dirigeants de Google et de Meta qui font tout leur possible pour écraser financièrement les médias canadiens.