«Ça rend des familles nerveuses»: des travailleurs de l’usine Bridgestone voient leur paye fondre à cause de la cyberattaque
L’usine de 1400 travailleurs fabrique quelque 18 000 pneus chaque jour dans la région de Lanaudière.


Francis Halin
Des employés de l’usine de pneus de Bridgestone sont choqués de voir leur chèque de paye fondre en raison de la cyberattaque de dimanche dernier.
«Ça rend des familles nerveuses, résume le maire de Joliette, Pierre-Luc Bellerose. Pour des pères et des mères de famille, c’est un coup dur.»
Depuis dimanche passé, plus de 85% des 1400 travailleurs de l’usine de Bridgestone de Joliette sont forcés de rester chez eux, entre quatre murs, car l’usine est sur pause.
«Les fins de mois étaient déjà pas mal plus dures», confie au Journal un journalier de Bridgestone, qui préfère garder l’anonymat de peur de perdre son boulot.
Comme plusieurs collègues, il a reçu un autre texto sur son cellulaire ce mercredi.
«L’incident de cybersécurité continue d’affecter plusieurs usines de notre groupe», mentionne Bridgestone, qui lui demande de rester chez lui plutôt que d’aller bosser à l’usine.
Poumon économique
Dans ce coin de pays, «la Bridgestone», comme on l’appelle, est le poumon économique.
Sous l’ère du premier ministre Philippe Couillard Québec avait donné en 2016 une subvention de 10 millions $ et un prêt de 44 millions $ pour la garder chez nous.
Il y a deux ans, Bridgestone a également obtenu un prêt sans intérêt de 7,4 millions $, sous l'ère de l'ex-ministre de l'Économie Pierre Fitzgibbon.
«Beaucoup de boulot manuel devrait rependre dès jeudi», précise au moins André Corriveau, président du syndicat de Bridgestone de Joliette (CSN).
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Isabelle Perron, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Alors que plusieurs travailleurs grincent des dents parce qu’ils n’ont pas de paye, le chef syndical rappelle leurs droits.
«On n’est pas payé. Il faut être sept jours à l’arrêt pour faire une demande de chômage. Il n’y a pas de temps d’attente. On est éligible», explique M Corriveau.
«Ça équivaut à une mise à pied de moins de six mois, donc l’entreprise n’a pas à les payer», observe aussi l’avocat Bernard Cliche de Beauvais Truchon.
Cyberattaques en série
Ce n’est pas la première fois que Bridgestone est victime d’une cyberattaque.
«Ça serait leur troisième incident d’intrusion, observe Steve Waterhouse, spécialiste en cybersécurité. Il y en a eu une au début mars 2022 dans le contexte de l’attaque russe contre l’Ukraine. C’était le groupe LockBit».
«Il y en a une autre de LockBit, et la plus récente, on ignore elle est de qui», dit-il.
Interrogée par Le Journal, Bridgestone a dit poursuivre son enquête sur le cyberincident touchant plusieurs de ses sites de production.
«Nous ne pensons pas que les données ou les interfaces de nos clients aient été compromises. Maintenir la continuité des activités et protéger les données et les interfaces a été et reste notre priorité absolue», assure la société japonaise.
Bridgestone emploie plus de 120 000 travailleurs dans le monde.
L’an dernier, ses profits ont avoisiné les 3 milliards $.
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