«Ça sert à quoi d’être ici?»: prise de bec entre le commissaire Denis Gallant et l’avocat de Karl Malenfant
Me Jean-François Bertrand a vivement dénoncé les méthodes du commissaire Gallant et des procureurs

Nicolas Lachance
L’avocat de Karl Malenfant a déclenché une vive confrontation et une forte tension en accusant le commissaire Denis Gallant et ses procureurs de s'égarer parce qu'ils semblent avoir cessé de chercher la vérité dans le cas de son client.
La tension est montée lundi matin entre le commissaire Denis Gallant et l’avocat de l’architecte de SAAQclic.
Alors que son client est malmené depuis quelques jours devant la commission chargée de faire la lumière sur le fiasco SAAQclic, Me Jean-François Bertrand s’est énervé des positions des procureurs.
«Monsieur le commissaire, je suis obligé d’intervenir. Ce ne sont plus des questions, c’est de l’argumentaire. C’est la position du procureur», a-t-il lancé.
S’est ensuivie une altercation.
«Vous ne pouvez pas intervenir. Je vous demande de vous asseoir», a tranché le commissaire, demandant à Malenfant de répondre. «Je déciderai si c’est de l’argumentation. Pour l’instant, je n’en vois pas. Votre client fait ça depuis trois jours.»
Offusqué, Me Bertrand a dénoncé ce qu’il perçoit comme une décision déjà prise.
«Ça sert à quoi d’être ici?», a-t-il lancé.

«Vous leur donnez un bonbon»
Avant l’affrontement verbal, Malenfant était interrogé sur une compensation versée à l’Alliance SAP-LGS pour le rapatriement à Québec de travaux de sécurité réalisés en Inde.
L’Alliance estimait que ce rapatriement justifiait une augmentation du taux horaire.
Pourtant, selon le contrat, les employés ne devaient pas travailler en Inde, a plaidé le procureur. Le risque lié aux données personnelles des Québécois était élevé.
Malgré cela, Malenfant a conclu une entente et versé 3 millions $ à IBM.
«Votre raisonnement, M. Malenfant, est évocateur. Il illustre une tendance qui se répétera plus tard, avec des proportions plus importantes. On a un contrat clair, une loi claire. IBM veut être dédommagé, et vous leur concédez un dédommagement [...]. La graine est semée», a déclaré le procureur Alexandre Thériault-Marois.
«Vous leur donnez un bonbon auquel ils n’ont pas droit, parce que vous voulez avancer. Et quand ils demandent la même chose pour la livraison 2, beaucoup plus coûteuse, c’est là que ça bloque.»
C’est cette affirmation qui a fait bondir Me Bertrand.

Défense de Malenfant
La semaine dernière, la Commission a révélé que Karl Malenfant avait eu en sa possession des informations commerciales sensibles et confidentielles qu’il n’aurait jamais dû obtenir. Me Bertrand a plaidé que ces allégations étaient fausses.
Il assure que Malenfant avait droit d’y accéder. Pourtant, Malenfant avait soutenu sous serment qu’il n’avait pas eu accès aux informations. Il ne se souvenait pas qu’il avait eu droit, dit-il aujourd’hui.
Selon la preuve déposée, ces documents n’auraient jamais dû se retrouver entre ses mains. Les soumissions devaient être analysées par des comités secrets.
Or, selon deux courriels déposés, Malenfant a demandé au gardien du processus contractuel, Yves Frenette, d’avoir accès à toutes les soumissions. À l’époque, il a obtenu l’autorisation.
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Par ailleurs, l’architecte du projet SAAQclic dit avoir accepté de scinder les 222 millions $ supplémentaires nécessaires pour compléter le projet CASA/SAAQclic en 2022. Il aurait toutefois préféré effectuer un seul versement à l’Alliance, malgré les risques politiques et médiatiques.
Malenfant affirme s’être rangé derrière la décision du conseil d’administration. À ce moment-là, le contrat initial de 458 millions $, censé couvrir les besoins jusqu’en 2027, était épuisé. Malenfant a aussi expliqué le malentendu entre la SAAQ et IBM qui a mené à cet extra.
Le projet était «Too big, too much, too fast», selon IBM.
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