«Ça me fait tellement de peine»: leur ancien logement est à louer sur Airbnb
Trois ex-locataires d’Alexandre Gauvin affirment avoir subi des pressions pour partir avant que leur logement soit converti en Airbnb


Anouk Lebel
Des locataires montréalais sont choqués de voir leurs anciens appartements affichés sur le site Airbnb après avoir accepté de partir sous les pressions des propriétaires qui multiplient les annonces sur la plateforme d’hébergement touristique.
«Ça me fait tellement de peine. C’était notre maison et maintenant elle n’a plus aucune personnalité. L’annonce dit qu’elle peut accueillir 14 personnes, mais ça aurait pu être nous sinon une famille», souffle Justine Lepage-Roy qui a habité pendant un an et demi avec son conjoint Frédéric Provost dans l’un des appartements affichés.
Les deux jeunes professionnels de 26 et 29 ans se voyaient vivre dans le grand six et demi de l’arrondissement Ville-Marie longtemps quand ils ont emménagé en juin 2020.
Mais le triplex de Ville-Marie a été racheté en juillet 2021. Ils racontent que les nouveaux propriétaires leur ont envoyé pas moins de deux avis d’éviction en deux mois.
Un prix qui explose
Ils ont beau avoir obtenu gain de cause devant le Tribunal administratif du logement (TAL) pour le premier, pour subdivision, ils ont préféré partir en échange d’une somme de 10 000$ quand ils ont reçu le second, pour changement d’affectation.
«Ils n’arrêtaient pas de nous dire de partir et qu’ils n’arrêteraient jamais, qu’ils arriveraient plus préparés. On était étudiants, on n’avait ni le temps ni les ressources pour se battre», explique Mme Lepage-Roy.
Peu après leur départ, en mars 2022, le logement qu’ils payaient 1250$ était à louer 2350$ par mois. Il est maintenant affiché sur Airbnb à un prix qui peut aller jusqu’à 730$ la nuit, selon ce qu’a pu observer Le Journal.

L’un des copropriétaires, Alexandre Gauvin, possède trois autres immeubles à Montréal, dont un sixplex dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve qu’il a acheté avec Vadim Kuzmenko.
Une dizaine d’annonces sont liées à leurs propriétés sur Airbnb, avec jusqu’à trois fois le même numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ).
Pressions
Joannie Primeau a été l’une de leurs locataires.
«Ç’a été un enfer», laisse tomber celle qui affirme aussi avoir subi des pressions pour résilier le bail de son logement maintenant affiché sur la plateforme de location touristique.
En 2020, elle a contesté un avis d’éviction pour travaux majeurs du sept et demi sur deux étages qu’elle a partagé pendant deux ans avec trois autres colocataires pour 1235$ par mois.

Le dossier était encore ouvert à la Régie du logement quand les propriétaires ont entamé des travaux dans le commerce au rez-de-chaussée de l'immeuble, laissant leur logement à 13 degrés Celsius en plein hiver.
C’est à la suite d’un dégât d’eau qu’ils ont accepté de fermer leur dossier au TAL en échange d’une compensation de 4448$ pour trois mois de loyer, perte de jouissance du logement et un dédommagement de relocalisation selon l’entente dont Le Journal a obtenu copie.
«C’était devenu inhabitable. On s’est ramassés au coin de la rue Préfontaine en plein mois de janvier avec nos boîtes. [...] On était tellement fatigués, angoissés qu’on a accepté», se désole Mme Primeau.
Joint au téléphone pour donner sa version des faits, Alexandre Gauvin, a affirmé n’avoir «aucun commentaire». Vadim Kuzmenko n’a pas répondu à nos demandes.

