Publicité
L'article provient de TVA Nouvelles
Justice et faits divers

«Ça se règle avec une balle»: retour sur le règne du redoutable parrain des gangs, Gregory Woolley

Notre Bureau d’enquête dresse le portrait du caïd assassiné en novembre 2023

Partager
Photo portrait de Eric Thibault

Eric Thibault

2024-01-27T05:00:00Z
Partager

Gregory Woolley a été tué par balles, le 17 novembre dernier, en face d’un CLSC de Saint-Jean-sur-Richelieu, devant sa conjointe et leur bébé. Jeudi, notre Bureau d’enquête révélait que le chef de gang a vraisemblablement été victime d’une purge interne parce qu’il serait l’un des principaux commanditaires allégués des meurtres et des complots que le tueur à gages Frédérick Silva a confessés aux policiers depuis qu’il a entrepris de collaborer avec les autorités en 2022. Retour aujourd’hui sur la carrière criminelle percutante de l’un des plus redoutables leaders du crime organisé au Québec, grâce à des documents judiciaires dont notre Bureau d’enquête a eu accès.


Calmement assis, les mains jointes sous son menton, Gregory Woolley s’efforce de rester silencieux et impassible, en ce début d’après-midi du 19 novembre 2015. 

À 5h58 ce matin, l’enquêteur Steve Girard l’a tiré du lit en sonnant à la porte de sa résidence cossue à Saint-Hubert. Woolley est allé lui ouvrir, vêtu seulement d’un caleçon avant d’être mis en état d’arrestation. Une quarantaine d’autres suspects ont également été appréhendés comme lui dans l’opération.

Confiné dans une petite salle d’interrogatoire et mitraillé de questions, Woolley n’a pas ouvert la bouche depuis qu’on l’a escorté au quartier général de la Sûreté du Québec, il y a maintenant six heures. 

Publicité
  • Écoutez l'entrevue avec Éric Thibault, journaliste au bureau d'enquête, via QUB :

C’est à peine s’il a croisé le regard de ce policier expérimenté qui lui parle sur un ton familier en l’appelant Greg. Girard a cru bon de lui rappeler qu’un des faits saillants de sa carrière est d’avoir aidé à coincer le tueur à gages Gérald Gallant, devenu délateur après avoir tué pour le compte des ennemis des Hells Angels pendant la guerre des motards qui a fait plus de 160 morts au Québec à la fin des années 90.

Girard sait bien que Woolley a une sainte horreur des criminels qui snitch des renseignements à la police pour se négocier des avantages. Il sait aussi que Woolley a déjà été enregistré, alors qu’il travaillait pour les Hells, dire à un supérieur de ne «jamais faire d’arrangement avec la Couronne».

«Des gars comme toi, qui ne parlent pas à la police, ça ne court pas les rues, lui dit-il. Je sais que t’es reconnu comme ça dans le milieu. Et ça doit être une des raisons pour lesquelles t’as réussi à monter dans une organisation comme [le club-école des Hells] les Rockers, qui valorise les Blancs et où t’es le seul Noir qui a monté. Parce que les Hells, des Noirs, y en veulent pas. Je suis convaincu que pour eux autres, t’es une personne fiable. Mais t’es une exception.» 

Publicité
Avec son ami Mom

Né le 26 février 1972 à Port-au-Prince, en Haïti, Gregory Woolley immigre au Québec avec sa famille à l’âge de 11 ans et obtient sa citoyenneté canadienne le 27 avril 1984. 

«Vous auriez grandi dans un milieu familial véhiculant des valeurs prosociales. Vous n’auriez pas connu de problème d’apprentissage à l’école et vous n’auriez jamais connu de problème d’abus d’alcool ou de drogue», mentionnera à son sujet la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Très jeune, il devient membre du premier gang de rue à avoir été fondé à Montréal, les Master B, qui deviendront ensuite les Bô-Gars. C’est un gang associé aux Rouges, dont le fief englobe Montréal-Nord et le quartier Rivière-des-Prairies. Plus tard, on le surnommera même le «parrain des gangs».

Au milieu des années 90, le jeune gangster de 5 pieds et 9 pouces attire l’attention du chef des Hells Angels, Maurice «Mom» Boucher, dont les troupes livrent une guerre meurtrière aux Rock Machine pour le contrôle du marché de la drogue.

«C’est un chef de gang de rue et Mom l’a ramassé dans l’espérance qu’il amène les autres gangs de rue avec nous autres», expliquera à la SQ l’ex-membre des Hells, Sylvain Boulanger, après être devenu délateur en 2007.

Publicité

On aperçoit Gregory Woolley à la droite de Maurice «Mom» Boucher lors d'un rassemblement durant la guerre des motards.
On aperçoit Gregory Woolley à la droite de Maurice «Mom» Boucher lors d'un rassemblement durant la guerre des motards. Photo d'archives

En raison de la couleur de sa peau, Woolley n’aurait pas pu porter la veste des Hells comme membre du gang de motards compte tenu des règlements internes du club. 

Mais rien n’empêchait d’accueillir Woolley au sein des Rockers de Montréal, un club-école des Hells que Boucher avait lui-même mis sur pied.

Dans «l’équipe de football»

Woolley est recruté dans «l’équipe de football» des Rockers, soit «le terme qu’on employait pour désigner les tueurs à gages du gang», d’après le délateur et ancien porte-couleurs des Rockers Stéphane «Godasse» Gagné, qui faisait partie de la même équipe.

Woolley a été arrêté à l'aéroport de Mirabel, le 5 avril 2000, parce qu'il a tenté de monter à bord d'un avion à destination d'Haïti avec ce sac contenant un revolver chargé, près de 9000 $ et une cagoule noire.
Woolley a été arrêté à l'aéroport de Mirabel, le 5 avril 2000, parce qu'il a tenté de monter à bord d'un avion à destination d'Haïti avec ce sac contenant un revolver chargé, près de 9000 $ et une cagoule noire. PHOTO Courtoisie

Son «parrain» chez les Rockers était Paul Fontaine, qui sera condamné pour le meurtre de l’agent correctionnel Pierre Rondeau, abattu sous les ordres de Boucher en 1997.

«Paul appréciait énormément son style. Il était très travaillant. Tuer pour lui, c’est comme un citoyen qui travaille de 9 à 5», a déclaré Stéphane Sirois, un ex-membre des Rockers lui aussi devenu délateur.

Woolley devient souvent le garde du corps de Boucher dans ses déplacements. Greg convainc aussi Mom de lui donner sa bénédiction pour former sa propre équipe de caïds issus des gangs de rue montréalais, les Syndicate, dont la devise est Do or Die

Publicité

Quelques membres des Syndicate prise en 1998, où on aperçoit Gregory Woolley en bas à droite.
Quelques membres des Syndicate prise en 1998, où on aperçoit Gregory Woolley en bas à droite. Photo d'archives

En plus d’épauler les Hells sur le marché des stupéfiants, l’objectif de ce «syndicat du crime» était d’amener les gangs d’allégeances rouge et bleue à mettre leurs rivalités de côté et à travailler ensemble.

«Y est gaffeux...»

Mais Woolley devra mettre ses plans d’alliance sur la glace en raison d’une erreur bête, commise le matin du 5 avril 2000, à l’aéroport de Mirabel, où il devait monter dans un avion de la compagnie Royal à destination de sa ville natale.

Woolley arrive à 8h37. C’est le dernier des 172 passagers à remettre sa carte d’embarquement et son bagage – un sac de sport noir orné d’une tête de mort – au personnel de sécurité. Mais le voyageur aux nombreux bijoux en or réalise sa bévue quand l’agent chargé de passer son bagage dans l’appareil de radioscopie y décèle «une masse métallique».

«J’ai oublié quelque chose dans le sac, il faut que j’aille le porter dans mon auto», demande-t-il en vain aux agents. 

Le revolver chargé avec lequel Woolley a tenté de monter à bord d'un avion à destination d'Haïti à l'aéroport de Mirabel, le 5 avril 2000.
Le revolver chargé avec lequel Woolley a tenté de monter à bord d'un avion à destination d'Haïti à l'aéroport de Mirabel, le 5 avril 2000. PHOTO courtoisie

«La deuxième fois, ayant placé le sac différemment [dans l’appareil], j’ai bien vu le canon, le barillet et la crosse, relate l’agent de sécurité Samuel Lemay dans son rapport. Ensuite, j’ai tenté de diriger le passager vers la salle de fouille corporelle. Il était très nerveux.»

Publicité

Woolley se «pognait la tête» à deux mains quand les policiers sont arrivés pour l’appréhender et saisir le pistolet Smith & Wesson de calibre .44 Magnum qu’il trimbalait illégalement.

Il plaide vite coupable et écope d’une peine de deux ans d’incarcération assortie d’une interdiction à perpétuité de posséder toute arme à feu.

Quinze ans plus tard, Mom Boucher a évoqué la scène avec sa fille Alexandra dans le parloir des visites du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines, où il purgeait une peine à perpétuité pour avoir commandé les meurtres de deux agents correctionnels en 1997. Leurs conversations étaient épiées par la police parce que Boucher, alors soupçonné de planifier un complot pour faire tuer le caïd Raynald Desjardins au pénitencier, se servait de sa fille comme messagère entre lui et Woolley, dont il cherchait à avoir l’approbation pour passer à l’action.

Lors d'une perquisition à son domicile en novembre 2014, les policiers ont constaté que Gregory Woolley conservait des nombreux articles de journaux au sujet du crime organisé. Entre autres, ce reportage de l'hebdo Photo Police sur la condamnation pour complot de meurtre du caïd Raynald Desjardins, que la police considère comme un grand rival du clan mafieux Rizzuto. À ce moment, Woolley collaborait étroitement avec les dirigeants au clan Rizzuto, en plus d'être le pivot de l'alliance d'affaires entre la mafia et les Hells Angels.
Lors d'une perquisition à son domicile en novembre 2014, les policiers ont constaté que Gregory Woolley conservait des nombreux articles de journaux au sujet du crime organisé. Entre autres, ce reportage de l'hebdo Photo Police sur la condamnation pour complot de meurtre du caïd Raynald Desjardins, que la police considère comme un grand rival du clan mafieux Rizzuto. À ce moment, Woolley collaborait étroitement avec les dirigeants au clan Rizzuto, en plus d'être le pivot de l'alliance d'affaires entre la mafia et les Hells Angels. PHOTO courtoisie

«Qu’y fasse attention. Y est gaffeux. Je me rappelle, moé. Il s’en va à Haïti, hein? Pis, y s’en va avec son gun dans son bagage... Qu’est-ce que tu penses qui est arrivé? Y s’est fait pogner. Une inattention. Tu vas pas à l’aéroport avec ton gun!

Publicité

– Heille, il doit s’être haï en crisse!» a réagi sa fille en ricanant.

Une image de filature policière montrant Gregory Woolley, l’ex-garde du corps de Mom, et la fille de l’ancien chef des Hells, Alexandra Mongeau, qui furent tous deux accusés de complot de meurtre avec Boucher avant d’être libérés.
Une image de filature policière montrant Gregory Woolley, l’ex-garde du corps de Mom, et la fille de l’ancien chef des Hells, Alexandra Mongeau, qui furent tous deux accusés de complot de meurtre avec Boucher avant d’être libérés. Photo courtoisie

Il bat une preuve d’ADN

Woolley purge sa peine au pénitencier de Donnacona, le 28 mars 2001, quand on le remet en état d’arrestation pour neuf meurtres commis pendant la guerre des motards.

Le premier assassinat sur cette liste est celui de Pierre Beauchamp, un fournisseur de cocaïne des Rock Machine. Le soir du 20 décembre 1996, Beauchamp a été abattu à bout portant au volant de sa minifourgonnette sur la rue Sainte-Catherine alors achalandée avec le magasinage des Fêtes. La preuve de la Couronne semblait irréfutable. Non seulement le délateur Sirois prétendait avoir reçu des aveux de Woolley le soir du meurtre, mais l’ADN de l’accusé avait été prélevé sur un chapeau retrouvé à l’intérieur d’une poubelle de la station de métro Bonaventure, dans laquelle l’arme du crime avait aussi été abandonnée. 

Pierre Beauchamp, un trafiquant des Rock Machines, a été tué par balles dans sa voiture le 20 décembre 1996 sur la rue Sainte-Catherine à Montreal.
Pierre Beauchamp, un trafiquant des Rock Machines, a été tué par balles dans sa voiture le 20 décembre 1996 sur la rue Sainte-Catherine à Montreal. Photo d'archives

Mais en décembre 2004, un jury tranche: non coupable. Aucun témoin oculaire n’a pu identifier formellement Woolley comme tireur et le technicien recrue que la police de Montréal avait mandaté pour documenter la scène de crime a commis des erreurs, en plus de mentir sous serment pour tenter de camoufler ses bourdes.

Publicité

Comme plusieurs des Hells appréhendés dans l’opération Printemps 2001, Woolley plaidera ensuite coupable à des accusations de complot pour meurtre, gangstérisme et trafic de stupéfiants.

Gregory Woolley fut emprisonné après l'opération Printemps 2001 et condamné pour complot de meurtre.
Gregory Woolley fut emprisonné après l'opération Printemps 2001 et condamné pour complot de meurtre. Photo d'archives

«Vito adore Greg »

L’été suivant, le chef de gang se retrouve au pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines où il a l’occasion de côtoyer l’homme que la police considère comme étant encore plus puissant que Mom Boucher dans le crime organisé à Montréal: Vito Rizzuto.

Le parrain qui règne alors sur la mafia italienne depuis près de 25 ans est incarcéré là en attendant son extradition devant la justice américaine relativement à son rôle dans les meurtres de trois mafiosi new-yorkais tués en 1981.

Vito Rizzuto filmé lors d'une opération de filature durant l'enquête policière Magot en 2013, en compagnie du chef mafieux Stefano Sollecito.
Vito Rizzuto filmé lors d'une opération de filature durant l'enquête policière Magot en 2013, en compagnie du chef mafieux Stefano Sollecito. PHOTO Courtoisie

Entre le 6 juillet et le 22 septembre 2005, «M. Rizzuto a été incarcéré avec M. Woolley dans le même pavillon, au Centre régional de réception de Sainte-Anne-des-Plaines, et des rapports de renseignements nous ont indiqué qu’ils ont été observés à maintes reprises dans la cour extérieure en train de discuter», témoignera en cour le sergent détective François Lambert, de la police de Montréal, en 2016, pour expliquer comment le chef de gang avait pu devenir un «homme de confiance» pour le crime organisé traditionnel italien.

Dans des documents judiciaires, des informateurs de police diront plus tard que «Vito [Rizzuto] adore Greg». 

Mom Boucher aussi

Les deux comparses s’échangent des lettres pendant qu’ils sont incarcérés dans deux établissements différents.

Publicité

La police a saisi des lettres que l'ancien chef des Hells Angels, Maurice «Mom» Boucher, a écrites à son ancien garde du corps Gregory Woolley en 2010, pendant que le premier était incarcéré à l'Unité spéciale de détention de Sainte-Anne-des-Plaines pour avoir commandé les meurtres de deux gardiens de prison en 1997 et que le second se trouvait à la prison de Bordeaux. Boucher avait fait graduer Woolley comme membre en règle des Rockers pendant la guerre des motards.
La police a saisi des lettres que l'ancien chef des Hells Angels, Maurice «Mom» Boucher, a écrites à son ancien garde du corps Gregory Woolley en 2010, pendant que le premier était incarcéré à l'Unité spéciale de détention de Sainte-Anne-des-Plaines pour avoir commandé les meurtres de deux gardiens de prison en 1997 et que le second se trouvait à la prison de Bordeaux. Boucher avait fait graduer Woolley comme membre en règle des Rockers pendant la guerre des motards. PHOTO courtoisie

«J’espère de tout cœur que tu les feras chier [la Couronne] et que tu pourras faire voir qu’ils sont des menteurs et manipulateur [sic] de notre beau système juridique. [...] Ne lâche pas mon ami», lui écrit celui qui concluait ses lettres en signant Mom, le 30 mars 2010.

Woolley faisait alors face à de nouvelles accusations pour avoir touché en prison des redevances mensuelles allant jusqu’à 10 000$ d’un réseau de trafic de drogue actif au centre-ville de Montréal.

Une photo montrant Woolley vêtu d’un chandail des Canadiens sera saisie dans la cellule de Boucher, en 2015. À l’endos de la photo, on pouvait lire: «À mon ami MOM, L & R [Love and Respect], de Greg». 

«Besoin de contrôler»

Appelée à cerner le profil de Woolley, la Commission des libérations conditionnelles du Canada le décrira comme «un individu intelligent» qui s’est bâti «une importante notoriété» dans la criminalité pour satisfaire «un ego surdimensionné, un besoin de plaire et de contrôler».

Gregory Woolley aux funérailles de Lionel Deschamps, l'un des fondateurs de l'organisation des motards, Hells Angels, à Repentigny, le 7 novembre 2015.
Gregory Woolley aux funérailles de Lionel Deschamps, l'un des fondateurs de l'organisation des motards, Hells Angels, à Repentigny, le 7 novembre 2015. Photo d'archives, Agence QMI

Publicité

Et après plus de 11 années passées à l’ombre, Woolley redevient un homme libre le samedi 2 juillet 2011. Le Journal prédit aussitôt dans un article que ce «redoutable soldat des Hells» dont «la réputation de violence n’est plus à faire» cherchera à «reprendre sa place» et à «tasser ceux qui ne seront pas dans son camp».

Son plan de concrétiser un partenariat entre les Rouges et les Bleus, qui s’étaient tirés dessus pendant sa détention comme jamais auparavant, ne passe pas comme une lettre à la poste. 

«Big» Chénier Dupuy, le chef des Bô-Gars, lui exprime son désaccord devant plusieurs motards, membres de gangs de rue et proches de la mafia réunis à une fête au bar Bourbon Street, à Sainte-Adèle, dans les Laurentides, à l’été 2012. 

«Comme plusieurs vétérans des [Rouges], Chénier a dit qu’il ne voulait rien savoir de lui, qu’il ne travaillerait jamais pour les motards et les “licheux de bécyc. Chénier l’a même brassé devant ses goons, devant tout le monde», a rapporté un proche de Dupuy au Journal.

Dupuy est mort criblé de balles dans le stationnement des Galeries d’Anjou, le 10 août 2012.

Lors d'une perquisition menée à son domicile en novembre 2015, les policiers ont constaté que l'influent gangster Gregory Woolley conservait de nombreux articles de journaux au sujet du crime organisé et, en particulier, de lui-même. Dans ces pages de l'hebdomadaire Photo Police, on relate l'alliance des gangs de rue d'allégeance rouge et bleue dont Woolley fut l'architecte pour qu'ils travaillent avec la mafia et les Hells Angels sur le marché des stupéfiants. Un chef des Rouges, Chénier Dupuy, s'opposait à cette fusion et il a été assassiné en 2012.
Lors d'une perquisition menée à son domicile en novembre 2015, les policiers ont constaté que l'influent gangster Gregory Woolley conservait de nombreux articles de journaux au sujet du crime organisé et, en particulier, de lui-même. Dans ces pages de l'hebdomadaire Photo Police, on relate l'alliance des gangs de rue d'allégeance rouge et bleue dont Woolley fut l'architecte pour qu'ils travaillent avec la mafia et les Hells Angels sur le marché des stupéfiants. Un chef des Rouges, Chénier Dupuy, s'opposait à cette fusion et il a été assassiné en 2012. PHOTO courtoisie

Publicité

«Les bikers auraient dit à Greg de régler le cas à Big s’il ne voulait pas perdre son standing et le respect de la rue. C’est Greg lui-même qui a tué Big», peut-on lire dans des documents judiciaires où les policiers citaient leurs sources du monde interlope. 

Des meurtres pour «garder la ville»

Trois semaines plus tard, les policiers présents aux funérailles du Hells Gaétan Comeau sont éberlués en voyant Woolley arriver avec l’avocat qui représentait alors le clan Rizzuto, Loris Cavaliere, dans la Ferrari de ce dernier. Ce coup d’éclat scellait la nouvelle alliance de toutes les forces du crime organisé, pas seulement des Rouges et des Bleus, dans le but commun de maximiser les profits de chacun sur le marché des stupéfiants.

Aussitôt, les policiers de la SQ, de la police de Montréal et de la GRC amorcent une nouvelle enquête dont Woolley est identifié comme «la cible première»: le projet Magot. 

Le chef de gang Gregory Woolley sur une photo de filature prise à Montréal par les policiers en août 2015, lors du projet d'enquête Magot.
Le chef de gang Gregory Woolley sur une photo de filature prise à Montréal par les policiers en août 2015, lors du projet d'enquête Magot. PHOTO courtoisie

Les policiers apprendront que Woolley, un amateur d’échecs et de badminton, contrôle l’approvisionnement et le trafic de cocaïne dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, où lui et ses hommes ont écoulé 192 kilos de poudre blanche entre 2011 et 2015.

Le 23 août 2015, à Laval, les policiers ont mené une opération de surveillance qui s'est soldée par l'arrestation de Gregory Woolley en possession d'enveloppes contenant plus de 38 000 $ et provenant du trafic de cocaïne. Woolley avait été identifié comme l'un des principaux fournisseurs de cocaïne d'un lucratif réseau de trafiquants basé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
Le 23 août 2015, à Laval, les policiers ont mené une opération de surveillance qui s'est soldée par l'arrestation de Gregory Woolley en possession d'enveloppes contenant plus de 38 000 $ et provenant du trafic de cocaïne. Woolley avait été identifié comme l'un des principaux fournisseurs de cocaïne d'un lucratif réseau de trafiquants basé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. PHOTO courtoisie

Publicité

«Depuis la libération de Gregory Woolley, plusieurs individus reliés au crime organisé des différentes souches ont été assassinés», rappelle aussi un enquêteur dans un document de cour lié au projet Magot. Mais aucune accusation de meurtre ne sera portée contre lui à l’issue de l’enquête.

Les policiers ont réussi à déchiffrer plusieurs messages textes échangés entre Gregory Woolley et quelques-uns de ses complices durant l'enquête Magot. L'un d'eux vante ici les qualités de «stratège» de Woolley en ajoutant qu'il excelle aux échecs, l'un des passe-temps favoris du chef de gang.
Les policiers ont réussi à déchiffrer plusieurs messages textes échangés entre Gregory Woolley et quelques-uns de ses complices durant l'enquête Magot. L'un d'eux vante ici les qualités de «stratège» de Woolley en ajoutant qu'il excelle aux échecs, l'un des passe-temps favoris du chef de gang. PHOTO courtoisie

«Des problèmes comme ça, ça se règle avec une balle dans la poitrine. C’est ça qu’on est supposés de faire pour garder la ville», insiste Woolley lors d’une réunion avec les dirigeants de la mafia, Stefano Sollecito et Leonardo Rizzuto, que la police a enregistrés à leur insu, le 20 août 2015.

Image de filature montrant Stefano Sollecito et Gregory Woolley, lors de l'opération Magot, en septembre 2015.
Image de filature montrant Stefano Sollecito et Gregory Woolley, lors de l'opération Magot, en septembre 2015. PHOTO courtoisie
«Attention à tes amis...»

Au quartier général de la SQ où il se bute au silence du chef de gang, le 20 novembre 2015, l’enquêteur Girard ignore alors que Woolley se résignera à accepter un «arrangement» avec la Couronne en plaidant coupable aux accusations de gangstérisme et de complot pour trafic de drogue. Il ignore aussi que le chef de gang passera les six prochaines années derrière les barreaux et qu’il profitera ensuite de 24 mois de libération conditionnelle avant de se faire éliminer.

Mais avant de conclure son interrogatoire, Girard se permet de lui prodiguer un conseil prophétique.

Publicité

«J’ai juste un conseil à te donner: tu feras attention à tes amis en dedans. Je pense que tu rentres en dedans avec moins d’amis aujourd’hui. Tu peux penser que c’est pas vrai, mais... Tu le sais comment vous êtes. Vous connaissez une seule façon de vous expliquer, de vous venger. Pis c’est de cette façon-là... 

Le tueur à gages Frédérick Silva, photographié en mai 2017 lors d'une filature policière. Silva a entrepris de collaborer avec la police à l'été 2022 et a dénoncé Gregory Woolley comme étant son meilleur client.
Le tueur à gages Frédérick Silva, photographié en mai 2017 lors d'une filature policière. Silva a entrepris de collaborer avec la police à l'été 2022 et a dénoncé Gregory Woolley comme étant son meilleur client. PHOTO courtoisie

«Tout au long de ton trajet depuis que t’as été libéré [en 2011], tu t’es fait des ennemis. Pis tu le sais que dans votre milieu, l’amitié c’est assez éphémère. Tu peux être ami avec quelqu’un dans votre milieu jusqu’à tant que tu vas lui servir à quelque chose. Quand tu vas lui nuire... Tu connais l’expression “Le roi est mort, vive le roi”? Aujourd’hui, le roi vient de mourir. Y en a un autre qui va prendre ta place demain.»

– Avec Félix Séguin et Maxime Deland

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité