«Ça m’écœure»: un médecin sportif révolté que des sels d’ammoniaque aient été distribués à des jeunes de 10 ans à Montréal


Kevin Dubé
Le président de l’Association québécoise des médecins du sport et de l’exercice (AQMSE), Luc De Garie, s’est dit révolté lorsqu’il a appris qu’un entraîneur de hockey mineur avait fait inhaler des sels d’ammoniaque à des jeunes de 10 ans, puisqu’en plus de n’aider en rien à augmenter les performances sportives, le geste aide à promouvoir l’usage de substances pour améliorer les performances.
«C’est complètement niaiseux et inutile», a-t-il lancé, furieux.
Pour le médecin sportif, ces sels fréquemment utilisés par des sportifs professionnels ne servent à rien.
«C’est un placebo et une connerie qui n’aide absolument rien. Dans la littérature, c’est clair que ces sels n’ont aucun effet ergogénique. Ça crée un réveil de courte durée. Honnêtement, c’est comme si je te garrochais un verre d’eau au visage ou dans le cou. La seule différence, c’est que, l’eau, c’est inoffensif. Avec l’ammoniaque, il y a des risques minimes sur la santé puisque ça peut endommager les voies respiratoires.»

Le Dr De Garie s’est d’ailleurs dit surpris que ces substances reviennent à l’avant-plan, surtout après l’épisode de 2019 où un jeune hockeyeur de 17 ans de Granby avait ingéré par mégarde un mélange d’eau et d’ammoniaque, préparé par des coéquipiers qui prévoyaient d’en respirer avant une rencontre.
Il avait alors subi d’importantes brûlures à la bouche et à la gorge.
En entrevue avec Le Journal à la suite de cet incident, la directrice du laboratoire de contrôle du dopage à l’INRS-Institut Armand-Frappier, Christiane Ayotte, maintenant retraitée, avait également mis en garde contre l’utilisation de ces substances.
«Ce n’est pas parce que ce n’est pas banni que c’est raisonnable, avait-elle mentionné. Quand on le respire, c’est tellement irritant qu’on a l’impression tout d’un coup d’être énergisé et notre cœur se met à battre rapidement. Par contre, ça irrite fortement les muqueuses du nez, de la gorge et des bronches. C’est une pratique archaïque qui survit dans le temps. Ç’a l’air fou.
«C’est dommage parce que les jeunes, les parents et les entraîneurs regardent ça [les sportifs professionnels qui en consomment] et se disent que c’est une bonne idée et qu’ils vont le faire aussi.»
Un message «épouvantable»
C’est pourquoi le Dr De Garie a été aussi choqué d’apprendre ce qui s’était produit dans la région du lac Saint-Louis.
Pour lui, au-delà des risques pour la santé, c’est le message qu’on véhicule à des jeunes de 10 ans qui est problématique, croit-il.
«Ça m’écœure. En tant que parent et médecin du sport, ce qui me dérange encore plus, c’est l’attitude des entraîneurs. À 10 ans, tu es supposé être en apprentissage et t’amuser, jouer pour le fun. Le but est de les faire bouger afin qu’ils développent des habitudes qu’ils vont garder pour le restant de leurs jours. Avec un geste comme ça, on fait la promotion d’une culture épouvantable et à bannir.»
Banni dans la LHJMQ
Les sels d'ammoniaque sont d'ailleurs bannis dans la LHJMQ.
« L’utilisation d’ammoniac et de sels d’ammonium est strictement interdite dans la LHJMQ, et ce, depuis plusieurs années. Il s’agit de produits irritants pour les muqueuses nasales et néfastes pour la santé, même si, à ce jour, la médecine ne connait pas encore tous les effets négatifs d’une utilisation répétée. La Ligue prévoit des amendes aux organisations qui contreviendraient à cette directive », a réitéré le directeur des communications du circuit, Raphaël Doucet.